Chapitre 37 - Laïa

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J'ai passé le reste de mes vacances scolaires allongée dans mon lit à ne rien faire et ma punition n'a toujours pas été levée. Je ne vois presque pas les autres habitants de cet appartement même pendant les repas, j'attends que tout le monde soit couché pour aller manger et personne ne vient me voir, à part Alice puisque nous sommes dans la même chambre et encore, et Ayden qui de temps en temps essaie de venir discrètement parce qu'un soir, j'ai entendu une conversation entre ma mère et Jean Renaud qui disait que personne ne devait venir me voir temps que je n'aurais pas reconnu mes fautes. Au départ ma mère n'était pas d'accord mais elle a fini par céder. Elle est incapable de lui refuser quoique ce soit et je connais que trop bien le sentiment qu'elle peut ressentir : l'impuissance face à cet homme qui a une trop grosse emprise sur elle et sa vie. Enfin bref... demain c'est la rentrée et j'ai vraiment hâte ! Ça me permettra de sortir même si ce n'est que pour me rendre au lycée et revenir, et ça m'occupera.

— Laïa ! m'appelle ma mère depuis le salon.
— Oui ?
— Viens voir s'il te plaît.
— J'arrive, soupiré-je.

Je n'ai pas envie de lui parler ni même de la voir. C'est ma mère et pourtant c'est comme si elle était devenue une étrangère. Quand j'arrive dans le salon, tous les regards sont braqués sur moi. Ayden se lève et s'avance vers moi mais il se fait arrêter par Jean Renaud.

— Reste à ta place, dit-il en plaçant son bras devant lui.
— Tu n'es pas mon père et à ce que je sache je suis majeur, je n'ai aucun ordre à recevoir d'une pièce rapportée.

Il pousse son bras pour venir m'embrasser le front.

— Tu me manques, frangine, me murmure-t-il à l'oreille.

Je ferme les yeux pour éviter de pleurer et je lui réponds :

— Toi aussi tu me manques. Tu me manques beaucoup.
— Assieds-toi, m'ordonne ma mère.

Je m'assois en face d'eux, prête à écouter mon procès.

— Je suis prête à relever ta punition mais à une condition.
— Laquelle ?
— Sois honnête et dis-moi la vérité.
— Tu veux la vérité ?
— Oui je ne demande que ça.
— Le mégot de cigarette n'est pas le mien car, comme je te l'ai dit, je ne fume pas. J'ai seulement essayé mais c'est tout. Ensuite je n'ai pas disparu, j'ai été enfermée dans la cave par Jean Renaud. Et encore une fois, tu peux demander à Nicolas, c'est lui qui m'a ouvert.
— C'est vrai, Nico ?

Il regarde son père et me regarde ensuite avant de répondre :

— N...non c'est faux, répond-il en baissant la tête.
— Sale lâche ! s'écrie Ayden.
— Pourquoi mens-tu comme ça, Laïa ?

Je me lève brusquement, énervée.

— Je ne mens pas ! hurlé-je. Je ne fais que te dire la vérité mais tu préfères fermer les yeux ! Tu préfères les croire eux, que tu connais à peine, au lieu de croire ta fille que tu connais depuis toujours et que tu as mise au monde !
— Change immédiatement de ton, Laïa.
— Sinon quoi ? Tu vas me séquestrer ? Me punir ? Les deux sont déjà fait de toute façon !

Je tourne les talons et je m'en vais. Nicolas me court après mais je l'arrête. Il est comme sa famille, il y en a pas un pour rattraper l'autre.

— Laïa attends...
— Laisse-moi tranquille, Nicolas.
— Excuse-moi mais tu ne connais pas mon père.
— Au contraire je le connais assez pour savoir qu'il est mauvais tout comme ta sœur. Je pensais que tu étais différent parce que tu nous fais rien à Ayden et moi mais je crois qu'au fond, tu es comme eux.
— Tu te trompes. Je ne suis pas du tout comme eux.
— Ton acte m'a montré le contraire.

Je retourne dans ma chambre. J'espère que ça va s'arranger parce que si ça ne change pas, je me verrai dans l'obligation d'agir.

•••

Je vais rejoindre Timothée et les autres dans la cours du lycée. Je n'ai jamais été aussi heureuse d'être scolarisée. Je retrouve un peu de liberté.

— Salut tout le monde !

Je m'installe près de Timothée qui ne me calcule pas.

— Qu'est-ce que tu as ?

Aucune réponse et aucune réaction de sa part, pas même un regard.

— Je te parle, Tim.
— Tu t'intéresses à moi maintenant ?
— Pourquoi tu dis ça ?
— Tu ne me calcules pas des vacances, je t'ai envoyé une tonne de messages auxquels tu n'as pas répondu. Je croyais qu'on avait passé de bons moments ensemble à la montagne mais...
— J'ai passé de bons moments avec toi, n'en doute surtout pas mais j'ai eu des problèmes.
— Assez important pour m'avoir ignoré ?

J'hoche la tête positivement en répondant :

— Oui.
— Quel genre de problème ?

Je lui explique tout. Il m'écoute attentivement.

— Je ne pensais pas ça d'Alice.
— Moi non plus... murmure Aurore au bord des larmes.
— Je te l'ai dit mais tu ne m'as pas écoutée.
— Excuse-moi.
— On devrait aller en cours si on ne veut pas être en retard.

J'ai hâte que la journée se termine pour aller me ressourcer auprès du lac, loin de tout ce qui me rappelle la présence de Jean Renaud et sa fille.

La neige a disparu et le lac est pratiquement dégelé. Je ne peux m'empêcher d'admirer le paysage qui est juste splendide. Je pourrai rester là pendant des heures et des heures.

— Tu as besoin de te changer les idées, toi aussi ?

Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que c'est Naïl. Il me rejoint sur le banc.

— Oui... j'en ai tellement besoin.
— On est deux.
— On n'est pas si différents.
— Ouais... sourit-il. J'ai quelque chose à te proposer.
— Je t'écoute.
— J'ai mes amis d'enfance qui se marient dans quelques jours et j'aimerais savoir si tu voudrais m'accompagner ?
— Pendant combien de temps ?
— Deux jours. On partirait le vendredi après que tu aies terminé les cours et on rentrerait le dimanche soir.
— J'aimerais bien mais je ne sais pas si ma mère sera d'accord. C'est compliqué entre nous depuis quelques temps mais... je vais tout de même essayer.

J'observe le paysage pendant encore une bonne heure avant de le saluer et de rentrer. Je prends tout mon temps, je ne suis pas du tout pressée.

— C'est toi, Laïa ?
— Oui.
— Viens me rejoindre, je suis dans la cuisine.
— Les autres ne sont pas là ? dis-je en la rejoignant.
— Non, on est que toutes les deux. On va pouvoir en profiter.
— J'ai une grande quantité de devoirs à terminer.
— Ah... dans ce cas je ne te dérangerai pas.

Je la sens déçue. Ça me fait de la peine mais je ne peux pas oublier. Ses paroles restent gravées en moi et me font mal.

— J'ai quelque chose à te demander.
— Oui ? dit-elle avec une pointe d'espoir dans la voix.
— Naïl aimerait que je l'accompagne au mariage de ses amis d'enfance le week-end prochain.
— Tu veux y aller ?
— Oui j'aimerais bien.
— Je ne me vois pas te refuser... tu révises déjà beaucoup et ça pourrait te changer les idées.
— Alors ?
— C'est d'accord. Tu peux y aller.

Un grand sourire, de court instant, se dessine sur mes lèvres avant de disparaître.

— Merci.

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant