Dès ma plus tendre enfance, j'ai compris la définition du mot survivre. J'ai appris à vivre dans l'ombre des autres, l'ombre de cette famille. Un jour j'ai arrêté de compter les fois où j'avais été marqué au fer rouge parce que cela n'avait plus auc...
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Après avoir débarrassé, nettoyé et rangé absolument toute la table où avaient diné James et ses amis j'époussetai mes mains sur mon tablier et je n'eus qu'une envie, aller dormir. J'en avais bien besoin au vu de la journée éreintante que j'avais passé.
En vitesse, je traversai le hall occupé par Tommy et un homme dont je ne connaissais pas l'identité. Une poigne de fer se referma sur mon poignet, m'empêchant de partir. Instinctivement mon corps se raidit et je me retournai en essayant de repousser l'auteur de ce contact. Depuis quelques jours je supportais encore moins les contacts physiques, je dirais même qu'ils me rendaient dingues. Le sien encore plus, je le connaissais trop bien pour le supporter. À une époque je l'avais apprécié, maintenant j'avais appris à le détester.
- Attends, m'ordonna le jeune homme.
Je déglutis, mal à l'aise mais je cachai mon trouble et je dégageai mon bras un peu trop brusquement. Tommy me dévisageait étrangement et je ne pus m'empêcher de le dévisager en retour. Il était peut-être le plus discret des trois mais je ne saurais pas dire si je le détestai plus que mes sœurs. Je le connaissais bien mieux que mes soeurs, trop, et c'est ce qui rendait tous nos échanges encore plus instables. Mon passé avec Tommy était trop lourd.
- Je n'ai pas tout mon temps, débutai-je en cachant difficilement mon agacement.
- Tu vas bien depuis...depuis ce qu'il s'est passé ?
Il me semblait ne jamais l'avoir vu aussi docile et inoffensif, j'en avais presque de la peine. Mais la colère prit le dessus, comme toujours. James l'avait averti de ses plans, alors voilà qu'il commençait à tremper dans mes punitions, de mieux en mieux. Comment pouvait-il savoir ? Même s'ils étaient tous plus ou moins au courant, James ne lui aurait jamais révélé comme cela si ? Je n'avais même pas la force de m'énerver contre lui.
- À ton avis, Tommy ? Et pourquoi est-ce que tu prends la peine de t'en soucier ? Ces dernières années, cela a semblé être le cadet de tes soucis.
- Ne remets pas ça sur le tapis s'il-te-plaît, soupira-t-il en époussetant son costume, le regard ailleurs.
- Tu te rends compte de ce que tu dis alors que tu as volontairement a...
- Stop ! me coupa-t-il, retrouvant son semblant de méchanceté. Je croyais avoir été clair à ce sujet, je n'étais plus moi-même, se justifia-t-il.
- Bien sûr cela justifie absolument tous tes actes. Et merci, comme tu peux le voir, je pète la forme, ironisai-je en élevant mes bras dénudés marqués de cicatrices encore fraîches.
La hauteur que me conféraient les marches de l'escalier me laissa apercevoir son air crispé avant que je ne disparaisse dans les couloirs, en proie aux souvenirs douloureux de ces dernières années. À un certain stade ce n'était plus de la douleur mais du traumatisme. Des événements marqués au fer rouge dans ma mémoire, et rien ni personne ne pourrait les effacer.
