Ce matin-là, je m'étais réveillée de bonne humeur. J'étais partie acheter des croissants et du pain à la boulangerie du coin et sur mon chemin du retour, j'avais croisé mon ami du lycée, Ismaïl. J'étais super contente de le revoir mais il ne semblait pas ravi, lui de son côté. J'avoue que j'avais été impuissante face à la décision de Mohamed. Il n'avait pas voulu que je garde contact avec mes amis gars, et quand il m'avait offert mon téléphone il avait appuyé son interdiction. J'avais involontairement délaissé Ismaïl, il m'en voulait et il en avait plein le droit.
Ismaïl - Fatima m'a dit que tu t'étais mariée, dit-il sans un sourire.
- Euh, oui. C'est vrai. Depuis cinq mois maintenant.
Ismaïl - Je ne vais pas te féliciter, ce serait hypocrite de ma part.
J'avais honte. Je me sentais mal à l'aise par rapport à la situation. Son regard froid aussi, ne m'aidait en rien, au contraire.
Ismaïl - Je sais que c'est un mariage forcé, mais tu as l'air d'aller bien, malgré ça.
- Hum... Mon mari n'est pas méchant, au contraire.
Ismaïl - Ce n'est que le début de votre relation, avait-il rigolé nerveusement. Les choses pourraient rapidement changer, mieux vaut que tu t'y prépares psychologiquement.
J'étais surprise qu'il me dise ceci. Ismaïl n'était pas ravi de mon mariage et nullement il n'avait essayé de le camoufler. J'étais vraiment très gênée par ça, je crois que j'aurais préféré qu'il fasse semblant de me soutenir. Mais il ne s'était pas donné la peine.
Ismaïl - Il a quel âge ton villageois ? Demanda-t-il face à mon silence.
- Ce n'est pas un villageois, m'étais-je emportée, il a un prénom de un et ce n'est pas un vieux. Il a ving-huit ans.
Ismaïl - Il a dix ans de plus que toi, dans deux ans il aura trente ans ! Franchement je ne sais plus quoi penser de ça, Khadija. Tu étais pleine d'ambitions, pleine de rêves et du jour au lendemain tu te retrouves mariée à un trentenaire, enfermée chez toi a être sous ses directives. Elle est passée où ta dignité dans tout ça ? Il est passé où ton caractère !
Encore une fois, Fatima lui avait fait part de ma vie privée chose qu'elle n'avait pas le droit de faire. C'était ma vie, mon ménage et même si ce n'était pas mon choix de finir mariée à dix-huit ans, désormais je l'étais et l'homme à qui j'étais liée ne me déplaisait pas. Je prenais ça comme une trahison de la part de Fatima et je regrettais sincèrement d'avoir partagé mes secrets intimes avec elle. Elle ne s'était pas gênée à en parler avec Ismaïl, elle ne se gênera point à en parler à quiconque d'autre. C'était une autre déception de la part de celle que j'avais longtemps considérée comme une soeur.
- C'est ma vie privée, Ismaïl. Tu n'as pas ton mot à dire. Désolée.
Ismaïl - Je n'ai pas mon mot à dire ? Mais tu t'entends parler ? T'as vu l'espèce de fille soumise que tu es devenue ?
Piquée à vif. C'était très bas de sa part.
- Je te l'ai bien dit, ce n'est plus ton problème.
Je partis sans demander mon reste, ma bonne humeur m'avait décidément quittée. "Espèce de fille soumise", c'était super vexant de l'entendre ainsi, par lui en plus.
Je préparai notre petit déjeuner, le repas préféré de Mohamed. On avait mangé dans le calme, je n'avais plus envie de parler. Quelque part j'étais blessée par les propos d'Ismaïl. Il m'avait touchée en pleine fierté. Peut-être aussi parce que dans le fond il avait un peu raison...