Dès ma plus tendre enfance, j'ai compris la définition du mot survivre. J'ai appris à vivre dans l'ombre des autres, l'ombre de cette famille. Un jour j'ai arrêté de compter les fois où j'avais été marqué au fer rouge parce que cela n'avait plus auc...
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Un vieux blues résonnait dans la pièce, faisant balancer mon pied droit d'avant en arrière au rythme de la musique. Je sirotais mon chocolat chaud lentement en écoutant mon amie se disputer avec un garçon au sujet de la couleur des nappes qu'elle jugeait absolument effroyable.
- Tu es d'accord avec moi, n'est-ce pas Ever ?
Leïa claqua des doigts devant mon visage me ramenant à la réalité. Elle et le fils du patron, Tim, m'observaient de façon étrange.
- Quoi ? J'ai un truc sur le visage ? demandai-je.
La blonde soupira, visiblement agacée.
- Tu n'as rien écouté de ce que j'ai dit, pas vrai ?
- Mhm, non, avouai-je avec un sourire. De ce que j'ai compris tu as juste une forte aversion pour le rouge, ajoutai-je l'air de rien.
- Mais cette couleur fait fuir les clients ! s'écria-t-elle de nouveau lancée dans le vif du sujet. Il est certain que si on changeait ces nappes il y aurait plus de monde.
- Leïa, ce ne sont que des nappes, intervint Tim l'air exaspéré. Le client s'en fiche complètement, en plus ça fait très italien.
Elle roula des yeux et but une gorgée de son coca tandis que je riais face à son débat des plus ridicules.
- Évidemment toi tu n'as aucun sens de l'esthétique, lâcha-t-elle à l'intention de Tim.
Elle orchestra un fou rire général et je ne pus m'empêcher de penser qu'elle détesterait les rideaux rouges de la maison, ainsi que ma belle mère toujours accessoirisée de rouge. Cette couleur était la plus dominante là-bas et avec le temps je m'y étais habituée, même si je ne l'aimai pas.
J'écoutai vaguement leur conversation, bercée par mes propres pensées. À vrai dire, cela faisait deux semaines que James ne m'avait pas frappé, étonnant quand on savait que je n'en faisais qu'à ma tête. Je n'avais plus eu aucun contact avec Ilyas hormis la semaine où j'avais dû lui faire enfiler ses chemises tous les jours. Et ça me tuait de le dire mais ne pas lui parler me manquait un peu, je ne savais pas pourquoi mais au moins je pouvais parler librement ou presque à quelqu'un là-bas, sans que ce ne soit par intérêt ou simplement pour me rabaisser.
C'était nocif pour moi, particulièrement nocif de lui adresser la parole mais j'avais dépassé cette limite depuis trop longtemps déjà. J'étais habituée à sa compagnie, ses mimiques, son ton aussi sérieux qu'il pouvait être doux ou joueur, un tas de choses auxquelles je ne devrais même pas penser. Que je ne devrais même pas connaître. Si jamais James apprenait le nombre de fois où nous étions restés ensemble, il me tuerait.
- Ever, il faut qu'on rentre, annonça Leïa.
Je me levai, je pris mon sac de cours et je saluai Tim avant que nous ne quittâmes le restaurant. Depuis quelques jours, cela était devenu une habitude pour nous deux de nous retrouver là dès que je finissais les cours, et Tim nous rejoignait quand il était présent.
