Chapitre 43 - Naïl

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— Naïl, il faut que je te parle.

Je regarde Afrah qui entre dans la salle commune en se tenant le ventre. Il a augmenté de volume par rapport à la dernière fois.

— C'est important.

Elle avance jusqu'au canapé et manque de tomber. Je me précipite vers elle, inquiet.

— Afrah ! Tout va bien ?
— Oui, oui... ça va.
— Tu es sûre ?
— C'était juste un vertige.

Je lui prends la main et je l'aide à s'asseoir. Je me pose à côté d'elle.

— Tu as besoin de quelque chose ?
— Non j'ai seulement besoin de te parler.

Elle me regarde, les larmes aux yeux. Ça me fait de la peine de la voir dans cet état. C'est une personne que j'aime malgré tout.

— Pardonne-moi de t'avoir caché ça, pardonne-moi s'il te plaît.

Elle explose en sanglots et je la prends dans mes bras pour essayer de la calmer.

— Pourquoi me demandes-tu pardon ?
— Je voulais t'en parler dès que j'ai appris la nouvelle mais quand j'ai essayé, tu m'as dit que tu ne voulais plus...
— Que je ne voulais plus quoi ?
— Avoir d'enfant avec moi...
— Qu'est-ce que tu essaies de me dire ?
— Je suis enceinte, Naïl.
— Tu... tu veux dire que...
— Tu vas être papa, Naïl. On va être parent.

Je me lève, décontenancé par la nouvelle. Je fais les cents pas dans le salon. Voyant que je ne réponds pas, ses pleures redoublent et elle me demande pardon, encore et encore.

— Depuis combien de temps ?
— De quoi ?
— Ça fait combien de temps que tu es enceinte ?
— Trois ou quatre mois.
— Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?
— J'en avais l'intention mais je n'ai pas trouvé le bon moment et j'avais peur que tu me quittes...
— Pourquoi ?
— Tu es tellement distant ces derniers mois, on ne se parle plus, tu ne me touches plus...

J'ouvre la bouche pour lui répondre quand je me fais couper par la sonnerie de mon téléphone. Je regarde qui m'appelle, c'est Laïa.

— Excuse-moi... Je dois répondre.

Je décroche et je change de pièce.

— Allô.
— Je te dérange ?
— Non, qu'est-ce que tu veux ?
— J'aimerais te voir.
— Ça va être un peu compliqué là...
— Juste cinq minutes alors.
— Ok mais pas plus.
— Je suis en bas de chez toi dans deux minutes.

Elle raccroche et je souffle. Ce n'est vraiment pas le bon moment.

— Je reviens dans cinq minutes.

Je sors à toute vitesse. Quand elle me voit arriver, un grand sourire se dessine sur son visage. Elle me prend dans ses bras et se détache rapidement lorsqu'elle comprend que je ne suis pas réceptif.

— Tu n'es pas content de me voir ?
— Si bien sûr que si, c'est juste que...
— Tu ne préfères pas qu'on aille chez toi ?

Elle se dirige vers la porte de l'immeuble. Il ne faut surtout pas qu'elle monte à l'appartement. Je l'arrête en criant :

— NON !

Elle me regarde, intriguée. Je ne sais pas pourquoi j'ai crié, c'est sorti tout seul.

— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien... dis-je gêné. Je suis en plein rangement, le salon n'est pas accessible, c'est le bordel quoi.
— D'accord.
— Pourquoi voulais-tu me voir ?
— J'en avais envie mais je crois que je vais rentrer... à plus tard.

Elle tourne les talons et s'apprête à partir. Je la retiens par le bras. Je ne veux pas qu'elle croit que c'est contre elle. Je n'ai pas envie qu'elle rencontre Afrah, pas maintenant, pas comme ça.

— Ne le prends pas pour toi, Laïa.
— Non c'est bon. J'y vais.

Elle retire son bras et s'en va.

— Putain... murmuré-je en passant ma main dans mes cheveux.

Je la regarde encore quelques secondes et je remonte.

— Désolé. Qu'est-ce que tu disais ?
— Rien...
— Qu'est-ce que je ne sais pas sur ta grossesse ?
— J'ai un rendez-vous la semaine prochaine.
— Pour ?
— La première échographie. Il faut que tu sois là.
— Je serai là, c'est promis.

•••

Je suis tout anxieux aujourd'hui, je ne tiens pas en place, je tourne en rond dans la salle d'attente. C'est la première fois que ça m'arrive et je ne sais pas comment gérer ce stress.

— Arrête de gigoter dans tous les sens.
— Je ne peux pas, je n'y arrive pas.

La porte du cabinet s'ouvre et le radiologue nous appelle. On entre et on s'assoit à son bureau. Il nous explique comment il compte procéder.

— Nous fixerons plusieurs rendez-vous pour surveiller que la grossesse se passe normalement.
— D'accord.
— Vous allez vous allonger sur le siège et relever votre tee-shirt.

Elle se lève et part s'installer sur le fauteuil. Elle relève son haut et le radiologue enduit le gel sur son ventre et passe une sonde sur la surface de sa peau. Une image du bébé, encore tout petit, apparaît sur l'échographe.

— Je ne vois rien d'anormal, tout semble correct.

Il essuie le gel et range son matériel.

— Vous pouvez vous rhabiller, lui dit-il en retournant à son bureau.

On fixe le prochain rendez-vous et on rentre à la maison. Il faut que j'annonce la nouvelle à mon entourage. Je sens que ça ne va pas plaire à tout le monde...

— Je vais passer voir ma famille pour leur annoncer la nouvelle.
— D'accord, mon amour. Ne tarde pas trop.
— À plus tard.

Je monte dans ma voiture et je démarre direction chez mes parents.

— Mon fils ! m'embrasse -t- elle. Entre donc.

J'entre et je vais embrasser mon père et ma sœur. Les personnes les plus importantes de ma vie. Ils m'ont tous manqué surtout mon père car c'est lui que je n'ai pas vu depuis plusieurs mois.

— Je suis content de te voir, mon fils, me dit-il. Je suis fier de toi et de ce que tu accomplis chaque jour.
— Merci, papa.

Je suis extrêmement touché par ce que dit mon père. Mon premier objectif était de le rendre fier et j'ai réussi. C'est le principal pour moi.

— J'ai quelque chose à vous annoncer.
— On t'écoute.
— Afrah est enceinte. Je vais devenir père.

Ils me regardent étonnés, en particulier Layana qui se décompose. Elle semble contente mais elle en même temps déçue, je le sens. Déçue que ce soit Afrah la future mère de mon enfant. Déçue parce qu'elle ne l'aime pas. Mais contente parce qu'un nouveau membre de la famille viendra au monde dans quelques mois. Contente parce qu'elle va être tata et qu'elle a toujours rêvé de ce moment. Malheureusement ce n'est pas ce qu'elle espérait, tout comme moi, tout comme mes parents. Tout le monde espérait que la mère de leur petit enfant soit quelqu'un d'intégré dans la famille, qu'elle soit celle qui me fasse tourner la tête. Autrement dit, n'importe qui sauf Afrah. Je l'aime mais pas au point d'être prêt à tout pour elle. Je l'aime mais pas au point de vouloir faire d'elle ma femme. Je l'aime mais pas au point d'en perdre la raison. Je ne voulais pas d'enfant avec elle mais c'est quand même arrivé. J'éduquerai mon enfant et je le chérirai plus que tout au monde même si j'aurais préféré qu'il ait une autre mère...

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant