Chapitre 9 - Laïa

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Cela fait quelques jours que je suis en pleine réflexion. J'ai envie de repartir à zéro. Je n'ai pas le choix de toute manière. Pour cela j'ai besoin de faire face à la réalité même si c'est difficile. Alors aujourd'hui, quand mon aide-soignante viendra pour notre routine habituelle, je lui demanderai ce que j'ai refusé la dernière fois. En attendant, je me concentre sur mes cours. Mon professeur particulier ne devrait pas tarder à arriver.

— Bonjour, mademoiselle, me salue mon professeur en entrant dans la chambre.
— Bonjour, monsieur.
— Vous êtes prête pour votre leçon du jour ?
— Plus que prête ! J'ai regardé un documentaire sur le sujet que nous avons étudié hier.
— Parfait ! Nous allons pouvoir faire un petit teste.

En général, mon professeur reste jusqu'en fin d'après-midi. Nous  divisons nos séances en deux. Ces derniers temps nous travaillons l'histoire et les maths. Nous travaillons toujours sur deux chapitres par matière et une fois ces chapitres terminés, on étudie une autre matière et ainsi de suite. C'est un bon concept car ça me permet de mieux me concentrer et de mieux comprendre. Le point positif est que je n'ai pas besoin de revoir toute ma scolarité. De ce côté là ma mémoire est intacte. Allez savoir pourquoi.

— Je te donne l'énoncé et tu as une heure pour le faire.

Il faut absolument que j'entre dans la moyenne. Ces cours sont très importants si je veux pouvoir retourner au lycée et quitter cet hôpital. Mon corps se réadapte plutôt bien et le médecin m'a dit que si tout était ok, mon séjour ici pourrait être raccourci.

— Pour clôturer cette journée, nous allons regarder ensemble ta copie de contrôle.
— On est déjà en fin de journée ?
— Et oui, ça passe vite quand on est occupé.

Pas tout le temps.

— Donc... l'analyse de document n'est pas trop mal, il faut juste que tu approfondisses plus tes réponses.
— C'est compliqué, le texte n'en parle pas tant que ça.
— Alors utilise tes connaissances pour les compléter. Sinon le paragraphe développé est bon. Rien à dire sur la rédaction mais comme pour les questions, utilise plus de connaissances.
— D'accord j'y travaillerai.
— Normalement ta note est bonne. Je te redirai ça la prochaine fois qu'on fera de  l'histoire.
— Merci.

Il sort de la chambre et je m'affale sur mon lit en soufflant. J'ai hâte que tout ça se termine.

— Toque, toque, toque... Je peux entrer ? dit mon aide-soignante en entrouvrant la porte.
— Bien sûr !
— Bon bah c'est partie pour la routine.

En réalité je ne comprends pas pourquoi on m'envoie encore une aide-soignante. Je ne suis pas paralysée ni autre. Je commence à retrouver l'équilibre et je peux presque marcher normalement. Tout est positif. Tout le monde le dit. J'aime beaucoup Mégane, elle est très gentille et on s'entend bien mais j'aimerais pouvoir m'occuper de moi sans l'aide de personne.

— Mégane ?
— Oui ?
— J'aimerais que tu m'apportes le miroir de la dernière fois s'il te plaît.
— Pour quoi faire ?
— Je voudrais voir à quoi je ressemble.
— D'accord je te l'apporte tout de suite.
— Merci.

Je saisis le miroir qu'elle me tend et je me regarde. Mon visage est creusée et maigre. On dirait que je suis malade... Je ne ressemble absolument pas aux photos que j'ai vues. On pourrait croire je ne suis pas la même fille qu'il y a deux ans. Je ne suis plus qu'une version cadavérique de l'ancienne Laïa.

— Tout va bien ?
— Oui... c'est juste que j'ai beaucoup changé. On ne me reconnaît pas.
— Ça redeviendra comme avant dans quelques temps.
— Ça fait ressortir pas mal d'émotions...
— Tu n'étais pas vraiment prête, pas vrai ?
— Pas vraiment...
— Alors pourquoi ne pas avoir attendu ?
— J'en ai besoin pour aller de l'avant.
— Donc j'imagine que tu ne veux pas faire découvrir le grand miroir ?
— Non. C'est encore trop tôt.
— Tu as raison. Chaque chose en son temps.

•••

Je n'ai rien à faire aujourd'hui, aucune occupation, aucun cours, rien. La solitude commence à se faire ressentir. Je refuse toutes visites autres que les membres de ma famille et ça commence à me peser. J'ai besoin de voir une amie. Une personne sur qui j'ai pu compter autrefois... Je me lève du lit et je vais à la salle de bain pour m'habiller. Je n'ai besoin de personne pour le faire. Je suis déterminée à vouloir me débrouiller toute seule et je vais leur prouver que j'en suis capable. Une fois que je suis prête, je sors dans le couloir pour rejoindre le jardin. Malheureusement pour moi, je me fais arrêter par un des médecins.

— Que faîtes-vous mademoiselle Peterson ?
— Je vais dans le jardin faire une promenade.
— Impossible.
— Pourquoi ?
— Vous êtes seule et...
— Je ne suis pas une assistée et je n'ai plus douze ans ! Je peux très bien sortir et me préparer seule.
— Je suis navré mais c'est comme ça.
— C'est comme ça que vous traitez vos patients ? Comme si ils étaient incapables de faire quoi que ce soit sans vos services ? Je suis navrée de vous décevoir mais vous n'êtes indispensable pour personne ! La seule chose que vous savez faire c'est m'oppresser.
— Retournez vous reposer.
— Je ne suis pas fatiguée. Je suis en pleine forme même et je veux aller prendre l'air !
— Ouvrez donc votre fenêtre.
— Vous n'êtes qu'un... commencé-je prise de colère avant de me faire couper par quelqu'un.
— Que se passe -t- il ? demande Ayden en s'approchant de nous.
— Il ne veut pas me laisser sortir !
— Écoute-le, Laïa.
— Quoi ? Tu n'es pas sérieux ?
— Laissez docteur je vais m'en occuper.
— Bonne journée, dit-il en partant avec un air hautain. Reposez-vous bien mademoiselle Peterson.
— Il me cherche là !
— Calme-toi Laïa ! Mais qu'est-ce que tu as aujourd'hui ?
— J'en ai marre, Ayden. Je sature. Je ne peux rien faire toute seule. Il faut absolument que quelqu'un s'occupe de moi et ça m'énerve car je suis capable de me débrouiller ! La seule chose que je demande c'est un peu de liberté. J'ai besoin de respirer l'air frais. Je suis tout le temps toute seule, enfermée, c'est épuisant !
— En parlant de ça j'ai une surprise pour toi. Entre dans ta chambre.
— Tu as écouté ce que je t'ai dit ?
— Ne pose pas de question et entre s'il te plaît.

Je fais ce qu'il me demande à contrecœur. Qu'est-ce qu'il a préparé ?

— Je reviens dans deux secondes, fait-il en sortant.

Je tapote du pied et je regarde autour de moi. Il revient deux secondes plus tard accompagné de quelqu'un. Je la reconnais, elle est venue me voir il y a quelques mois et je l'ai remballée...

— Laïa voici Layana.
— Salut, répond-elle avec tendresse.
— C'était ta meilleure amie.
— Tu ne te souviens peut-être pas moi à cause de ton accident mais on était tout le temps ensemble.
— Layana... je répète à voix basse. Je me rappelle vaguement de toi... Tu mangeais avec moi le midi et tu as même laissé tes copines pour moi.

Son regard s'illumine.

— La mémoire te revient ?
— Pas vraiment. J'ai parfois quelques flashes qui me reviennent mais c'est tout.
— C'est déjà bien.
— Tu venais me voir quand j'étais dans le coma... continué-je. Tu me racontais tous les jours une anecdote, un souvenir ou comment se passaient les cours sans moi et tu n'étais pas toute seule. Il y avait une voix masculine avec toi. Qui c'était ?

Ayden et Layana se regardent un instant sans rien dire. Si elle ne veut pas me dire je ne forcerai pas.

— C'était mon frère.
— Que représentait-il pour moi ?
— Tu t'entendais bien avec lui, c'est comme un frère pour moi, m'explique Ayden.

Je me lève et je m'avance de quelques pas pour la prendre dans mes bras. C'est la seule amie que j'ai et j'en ai besoin. Il suffit d'un contact avec elle et d'une discussion pour que je me remémore les liens d'amitié qui nous unissaient. Je sens qu'elle a beaucoup compté pour moi et que c'est toujours le cas.

— Tu m'as énormément manqué, Laïa.
— Tu m'as manqué aussi Layana.

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant