25/ Haine et tristesse infinie

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PDV Lara :

Rafael rentra dans la voiture en claquant la portière, sans un seul regard dans ma direction, puis démarra dans un silence absolu, les yeux rivés sur la route.

- Raf...Rafael ?

- Tais-toi.

Ce fut les seuls mots qu'il prononça à mon encontre pendant une bonne heure. Quant à moi, je le laissai muré dans son silence, me demandant ce à quoi il pouvait bien penser. M'en voulait-il ? Pensait-il que c'était de ma faute si son ami était mort ? Que sans moi ils s'en seraient bien mieux sortis ?

Il était évident qu'il devait penser cela.

Et je  ne pouvais même pas lui en vouloir de me parler ainsi, je ne m'imaginais pas ce qu'il pouvait ressentir à cet instant. Certes, j'avais aussi assisté à la mort subite de Diego, et le connaissant légèrement elle m'affligeait énormément, mais pour Rafael il était ce qui se rapprochait le plus d'un ami.

Dans son monde, il ne faisait pas confiance à grand monde, Diego était l'une des rares personnes sur Terre à avoir son entière confiance - en faisais-je partie ? - alors, je me doutais bien que derrière son masque impassible se cachait une immense tristesse. Je me doutais bien que son énervement contre moi cachait une haine contre le monde entier.

Curieuse de connaître notre destination finale, je me décidai à reprendre la parole, espérant qu'il se montrerait moins dur avec moi.

- On...on va o..où ?

- Arrête de bégayer, se contenta-t-il de me répondre d'un ton tranchant.

- On va où ? répétai-je, la voix plus assurée cette fois-ci.

- Je ne t'ai pas dit de te taire ?

Cette fois-ci, n'en pouvant plus, je lui répondis.

- Tu as le droit d'être triste, pas de soucis. Tu as même le droit d'être énervé suite à ce qui est arrivé à Diego, mais je ne te permets pas de reporter tout ça sur moi, lui dis-je moi-même sur les nerfs.

Son regard foudroyant croisa le mien à travers le rétroviseur et me paralysa sur place. Si les regards pouvaient tuer, je serais morte à cet instant.

- Ne me parle pas de lui.

- Pourquoi ? Tu comptes faire comme tu fais tout le temps ? Faire semblant de rien et tout oublier ?

- Arrête ça tout de suite. Je ne veux plus entendre parler de lui, entiendes ?

{tu comprends ?}

- Tu ne comprends pas que c'est malsain ? Tu devrais en parler, tu devrais parler de ta famille aussi. Pourquoi n'en parles-tu jamais ? Pourquoi gardes-tu tout à l'intérieur de toi en attendant juste que ça explose ?

- Tais-toi.

Sa voix froide me fit certes frissonner de peur, mais ne m'arrêta pas pour autant. Je savais que j'avais raison. C'était bien plus que malsain de garder tout pour soi ainsi. Je ne lui demandais pas forcément de m'en parler à moi, mais juste d'en parler avec quelqu'un, n'importe qui.

- Pourquoi n'en parles-tu à personne ? haussai-je moi aussi le ton, s'il voulait jouer à ce jeu, on pouvait y jouer à deux.

- Parce que je n'ai personne à qui en parler, merde ! hurla-t-il finalement dans le petit habitacle de la voiture, tout en n'arrêtant pas d'accélérer alors que plus aucun véhicule ne nous suivait depuis bien longtemps. À qui pourrais-je en parler ? continua-t-il sur sa lancée. Hein, dis moi qui ! Ma mère ? Elle est morte. Mon grand frère ? Il est mort.

Les larmes faillirent couler d'elle-même mais je me forçais à ne pas montrer à quel point sa situation m'attristait. Il n'avait plus personne, ou presque. La plupart des personnes à qu'il tenait étaient morts. Les personnes pour qu'il aurait pu donner sa vie n'étaient plus de ce monde.

- Il te reste ta sœur, Camila, et ton meilleur ami. Tu n'es pas seul, tu sais, il y a encore des personnes qui tiennent à toi et feraient tout pour toi.

- Jamais je ne parlerai de mes problèmes à ma sœur, c'est moi qui ai le devoir de la protéger et non l'inverse. C'est ma petite sœur, elle est tout pour moi, elle ne mérite pas d'être confrontée à toute la noirceur des cartels.

- Elle ne fait pas parti du cartel ?

- Non, bien-sûr que non ! Elle vit ici juste parce que c'est l'endroit le plus sûr pour elle, rien ne pourra lui arriver si elle est à mes côtés. J'ai déjà pensé à l'envoyer très loin d'ici, très loin de tous nos ennemis, mais ma plus grande peur est qu'ils la retrouvent pour me faire chanter. Tu n'imagines même pas à quoi sont prêtes certaines personnes pour le pouvoir, enchaîna-t-il quand il vit que j'étais à deux doigts de riposter.

Je me rendis compte que même s'il restait l'un des criminels les plus recherchés de la planète aujourd'hui, même s'il était sûrement bien plus dangereux que je ne le pensais, il avait un cœur. Un cœur auquel très peu de personnes avaient accès, mais il était bien présent. Comme tout humain il avait ses failles. Je savais ne pas en faire parti, mais j'espérais qu'un jour peut-être j'aurai moi aussi une place dans son cœur. Car lui était bien présent dans le mien.

- Et ton meilleur ami ? repris-je alors mes questions pour ne pas qu'il comprenne ce à quoi j'étais en train de penser.

- C'est le fiancé de ma sœur. Et depuis qu'ils sont ensemble, je lui ai demandé de quitter le cartel.

Fiancé ? J'avais raté pas mal de choses, moi !

- Pourquoi ça ?

- Ma sœur ne mérite pas ça, elle mérite une vie calme et paisible, pas du chaos et du sang.

- On peut sortir d'un cartel aussi facilement ? le questionnai-je, légèrement surprise.

- Ce n'est normalement pas évident, surtout qu'il était mon bras droit. En temps normal on fait parti d'un cartel jusqu'à sa mort, mais là c'est moi qui lui ai demandé de quitter la famille. Vu que l'ordre venait directement de moi, on pourrait dire qu'il a été viré.

Mon cerveau était en surchauffe dû à toutes les questions que je me posais à cet instant-ci.

- Alors...si tu le voulais tu pourrais quitter ton cartel comme ça ?

- L'atelier questions est fini. Rendors-toi.

Je soupirai. J'aurais dû m'y attendre, c'était déjà suspect qu'il ait accepté de répondre à toutes mes questions jusqu'ici. Je me remis alors à observer le paysage qui défilai derrière la vitre sous le soleil couchant, puis décidai de l'écouter et de me coucher sur la banquette arrière afin de reprendre des forces.

Lorsque je bougeai, ma blessure m'élança et j'eus beaucoup de mal à retenir un gémissement de douleur.

Et alors que je tombais dans les bras de Morphée, je crus entendre Rafael murmurer une dernière chose.

- Ne t'inquiète pas preciosa, on est bientôt arrivé.

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J'ai hâte d'avoir vos avis 😉

Ámame TOME 2 - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant