[ Khadija Selly Diallo ]
À mon réveil, mon mari n'était pas dans la pièce. J'étais seule avec une vive douleur à l'entre-jambe me rappelant les événements de la veille. J'étais devenue une femme. Oui, car en société africaine, une fille devient femme dès qu'elle perd sa virginité. Dans ce cas, j'en étais une dès à présent. La femme de cet homme qui m'était toujours inconnu. Cet homme à qui j'avais donné, ou mieux, à qui on m'a forcée à donner, mon trésor le plus précieux. Je m'étais préservée toute ma vie, principalement pour moi mais au final pour lui. Car j'avais toujours su que j'allais m'unir avec lui. Même si j'avais essayé de me défaire de ce destin qu'on avait tracé à ma place.
[...] Des chants se faisaient entendre et semblaient approcher la pièce dans laquelle je me trouvais. J'en étais certaine que ça arriverait, c'était dans leurs plans depuis le début de cette histoire qui remonte à 18 ans. Je n'avais pas eu le temps de me lever qu'une délégation de femmes était entrée dans la chambre pour chanter mes louanges. C'étaient mes badiennes, mes tantes, ma néné, ma belle-mère... Toutes souriantes et fières. Des larmes perlaient le long des joues de ma mère mais elle avait un grand sourire qui montrait que ce n'étaient que des larmes de joie, encore une fois.
Ma belle-mère - Tu nous as honorées, Khadija Selly ! On est fières de toi. Regarde ta mère, cette brave femme qui s'est toujours battue pour votre éducation à toi et tes soeurs, aujourd'hui pourra sortir de cette maison encore plus fière, la tête haute et se venter de la bonne éducation qu'elle a inculquée à son aînée. Tu es la digne fille de ta mère. Al barka !
Je baissai les yeux, j'étais pudique. C'était émouvant comme moment mais je trouvais aussi que c'était trop exhibant. Pourquoi donnaient-elles autant d'importance à la virginité ? N'était-ce-pas seulement un bout de chair qui composait notre corps ? Je m'étais surprise à imaginer à quel scénario aurais-je eu droit, si je n'avais pas saigné cette nuit. Tout aurait été différent. Je les aurais déshonnorées, je leur aurais fait honte, on m'aurait jugée et le pire de tout, j'aurais donné raison à Omar Selly Diallo, mon père. Lui qui haïssait ma façon d'être, lui qui pensait que je me considérait comme étant une toubab alors que loin de là. On m'aurait reniée à coup sûr. C'est triste mais c'est ainsi : la femme qui n'est pas pure le jour de sa nuit de noce, n'aura le respect de personne, dans cette société.
Mes badiennes m'avaient prise et amenée dans la salle de bain pour me doucher elles-mêmes. Je sais, c'est tout à fait bizarre de se faire doucher à 18 ans mais telle était la tradition et tout naturellement je n'avais mon mot à dire. C'était un moment terrible ! Le contact de l'eau bouillante avec ma peau avait eu un effet de brûlure, mon entre-jambe était comme déchiré à nouveau et c'était terrible. Pour vous dire je n'étais encore qu'au début de mes souffrances car figurez-vous que j'avais eu droit à un "massage" avec du beurre de karité. Affreux ! Un supplice ! Mon corps était tellement endolori que j'avais l'impression de ne plus rien ressentir. Quand la torture prit fin, on m'avait laissée me coucher sur le grand lit qui avait été témoin de ma chasteté la nuit précédente et m'a tête se posa sur l'oreiller qui avait une texture insolite.
Belle-mère - Regarde en dessous, avait-elle dit en souriant.
Je ne comprenais pas vraiment mais je l'avais fait. Sous l'oreiller : deux boîtes en velours et une enveloppe assez lourde. Mes badiennes témoins de la scène s'étaient empressée de me dire d'ouvrir tout ça. Même, badiennes Sadiha était venue m'aider car elle était bien plus pressée que moi à l'idée de découvrir le contenu des boîtes et l'enveloppe. C'était donc elle qui avait ouvert l'enveloppe pour en ressortir du liquide. Pour moi c'était un choc. Je crois que jamais de ma vie je n'avais vu autant de billets mauves entassés. Les cris stridents des femmes autour de moi, me rappelaient qu'en vrai, tout ceci était réel. J'ouvris à mon tour les deux boîtes en velours en attendant que les femmes finissent de compter tous ces billets de dix mille francs. Dans la première boîte, soit la plus petite, j'y avais trouvée une bague en diamant qui brillait de mille feux. Elle était sublime, raffinée, tout à fait à mon goût. Dans l'autre boîte c'était une parure en diamant aussi composée d'un collier, des boucles d'oreilles, et un bracelet. Tout était magnifique, la personne qui m'avait offert ceci avait vraiment bon goût.
J'étais toujours entrain d'admirer ces bijoux qui devaient avoir une valeur colossale quand la voix de ma tante Sadiha, parvint à mes oreilles et...