Chapitre 46 - Laïa

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— Laïa ?
— Oui, maman ?
— Tu peux faire un peu de ménage dans ma chambre s'il te plaît ?
— Je n'ai pas le temps, maman. Je dois...
— S'il te plaît, ma chérie. Je me sens trop fatiguée pour pouvoir le faire.
— Bon d'accord mais après j'y vais.

Je prends l'aspirateur et le chiffon pour les poussières et je vais dans sa chambre. Je commence par faire toutes les surfaces avant de m'attaquer au sol.

— Qu'est-ce que c'est ?

Je m'agenouille par terre et je regarde sous le lit pour récupérer l'objet qui me dérange.

— Maman ? je l'appelle en retournant au salon. C'est quoi cette seringue ?
— C'est un médicament pour la fatigue qui fait aussi anti-dépresseur. Tu sais que j'ai beaucoup de mal en ce moment.
— Qui te l'a fournie ?
— Je ne vois pas pourquoi tu t'inquiètes, il n'y a rien de dangereux.
— Qui te l'a fournie, je répète, et combien de fois par jour en prends-tu ?
— Jean Renaud, il m'a dit que ça pourrait m'aider et il a eu raison. J'en prends dès que j'en ressens le besoin, à peu près trois voire quatre fois par jour.
— Mais t'es complètement malade ! C'est une merde ce truc, ça ne va rien t'apporter de bon à part la mort ! C'est ça que tu veux ? Mourir et rejoindre papa de l'autre côté ? Parce que si c'est ce que tu veux, tu es sur la bonne voie !
— Tu vas commencer par me parler autrement, n'oublie pas que je suis ta mère ! Et puis tu dis n'importe quoi. Tu ne connais rien à la vie, tu n'as que vingt ans et encore, tu as perdu deux ans en étant dans le coma alors ne te permets pas de me faire des leçons de morale !
— Non mais tu t'entends parler maman ? Ce n'est pas parce que je n'y connais rien que je ne sais pas reconnaître de la drogue quand j'en vois !

Je fais demi tour et je retourne dans sa chambre, sur les nerfs, quand j'entends un gros bruit. L'armoire vient de s'effondrer sous mes yeux. Ma mère arrive paniquée suivie de tout le monde.

— OH MON DIEU !

Elle se précipite vers les décombres et cherche quelque chose.

— Qui a fait ça ?
— C'est ta fille, balance Jean Renaud. Elle était en train de saboter l'armoire quand je suis arrivé. Je n'ai pas eu le temps de l'en empêcher, elle s'est effondrée.

Elle me regarde avec des yeux contenant une multitude de larmes prête à couler et un visage décomposé par la déception. Elle sort des décombres des débris de pierres qui étaient, autrefois, un buste de mes parents.

— Tu savais ce que représentait ce buste pour moi... c'était la seule chose qui me restait de ton père et maintenant il est en mille morceaux !
— Tu ne vas tout de même pas croire ce qu'il te dit ? me défends-je.
— Je ne sais plus quoi penser de toi, Laïa. Tu as beaucoup changé entre la cigarette, ta petite fugue de deux jours, ton comportement envers Alice et tes accusations.
— Tu penses vraiment que j'ai fait tout ça alors que je n'ai pas arrêté de te dire ce qu'il s'est passé ces fois-là ? Je n'ai pas arrêté de te dire la vérité mais on dirait que tu te voiles la face. Tu préfères croire un pauvre type qui ne t'aime pas comme tu le mérites et qui, en plus de ça, te drogue ? Mais tu es aveugle ou tu le fais exprès ?
— Ne parle pas comme ça de Jean Renaud.
— Tu le défends en plus ? Comment peux-tu prendre la défense d'un homme sadique et immoral ? Comment peux-tu rester avec un homme qui ne te rend pas heureuse et qui te détruit à petit feu ? Je ne sais pas ce qu'il te fait subir mais je vois bien que tu n'es pas bien avec lui. Cet homme est un putain de psychopathe, un grand malade mental qui ne supporte pas que son entourage soit heureux, tu n'as qu'à voir ce qu'il s'est passé avec sa femme ! Pourquoi ne sont-ils plus ensemble ?
— Ils ont divorcé.
— Alors pourquoi ses enfants n'ont plus aucun contact avec leur mère ? Pourquoi ne savent-ils pas où elle est et pourquoi n'ont-ils pas eu le choix de choisir avec qui vivre ?
— Elle lui a fait du mal et elle le rendait malheureux. Ils ont divorcé et il a obtenu la garde.
— Tu es naïve, maman... Tu es tellement impuissante face à lui que tu n'es pas capable de voir la vérité en face. Tu partages ta vie avec un manipulateur sournois qui ne cherche qu'une chose : te détruire comme il a détruit la mère de ses deux enfants. Depuis qu'il est entré dans nos vies plus rien ne va. Nos relations partent en éclat, l'entreprise commence à faire faillite et ton état se dégrade de jour en jour sans que tu n'agisses.
— Tu oses me donner des leçons de vie ? C'est toi, Laïa, qui te permets de dire aux autres quoi faire ou quoi penser alors que toi-même tu tombes ? Tu avais à tes côtés un jeune homme fou amoureux de toi. Tu avais à tes côtés un jeune homme qui te tirait vers le haut et qui était prêt à tout pour toi malgré toutes les horreurs que tu as dites sur lui et malgré toutes les fois où tu l'as envoyé voir ailleurs. Et maintenant tu t'étonnes qu'il ait refait sa vie et qu'il ait fait un gosse ? Tu oses me reprocher de jouer avec la mort alors que toi-même tu as été la chercher en essayant de te suicider !
— De quoi parles-tu ?
— Ta gueule je n'ai pas terminé ! Tu oses me reprocher de laisser mon état se dégrader alors que toi-même tu l'as fait ? Je te rappelle que tu m'as fait beaucoup de mal, Laïa. Un enfant ne doit pas faire subir à ses parents ce que tu as fait. Un enfant ne doit pas jouer avec sa vie ne serait-ce qu'une seule fois et remettre en doute la décision de ses parents d'en avoir mis au monde ! Un enfant n'a pas le droit de faire les trois quart de ce que tu as fait, Laïa. C'est trop cruel, trop égoïste de ta part.
— Et toi tu n'as pas le droit de délaisser tes enfants pour une pièce rapportée qui ne t'apporte rien de bon. Un parent se doit d'être là pour son enfant et de le soutenir peu importe ce qu'il traverse. Un parent n'a pas le droit d'accuser son enfant de commettre de telles atrocités alors qu'il est innocent. Un parent n'a pas le droit d'agir comme tu le fais depuis ta rencontre avec Jean Renaud.
— Je ne te reconnais plus, je ne reconnais plus ma fille. Tu me déçois.
— Je crois qu'on s'est tout dit, maman.

C'est la phrase de trop, la goutte qui fait déborder le vase. Je file à toute allure dans ma chambre et je prends une grande valise que je pose sur mon lit. Je prends mes vêtements et je les range dedans sans plus attendre. Je prends ensuite un sac où je mets mes affaires scolaires et mes effets personnels.

— Qu'est-ce que tu fais ? me demande Ayden en débarquant dans ma chambre accompagné de Nicolas.
— Je rassemble mes affaires.
— Pourquoi ?
- Je ne peux plus rester là, je m'en vais.
— Pour aller où ?
— Je ne sais pas, j'improviserai.
— Ne pars pas s'il te plaît !
— Je suis désolée, Ayden, mais ma décision est prise.
— Non s'il te plaît...
— On continuera à se voir et à s'appeler, je ne serais pas loin.
— Dans ce cas... prends soin de toi.

Il se jette dans mes bras, manquant de nous faire tomber. Je me retiens de pleurer.

— Appelle-moi quand tu seras à l'abris.
— Promis.

Je me tourne vers Nicolas qui me dit :

— Tu ne devrais pas faire ça...
— Mais je le fais quand même. Excuse-moi de t'avoir mis dans le même sac que ta famille et pardonne-moi d'avoir dévoilé vos problèmes, je n'aurais pas dû...
— Je ne t'en veux pas. Si ça permet d'ouvrir les yeux à ta mère alors ça ne me dérange pas.
— Merci pour ton aide...
— Ne condamne pas ma sœur s'il te plaît. Je sais que ce n'est pas une raison pour justifier ce qu'elle t'a fait mais elle est vraiment mal dans sa peau et elle... elle porte un secret trop lourd pour elle. Elle en a peur parce qu'elle se sent inhumaine et parce que si notre père l'apprend, il ne serait plus aussi gentil avec elle.
— Je ne la condamne pas, je lui pardonne même si c'est compliqué.
— Merci...

Je lui fais un petit sourire et je me dirige vers l'entrée avec mes bagages.

— Où vas-tu ? m'interroge -t-elle en s'approchant lentement et avec hésitation.
— Je m'en vais, maman. Je quitte la maison.
— Pou...Pourquoi ?
— Je n'en peux plus. Je ne peux pas rester ici dans ces conditions. Je ne peux pas voir nos liens se briser et ne pas pouvoir agir... C'est malheureux mais je sais que tant qu'il sera là, rien ne pourra s'arranger.
— Si tu passes le pas de la porte, je...

J'ouvre la porte et je sors de cet appartement. Je ne peux plus faire marche arrière en tout cas pas tant qu'il sera là. Je ne peux pas habiter ici si je ne m'y sens pas en sécurité. Je marche dans la rue, ma valise en main et mes deux sacs sur le dos, sous le regard interrogateur des gens. Je me rends instinctivement chez la première personne qui me vient à l'esprit. Je ne sais pas pourquoi mais je me rends là-bas. J'arrive en bas de l'immeuble, plus précisément en dessous de sa fenêtre. Je lève la tête et observe la silhouette féminine qui se trouve à l'intérieur. Mon cœur se serre lorsque je le vois apparaître et s'approcher d'elle. Je suis vite ramené à la dure réalité de la vie. Il l'a choisie, elle. Il l'a choisie pour porter son enfant. Il l'a choisie pour passer sa vie avec lui. Je baisse la tête et je reprends ma marche jusqu'à chez mon ami. Il habite près du lycée et il est bon élève alors on pourra réviser tout en s'amusant.

— Laïa ? s'étonne -t-il.
— Je suis désolée de te déranger mais...
— Ne m'en dit pas plus. Entre, tu es la bienvenue.

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant