CHAPITRE 3 - Matinée anodine

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— Rachel, je vais te tuer !

Un éclat de rire me répondit. Je sortis de la salle de bain et lançai un regard assassin à ma meilleure amie, les poings sur les hanches. Au bout de six ans de vie commune j'aurais dû m'y habituer mais je devais être quelqu'un de trop optimiste pour ça. Rachel était un cas désespéré, il fallait que je m'y fasse.

— Euh... Je suis désolée ?, minauda-t-elle.

Je ne me laissai pas avoir par sa moue trop mignonne.

— Tu ferais bien oui ! Dorénavant, je prendrais ma douche avant toi : marre de prendre des douches froides dès le réveil.

— C'est pour vivifier tes muscles, railla-t-elle.

— Mes muscles n'ont pas besoin d'être vivifiés Rachel.

— Qu'est-ce que je suis drôle, marmonna-t-elle, l'air faussement ennuyé d'avoir un sens de l'humour.

Je retins un ricanement.

— Je n'ai pas rigolé, lança Sasha, avec qui nous partagions la chambre et qui était en train de faire son lit.

— Chut, fit Rachel.

On se regarda toutes les trois avant d'exploser de rire. Malgré mon apparente mauvaise humeur, j'aimais ce genre de matinée : j'y avais mes repères. C'était mieux que les réveils de ma mère, stressée au possible, mieux que les glapissement angoissés de mon père, bien mieux que les ronflements de mon frère. J'avais vraiment de la chance sur ce dernier point : aucune des filles avec qui je partageais ce dortoir ne ronflait et d'après les rumeurs qui pouvaient circuler dans la tour de Gryffondor, c'était un réel privilège.

Rachel était un peu ma famille de substitution. Non pas que j'en ai vraiment besoin : j'aimais ma famille, énormément. Celle-ci était d'un soutien sans faille quelque soient mes projets. Seulement parfois, la famille, ça fatigue : ce sont ceux qui vous connaissent depuis le plus longtemps qui vous critiquent le plus rapidement et qui surtout n'hésitent pas à vous balancer des jugements pas toujours très justifiés en pleine figure. Je n'aimais pas ce genre de cruauté gratuite. Il y avait assez des autres pour me jauger.

— Merde ! Merde ! Merde !

Laura, notre quatrième colocataire de dortoir venait de traverser ce dernier en piaillant comme une poule affolée. Elle s'arrêta subitement pour nous dévisager. Nous devions avoir un drôle d'air car elle nous observa comme des rats de laboratoire pour qui l'expérience aurait mal tournée.

— Qu'est-ce qui vous arrive ?, demanda-t-elle, suspicieuse.

— Rien, c'est Rachel qui n'est pas drôle, répondit Sasha.

Laura fronça les sourcils et haussa les épaules l'air de se dire qu'elle s'en fichait.

— Et toi, pourquoi tu t'agites comme ça ?, questionnai-je, curieuse comme un pou.

Laura me regarda comme si j'étais quelque chose de dégoutant sur le bout de sa chaussure et ne me répondit pas. Ce qui me donna légèrement envie de la gifler. Elle faisait toujours ça. J'ignorais pourquoi, mais elle semblait me haïr très très fort. Pourtant, je ne lui avais jamais rien fait. Ou alors je ne m'en souvenais pas.

— Rose t'a posé une question, Doll, siffla Rachel, l'air menaçant.

Un frisson courut le long de mes bras. Je pouvais compter sur Rachel pour défendre mon honneur en toutes circonstances. Et personne dans ce château – sauf James peut-être – ne voulait se risquer à provoquer sa colère : elle avait une imagination sans limite dans le domaine des farces, qui pouvaient prendre un tour sinistre lorsqu'il s'agissait de vengeance. Laura pâlit.

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