Je me suis encore proposée pour monter la garde alors que le reste du groupe dort dans le salon. Je sais que je n'aurais pas dû, qu'il faut que je me repose mais comment est ce que je pourrai dormir avec ce que j'ai vécu dans la chambre d'à côté ? En plus, je tousse de plus en plus et je ne veux aucunement alerter les autres.
Les grognements du nourrisson infecté me parviennent faiblement. C'est tout simplement atroce. Ça ne devrait pas me choquer après tout ce que j'ai vu. Et bien si. Il ressemble vraiment à ce qu'on trouve dans les films d'horreur, sauf que lui, il est bien réel. En plus, je n'arrive pas à me sortir de la tête ce qui a dû lui arriver : il a sûrement été bouffé vivant ! Et de toutes façons, un bébé mort, c'est toujours plus choquant qu'on adulte... Je me bouche les oreilles. Je deviens folle à cause de lui !
Je commence à tousser. J'ai froid. J'ouvre la fenêtre pour respirer l'air frais de la nuit. La lune baigne la rue de sa douce lumière, éclairant les quelques rares infectés qui la arpentent. Seuls quelques grognements troublent le silence fantomatique qui plane sur cette ville morte. Ville morte, c'est le cas de le dire.
Des bruits de pas m'indiquent que quelqu'un monte les escaliers. Je ne me retourne pas, c'est des pas réguliers qui ne traînent pas : c'est quelqu'un du groupe.
Je regarde en bas. Un mort me fixe. Celui-là ne grogne pas. Il ne sent pas mon odeur, il ne sait donc pas que je suis une vivante. Je lui fais un doigt d'honneur. D'ici, je suis intouchable. Et dans tous les cas, l'infecté n'a plus la possibilité de comprendre mon geste.
La personne entre dans la pièce. Les pas se rapprochent encore. La personne pose ses mains sur mes épaules.
"Ça va ? Me demande Matt.
- Comme je peux aller au stade où j'en suis.
- T'as de la fièvre, remarque-t-il en enlevant ses mains."
Je touche mon épaule. Même à travers mon T-shirt je sens que je suis chaude.
"Je sais... et y a aucun médicament. Je vais pas tenir encore très longtemps.
- Qu'est ce qui se passera si on atteins pas le centre à temps ? Me demande-t-il. Qu'est ce que tu feras si tu sens que ça arrive, hein ?"
Il le sait, alors pourquoi me pose-t-il ces questions ? Pour remuer le couteau dans la plaie ? Il sait ce que je ferai quand je serai proche de la mort.
"Tu crois que je n'ai pas compris pourquoi tu tiens à rester avec moi quand personne d'autre n'est là ? Je l'accuse en me retournant. Tu crois que je n'ai pas saisi ton petit jeu ? Je sais très bien que tu me surveilles. T'as peur de moi. T'as peur que je n'ai pas le courage de le faire au moment venu."
Il me dévisage à présent.
"Je ne te surveille pas.
- Ne me mens pas ! Je sais que t'en as rien à foutre de moi, que tu veux seulement être sûr que ce qui devra être fait sera fait ! T'as simplement peur que ça m'arrive la nuit, que je n'aie pas suffisamment de courage pour me tuer et que je m'en prenne à toi et aux autres !
- Oui j'ai peur de ça ! S'emporte-t-il. Oui j'ai peur parce que je sais que tu pourrais finalement ne pas le faire !
-Mais voilà, je reprend d'une voix lasse. Ce que tu ne sais pas, c'est que je n'ai pas besoin d'un chaperon. Je n'ai pas besoin que tu me surveilles. Je n'ai plus rien a perdre. Je n'ai plus personne. Je n'ai plus rien. Si c'est pour protéger les autres, la mort ne me fais plus peur."
Matt reste silencieux face à mes paroles. Sans un mot de plus, je sors de la pièce. J'ouvre la porte de la chambre d'à côté, prend mon bâton à deux mains, reviens et, sous les yeux de l'homme, j'éclate le crâne du nourrisson mort. Le cadavre s'affaisse, inerte, sur le lit. Je me retourne vers Matt.
"Au moins, il t'emmerdera pas pendant ta garde. Moi, je vais dormir."
Je sors en poussant l'homme et vais m'installer dans la chambre tout à droite. Avant de fermer la porte, je le regarde une dernière fois.
"Ah oui, j'allais oublier : si je te vois avant demain, si j'apprends que tu m'as surveillé cette nuit pour être sûr que je ne m'étais pas transformée, tu vas prendre très cher, Matthieu Valdez. Me suis-je bien faite comprendre ?"
Il hoche la tête. Je claque aussitôt la porte et m'allonge sur le lit immaculé qui avait sans doute appartenu aux parents. Au bout de seulement quelques minutes, je sombre dans un sommeil bien agité jusqu'au matin.
----------------------------------------------
Par propriété exclusive de l'auteur, la copie et les utilisations partielles ou totales de son travail sont interdites ; conformément aux articles L.111-1 et L.123-1 du code de la propriété intellectuelle. © Tous Droits Réservés.
VOUS LISEZ
The Last Survivors T1 (prochainement en réécriture)
ParanormalFrance. Fin mai 2014. Cinq mois plus tôt, une étrange épidémie s'est déclarée. En moins d'un mois, elle a fait des ravages dans le monde entier. D'abord, on tombe malade. Ensuite, en l'espace de deux à trois jours, le Virus se répend dans notr...