Lisen To The Mad Man (3)

76 7 0
                                    

 Mon jumeau m'a bien proposé de passer la nuit chez lui, mais j'ai refusé, préférant dormir dans mon lit et être un peu éloignée de sa surveillance rapprocher. Je sais qu'il fait ça pour mon bien, mais là, j'ai vraiment besoin de respirer seule et de pleurer tranquillement sans crainte, ne pouvant être jugée que par moi-même. Bon, il n'est pas du genre à me juger, mais je suis un peu moins à l'aise quand même. Je m'affale sur mon matelas, épuisé, mais incapable de dormir.

Mais après quelques minutes seules avec mes pensées, Déborah se rappelle à moi et même si je ne devrais pas et que ça me fait plus de peine qu'autre chose, je commence à me remémorer les rares moments que j'ai passés avec elle. Plus j'y réfléchis, plus je suis étonnée de m'être tant attachée à elle en si peu de temps, ce n'est pas bon. Je ne sais même pas comment j'ai fait pour tomber amoureuse aussi vite, c'est complètement con, surtout que j'ai conscience que l'amour fait mal, détruit, fait pleurer et que ce n'est pas pour moi. Et il fallait que j'aime la mauvaise personne, celle qui ne veut pas de moi.

La chimie, c'est vraiment mal fait, les phéromones qui font que deux personnes tombent amoureuses ne pourraient-elles pas mieux fonctionner pour que de chaque côté il y ait des sentiments ? Ça éviterait bien des problèmes au monde, ça, j'en suis certaine. Ça économiserait même des larmes et des cœurs brisés. Parce que c'est horrible de pleurer seule dans son lit avec une impression de creux dans la poitrine.

Je me sens atrocement faible en plus, j'ai l'impression d'être redevenue une enfant. À une époque où tout était plus compliqué pour moi. Où personne ne m'acceptait. Où personne ne voulait me considérer comme une fille à part mon frère, qui a toujours été le seul à me comprendre. Où les personnes m'appelaient plus souvent travelo que par mon prénom. Où mes propres parents me rabaissaient. À une époque où j'étais obligée de me faire passer pour un garçon pour ne plus avoir à subir cet enfer en attendant d'avoir suffisamment d'argent pour gagner l'Angleterre avec mon jumeau.

Sauf que là, ce n'est pas pareil, c'est juste une personne qui m'a fait du mal. Je ne suis plus une adolescente, j'ai grandi. Mais cette douleur, lorsqu'on est rejetée, est toujours aussi forte, ça ne change pas malheureusement. Et cette fois, c'est différent, je ne suis plus au même endroit, je n'ai plus les mêmes moyens pour me réconforter, je n'ai plus le bruit régulier des vagues pour m'apaiser ni le chant des frégates pour me bercer ni le tic-tac irrégulier de ma vieille montre à gousset qui rythmait ma respiration.

Je suis seule dans le silence et le noir...

Je commence presque à regretter de ne pas être restée chez Warren, au moins là-bas, j'aurais un peu de compagnies et le son de son souffle. Mais c'est trop tard maintenant pour revenir sur ma décision, déjà parce que je risque de le réveiller, mais aussi parce que j'ai un peu trop de fierté pour faire ça. Je suis donc presque contrainte de rester dans le silence à tourner et retourner dans mes draps en espérant trouver le sommeil. Après tout, il a raison, je devrais un peu plus « écouter l'homme fou » qui me serre de jumeau, même s'il a parfois tort, pour le coup, il a vu juste. Pourtant, ce n'est pas faute de me l'avoir répété, il m'a même fait chanter une musique sur ce sujet dans le dernier album qu'on a enregistré, c'est peu dire. Mais ce n'est pas pour autant que je l'écoute pourtant... qu'est-ce que je suis bête parfois !

Je ne sais pas si je suis restée éveillée toute la nuit ou si j'ai un peu dormi. Mais ce qui est sûr, c'est qu'à l'aurore, je suis épuisée, j'ai mal à la tête et j'ai l'impression que mes yeux vont sortir de leurs orbites tant j'ai pleuré. Au moment où je me lève, laissant enfin tomber de m'endormir, après avoir mis ma patience à rude épreuve pendant plusieurs heures, j'ai la tête qui tourne et j'ai presque envie de vomir tant je me sens mal. Je n'aurais pas dû boire autant hier, ou alors je n'aurais pas dû fumer, ça ne me réussit jamais la drogue, je le sais pourtant, à chaque fois, j'ai de violents rappels à l'ordre.

Her Majesty (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant