Dès ma plus tendre enfance, j'ai compris la définition du mot survivre. J'ai appris à vivre dans l'ombre des autres, l'ombre de cette famille. Un jour j'ai arrêté de compter les fois où j'avais été marqué au fer rouge parce que cela n'avait plus auc...
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D'un pas hésitant, je traversai le couloir sombre qui menait au salon. Après un mauvais rêve, je n'arrivai plus à m'endormir ou bien c'était l'habitude de me lever aux aurores. Enfin, je ne savais pas réellement ce que je faisais, j'espérai en quelque sorte que les garçons ne tardent pas à se réveiller. Le plus discrètement possible, je me glissai près de la cuisine, pensant peut-être y trouver les papiers qui y étaient hier. Malheureusement, ils avaient tous disparus. Je soufflai doucement, mécontente, puis j'ai fait demi tour.
- Ever, grommela une voix ensommeillée. C'est toi ?
Je grimaçai et je m'approchai en douce du canapé sur lequel Ilyas était affalé. Ses cheveux reflétaient une couleur or à la lueur de la lune, ses sourcils froncés et ses yeux mis-clos lui donnaient un air adorable. Mais finalement, il était toujours adorable. Tellement que cela en devenait parfois exaspérant.
- Désolée de t'avoir réveillé, m'excusai-je en murmurant.
Il laissa échapper un grognement avant de s'asseoir et de m'observer dans la pénombre.
- Ne t'excuse pas, insomnie ?
- En quelque sorte, affirmai-je.
Il tapota la place à côté de la sienne. Prudemment, je m'assis en tailleur et dû à la place restreinte nos bras se frôlèrent. J'inspirai calmement en me répétant mentalement que ce contact n'était rien du tout, qu'Ilyas ne ferait rien. Ainsi, nous nous retrouvions l'un à côté de l'autre, face au mur à peine éclairé par la lune. Tel deux paumés regardant le néant de leurs vies. Ou du moins, moi, j'étais paumée, totalement perdue, si bien que j'en venais à suivre un homme que je connaissais peu à l'autre bout du pays juste parce qu'il avait décidé de m'y emmener.
Entre deux sentiers battus, je vagabondai au travers d'une forêt plus sombre encore que la nuit.
- Ever, souffla Ilyas de façon presque inaudible.
Instinctivement je me mis à le dévisager, l'incitant silencieusement à continuer. Ses billes bleues scintillaient dans le noir, une fois de plus il me fit perdre le fil sans même que je m'en aperçoive.
- Je suis désolé.
- Pourquoi ?
Son haleine chatouilla ma peau lorsqu'il répondit d'un ton morne :
- Je m'excuse par avance pour ce qu'on s'apprête à te révéler et pour ce dans quoi nous allons t'entraîner.
Je marmonnai des choses incompréhensibles, prise par la fatigue. Un bâillement m'échappa et je laissai ma tête retomber lourdement sur l'épaule d'Ilyas. Il changea de position, moi aussi, mais je ne m'en rendis pas vraiment compte. J'étais déjà trop loin, tirée vers un sommeil tumultueux.
Ma respiration calme et régulière me réveilla doucement, mes yeux papillonnèrent, cherchant à s'accoutumer de la lumière environnante. Les rayons du soleil inondaient l'appartement de chaleur. Je finis par me rendre compte que j'étais allongée de tout mon long dans le canapé de l'appartement. Une couverte me recouvrait de haut en bas et je mis un certain temps à me souvenir de ce que je faisais ici. Je m'étais réveillée tôt et Ilyas dormait encore dans le canapé, alors pourquoi n'y était-il plus ? J'avais souvenir de m'être endormi ici, mais il était à côté de moi à ce moment là.
