Chapitre 30 - Naïl

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Les semaines passent, les jours changent de noms et de chiffres, chaque jour devrait être différent et pourtant j'ai l'impression qu'ils se ressemblent tous. J'ai l'impression de ne pas avancer ou peut-être que je me trompe.
Cela fait des semaines que je travaille jour et nuit, sans un moment de repos et cela fait des semaines que je me bats pour rembourser mes dettes.

— Monsieur Cartez ? m'appelle mon professeur.
— Oui, monsieur ?
— Que vous arrive-t-il ? Je vous sens épuisé depuis quelques semaines, vous n'êtes plus aussi efficace.
— Je suis désolé, monsieur. Je traverse une période un peu difficile.
— J'espère que tout s'arrangera pour vous mais j'espère aussi que vous réussirez à vous reprendre en main sinon je me verrai dans l'obligation d'agir.
— Je comprends, monsieur. Je vais faire de mon mieux.
— Vous pouvez disposer.

Je sors de la salle un peu déprimé. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive en ce moment mais pas mal de problèmes me tombent dessus.

— Allô, maman ? dis-je en décrochant mon téléphone.
— Bonjour, mon fils. Tu me manques beaucoup tu sais.
— Je sais, maman. Vous me manquez beaucoup aussi mais c'est compliqué ces dernières semaines.
— Layana m'a raconté. Pourquoi ne nous en as-tu pas parlé ?
— Parce que je sais que vous auriez voulu m'aider et je n'avais pas envie que vous me prêtiez de l'argent.
— Oui mais regarde, tu es épuisé !
— Ça va, maman.
— N'essaie pas de me mentir, Naïl. Je sais que tu es fatigué et que tu n'en peux plus. Je l'entends à ta voix et je te connais par cœur.
— C'est bientôt terminé tout ça. Bientôt tout sera réglé.
— N'hésites pas à nous demander de l'aide. Nous sommes tes parents, l'argent ne compte pas tant que tu vas bien.
— Je sais, maman.
— Tu vas au travail ?
— Oui je suis presque arrivé.
— Je vais te laisser alors. Fais attention à toi, je t'aime.
— Je t'aime aussi. Embrasse papa et Layana pour moi.

Je raccroche et j'entre dans le restaurant. J'enfile mon tablier de serveur et je me mets au boulot. C'est parti pour une très longue soirée !

— Laïa ! s'exclame ma patronne. Je suis contente de te voir !
— Moi aussi Laetitia. Comment ça va ici ?
— Très bien. Ton ami est très serviable et travailleur. Les clients l'adorent !
— Je suis ravie de l'apprendre. Où est-il ?
— Là-bas.

Elle regarde dans ma direction et se retourne vers ma patronne.

— Je peux te demander quelque chose ?
— Oui bien sûr.

Je n'entends pas ce qu'elles se disent, je suis trop loin et elles se sont mises à chuchoter.

— Oui je vais voir ce que je peux faire.
— Merci, Laetitia.

Je rapporte les plats à la table de quatre personnes dont je m'occupe et je vais prendre d'autres commandes.

— Je prends le relais, me dit ma collègue.

Je lui passe les commandes et je vais voir ma patronne qui m'appelle.

— Tu peux rentrer chez toi.
— Mais je...
— Tu seras quand même payé si c'est ça qui te fait peur. Fonce rejoindre Laïa, elle t'attend dehors.
— Merci.

Je récupère mes affaires et je sors. Laïa m'attend devant ma voiture.

— Salut.
— Salut.

On se fixe sans rien dire. On reste comme ça pendant un certain temps puis elle décide de prendre la parole.

— Tu me laisses conduire ?
— Pourquoi ?
— J'ai envie de t'emmener quelque part.
— Ma voiture est à toi, déclaré-je en lui jetant les clés.
— Alors en voiture, Simone !

Je ris légèrement à sa phrase et je m'installe dans la voiture.

— Où allons-nous ?
-/ Tu verras quand on sera arrivé.

Elle démarre et je me repose. C'est assez comique comme situation. Habituellement c'est plutôt l'inverse, c'est-à-dire l'homme qui emmène la femme dans une destination inconnue.

— Nous sommes arrivés !

Je me relève et regarde autour de moi. Je reconnais cet endroit. On descend de la voiture et on marche jusqu'au lac. Je la suis car, aujourd'hui, c'est elle qui me promène.

— J'ai toujours aimé cet endroit, dit-elle en s'asseyant. Je le trouve magique !

Je m'assois à ses côtés et je la laisse continuer.

— C'est un jeune homme très beau et très gentil qui me l'a fait connaître. À l'époque c'était sur moi que la vie s'acharnait et maintenant c'est sur lui, malheureusement. Cet homme travaille très dur pour s'en sortir pourtant il est encore jeune... Le travail permanent qu'il accomplit se fait ressentir sur son visage, dans sa voix, dans son temps libre... il n'a plus un moment à lui. Ce garçon m'a autrefois beaucoup aidée et même si je ne me souviens pas de tout, j'aimerais l'aider à mon tour.
— Tu t'en souviens encore ?
— Oui. Tous les bons moments de ma vie restent gravés à l'intérieur de moi même si je suis obligée de creuser longtemps pour m'en rappeler.

Je regarde face à moi. Tout est calme. Tout est beau. Mon cœur se réveille et s'accélère. Je suis ici, dans mon endroit préféré et dans lequel je me sens bien, avec la fille que j'ai autrefois tant aimée. Et comme elle l'a dit, avant c'était elle qui vivait une mauvaise période alors qu'aujourd'hui c'est moi. Mais je ne m'en plains pas.

— J'ai quelque chose pour toi, dit-elle en me donnant une grosse enveloppe.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Un cadeau. Ouvre-la.

Je déchire le haut de l'enveloppe.

— Je ne peux pas accepter.
— Pourquoi ?
— Parce que c'est ton argent.
— Je l'ai gagné spécialement pour toi.
— Je ne peux pas prendre ce que tu as gagné, tu as dû travailler dur.
— Pas vraiment. J'ai fait du baby-sitting chez les riches et je dois dire qu'ils payent plutôt bien.
— Et toi ?
— Ne t'en fais pas pour moi, j'ai récupéré mes parts.
— C'est gentil mais je ne peux pas.

Elle prend ma tête entre ses doigts et la ramène de manière à ce qu'on se regarde dans les yeux. Elle me dit à voix basse :

— Pourquoi refuses-tu l'aides de tes proches ? Pourquoi refuses-tu que l'on t'aide ?
— Je veux me débrouiller seul.
— Oui mais il arrive parfois qu'on ne puisse pas réussir sans l'aide des autres.
— Je ne veux pas avoir à rembourser quelqu'un.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne suis pas sûr de pouvoir rendre l'argent alors que je n'arrive pas à payer mes dettes.
— Accepte mon cadeau, s'il te plaît. Garde-le dans un coin de ta chambre ou dans un tiroir et réfléchis-y. Je ne demande aucun remboursement car de toute manière, je ne l'ai pas déclaré.
— Je ne pourrai pas le déclarer non plus.
— Je demanderai à ma mère ou à Laetitia de l'inclure dans ta fiche de paie. Elles le feront volontiers.
— Il faut que je réfléchisse.
— Tu sais comment me joindre si tu changes d'avis.
— Je te remercie.
— C'est normal.

Je me lève et je lui tends ma main pour l'aider à se relever quand je sens un liquide me tomber sur la tête. Je tapote mes cheveux à l'aide de ma main et la regarde. Laïa éclate de rire en me voyant.

— Oh... putain... essaie-t-elle d'arrêter de rire. Je n'en peux plus... je suis morte !
— Ah ah ah. C'est très drôle ! dis-je ironiquement avant de me mettre, à mon tour, à rire.
— Oui ! Ce n'est pas toujours que je te vois avec une crotte d'oiseau sur la tête.

On rigole encore un peu avant de nous calmer.

— Allez viens, je te ramène chez toi.

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant