[ Khadija Selly Diallo ]
On était assis face au docteur Kanté qui était entrain de nous expliquer, j'ignore quoi, en termes très compliqués. J'avoue que mes pensées étaient plus dirigées vers Mohamed qui semblait être très en colère contre moi. Pour une raison ou pour une autre, il m'en voulait et honnêtement, d'un côté je le comprenais. Oui, il m'avait prévenue au sujet de Me Sène, disons que je l'avais pris à la légère, croyant qu'il abusait. Mais après les révélations de ce midi, je me sentais comme la dernière des connes. Et pourtant, tout aurait pu m'ouvrir les yeux. Effectivement, Me Sène avait une façon de me regarder qui pouvait être gênante. Ses nombreux compliments qui étaient très flatteurs, les quelques mots qu'il utilisait pour me parler, des fois un peu osés mais je mettais cela sur le compte de la confidence et confiance qui s'étaient installées entre nous. Je n'aurais pas pu imaginer que tout ce qu'il faisait ce n'était qu'un numéro de charmes pour m'avoir dans son lit. Quelle idiote.
Le regard fixé de mon mari et celui du docteur me ramenèrent à la réalité. À juger leur façon de me regarder, on aurait dit que j'avais été absente trop longtemps.
- Excusez moi, vous disiez ? M'adressai-je au docteur.
Dr Kanté - Et bien, on dirait que c'est la surprise qui vous fait cet effet, dit-il taquin, mais oui, vous allez avoir un bébé !
Je ne sais pas combien de temps j'étais restée à fixer le docteur, en battant frénétiquement mes cils comme pour me prouver que je ne dormais pas, que j'étais dans la réalité. Le sourire de Mohamed n'avait fait que confirmer ce qu'on venait de m'annoncer mais pour ma part, aucune réaction, aucun ressenti. Je ne savais pas pourquoi mais je me sentais dans l'obligation de sourire légèrement. Peut-être pour apaiser Mohamed, peut-être pour ne pas paraître folle.
Avoir un bébé non plus n'avait été dans mes projets. Je n'avais que dix-huit ans, je n'étais qu'une enfant. Comment une enfant pourrait s'occuper d'un enfant ? Tout ceci m'effrayait à vrai dire, mais pourtant je n'osais le dire. Mohamed était d'un coup devenu heureux, cette nouvelle lui faisait du bien. J'aurais aimé partager son humeur mais pourtant...
Tout ne tournait qu'autour de moi. "Tu te sens bien?" "Tu as envie de quelque chose?" Une liste de questions pour s'assurer que j'allais bien ainsi que son enfant. Mais jamais il ne m'avait demandé si j'étais contente, si je vivais bien cette nouvelle. Je crois qu'il ne pouvait s'imaginer que... Je ne voulais pas devenir maman. Pas sitôt, pas maintenant, pas sans être sûre de pouvoir être à la hauteur, pas sans être certaine de mes sentiments à son égard. Je n'allais pas bien moralement, mais je faisait comme si de rien n'était pour ne pas gâcher le rêve que Mohamed avait l'air de vivre.
Quelques semaines après avoir pris conscience de ma grossesse, les nausées étaient apparues tout comme les vomissements et envies bizarres. J'étais souvent de mauvaise humeur aussi et sans cesse fatiguée. Mohamed m'en tenait pas du tout rigueur et aussi bête que ça puisse paraître, ça m'énervait. Oui, le fait qu'il soit si épanoui au point de ne pas me remettre à ma place en cas de dérapage, m'énervait.
Mohamed - Tu ne te prépares pas ?
- Je ne veux pas venir. Je suis fatiguée.
Mohamed - Mais Khadija, ça ne se fait pas. Haby demande sans cesse après toi.
- Je suis fatiguée. Elle me manque aussi mais je suis vraiment très fatiguée.
Mohamed - ... Bon, tu sais quoi ? Habille toi, on ne dure pas. C'est hors de questions que je te laisse ici. Pas encore une fois.
Je ne me souciai point de ses mots, je me couchai directement en rabattant la couette sur moi. Je l'entendais bouger un peu partout dans la pièce puis à un moment donné, il avait relevé la couette.
