Chapitre 5 - Laïa

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— Bonjour mademoiselle, comment allez-vous aujourd'hui ?
— Ça pourrait aller mieux.

Je n'aime pas dire quand je ne suis pas bien, comme tout le monde mais je ne peux pas mentir au médecin. Nous avons passé un pacte : dire la vérité sur son état peu importe si nous en avons envie ou non. Enfin... c'est plutôt le pacte que je me suis engagée à respecter. C'est lui le médecin, il ne va certainement pas me parler de ses problèmes si je lui retourne la question. C'est son métier et il a besoin de mon honnêteté pour pouvoir avancer avec moi. C'est une sorte de coopération. J'y vais un peu fort, je l'avoue, mais je le perçois comme ça.

— J'imagine que vous connaissez les raisons de ma visite ?
— Vous allez m'annoncer une bonne nouvelle ?
— Exactement ! répond-il enjoué. J'ai reçu les résultats de vos examens.
— Sont-ils positifs ?
— Et bien oui ! Il n'y a rien d'anormal. Vous allez pouvoir commencer la rééducation et vos cours à partir de demain. J'ai avec moi votre emploi du temps, dit-il en me le donnant. Je vous laisse l'étudier et on se donne rendez-vous demain. Bonne soirée.

J'attends de me retrouver seule pour étudier mon emploi du temps qui est bien chargé ! Je me lèverai à sept heures du matin, une aide-soignante m'apportera mon petit déjeuner et m'aidera à me préparer. Ensuite, elle m'emmènera dans la salle de rééducation où je ferai des exercices jusqu'à l'heure du déjeuner et je terminerai ma journée par des cours de soutiens. Ou l'inverse. Tout dépendra du jour que nous serons. Je n'aurais décidément plus le temps de m'ennuyer.

          C'est mon aide-soignante, de très bonne humeur, qui me réveille ce matin. La mélodie entraînante de la radio latine qu'elle vient d'allumer me donne envie d'aller danser avec elle, ce que j'aurais fait si mes jambes n'étaient pas aussi fébriles.

— Alors la belle au bois dormant, avez-vous passez une bonne nuit ?
— Oui très bonne et vous ?
— Aussi. Prête pour votre première vraie journée ?
— Il le faut bien.
— Ne vous inquiétez pas tout va bien se passer.

Elle m'aide à descendre de mon lit et m'emmène dans la salle de bain où l'on répète le même refrain depuis que je me suis réveillée, c'est-à-dire celui de me déshabiller et de me doucher.

— Vous me dites si la température ne vous convient pas.
— Elle est parfaite. Ne vous inquiétez pas.
— Vous pouvez me tutoyer.
— D'accord. Tu peux me tutoyer aussi, je n'ai que vingt ans.

Elle me regarde en souriant. Elle est très agréable et ouverte à la conversation. Je n'aurais pas pu espérer mieux comme infirmière. J'aurais pu tomber sur une femme grincheuse et désagréable. Si ça avait été le cas, mes matinées ne seraient pas aussi joyeuses.

— Ça fait combien de temps que tu travailles ici ?
— En fait je ne travaille pas vraiment, je suis en alternance. Je travaille deux semaines et les deux semaines suivantes je suis en cours.
— Et ce métier te plaît ?
— Énormément. J'adore pouvoir aider ceux dans le besoin.
— Ce n'est pas fatigant de laver des personnes aux corps cadavériques comme moi ?
— Un corps cadavérique, toi ?
— Bah... quoi ? C'est la réalité.
— Tu es restée dans le coma pendant deux ans sans rien faire tout en étant alimentée par une machine. Tu as perdu beaucoup de poids et pas mal de forces mais tu n'as pas un corps cadavérique. En plus, avec une bonne alimentation et les cours de rééducation que tu vas prendre, tu retrouveras rapidement le corps que tu avais avant. Tu verras.
— C'est gentil.
— Non c'est juste la vérité, dit-elle en éteignant l'eau.

Elle enroule une serviette autour de moi et m'aide à sortir.

— Pourquoi le miroir est-il recouvert ?
— Parce que j'en ai fait la demande.
— Pourquoi ?
— Je n'ai pas la force de découvrir ma silhouette.
— Tu ne t'es encore jamais vue ?
— Non...
— Même pas ton joli visage ?
— Même pas.
— De quoi as-tu peur ?
— Du résultat. J'ai peur de ressembler à rien et d'être inregardable.
— Tu es très jolie pourtant.
— C'est gentil mais je n'y crois pas. Après deux ans d'inactivité, ce n'est pas possible. Mais... qu'est-ce que tu fais ? l'interrogé-je en l'observant fouiller dans les tiroirs.
— Je cherche un miroir.
— Pourquoi faire ?
— Pour te prouver que tu as tort.
— Je ne crois pas que ça soit une bonne idée...

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant