Welcome To Paradise (1)

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Je me fais éblouir par une lumière vive et quand elle se dissipe, je suis debout, au beau milieu d'une prairie, vaste et verdoyante à perte de vue. Étrangement, tout est lumineux, mais il n'y a pas de soleil, ni quoi que ce soit qui pourrait le remplacer. Je regarde autour de moi et partout, se déplacent des silhouettes, que je serais bien incapable d'identifier, elles sont quasiment toutes identiques, hormis une sorte d'aura qui est différent pour presque toutes les ombres et des yeux, juste des yeux, comme ceux d'une personne normale, sauf qu'ils sont uniquement sur une silhouette noire, par sur un visage.

Mais quelques-unes sortent du lot et me semblent étrangement familières. Une silhouette au contour vert pomme et rouge écarlate, non loin de moi, que j'attribuerais à mon père, impossible de savoir pourquoi. Une autre, qui est au loin, mais qui semble avancer vers moi, qui est entourée d'un bleu ciel et du blanc le plus pur que j'ai jamais vu, et pour une raison étrange me fais penser à grand-père décédé quand je n'étais qu'une enfant. Et la dernière est juste à côté de moi, elle luit des couleurs les plus délicates et pastels de manière resplendissante, je la reconnais, comme si j'avais déjà passé toute une vie à ses côtés, mais je serais incapable de lui donner un nom.

— Débrah ! s'exclame l'inconnue à côté de moi – je ne sais même pas comment je devine que c'est cette silhouette qui a parlé, mais je le sens au plus profond de moi.

Elle a une étrange voix, dont je serai incapable de donner le genre, une voix parfaitement neutre, qui semble venir de très loin et qui résonne, comme sous l'eau. Mais je sens que c'est une femme, comme un instinct impossible à expliquer, je le sais, rien de plus. J'ai la sensation que c'est la personne la plus belle que je n'ai jamais vue, même si ce n'est qu'une simple silhouette, comme toutes les autres. Je ne vois à ses yeux, ses yeux incarnent la beauté, ils ne sont ni vraiment gris, ni vraiment marrons, il n'y a pas de mots pour leurs couleurs qui semblent danser autour de l'iris, mais ce sont les plus beaux yeux que je n'ai jamais vus, et je sais que cette femme l'est tout autant, même si elle est quasiment indissociable des autres, je la reconnaîtrai entre mille.

— Tu ne dois pas rester ici ! ajoute-t-elle.

— Où est-ce que je suis ?

— Ça n'a aucune importance, tu ne dois surtout pas rester, vraiment. Prends ça et rentre, affirme l'ombre en me tendant une petite boîte, à la gravure étrange et d'une matière indéfinissable, lisse et rugueuse à la fois, de la taille d'un smartphone et à peine plus épaisse.

— Mais... protesté-je en mettant l'objet dans ma poche.

Je n'ai absolument pas envie de partir. Pire encore, je n'ai absolument pas envie de la quitter. Mais je me sens à nouveau happer et dans le dernier laps de temps, je lui demande :

— Qui es-tu ?

J'ai la sensation que ma question est complètement idiote, que j'en connais déjà la réponse, mais je n'arrive pas à la trouver.

— Une personne qui tu ne connais que trop bien... Débrah, vis pour nous deux, OK ?

J'ai l'impression qu'elle n'a qu'une envie, me dire « je t'aime », mais pas à la manière d'une déclaration flamboyante, plutôt comme un adieu... ou un au revoir.

Je me fais aspirer, sans rien contrôler et je me retrouve dans un lieu très différent. Cette fois, je suis allongée dans une pièce au mur jaune citron, seule au milieu d'une odeur d'antiseptique : un hôpital. Mais qu'est-ce que je fais là ? Mes souvenirs sont confus, je suis incapable de savoir si je viens de rêver ou si je viens vraiment de le vivre. Impossible de différencier la vérité du rêve, c'est totalement flou dans ma tête.

J'aimerais vraiment croire que cette journée n'existe pas et que je viens seulement de me réveiller, le jour de mon anniversaire, mais c'est impossible, sinon je ne serai pas dans un hôpital. Je peux donc être sûre d'une chose, ce que j'ai vraiment eut un accident. Par contre, je ne sais pas pourquoi, je ne me suis pas blessée, pourtant, j'aurai juré être à l'agonie à un moment ou un autre. Je ne veux pas croire que je me le sois imaginé, on ne peut pas imaginer des choses pareilles. Mais je n'ai plus mal nulle part et à première vue, je n'ai même pas une petite coupure.

La partie la plus trouble de mes souvenirs concerne mes dernières minutes, elle semble totalement invraisemblable. Je ne sais même pas comment ça pourrait être autre chose qu'un rêve – jamais encore je n'avais faire un rêve aussi étrange ni aussi clair. Pourtant, c'est une évidence, ça ne peut pas être autre chose qu'un simple rêve. Mais il me perturbe plus que je le voudrais, qu'est-ce que mon cerveau a-t-il bien pu vouloir me dire avec ce rêve ? Pourquoi étais-je persuadée que l'une des ombres était mon père, alors que j'ai associé le lieu à une sorte de paradis, même la présence de mon grand-père défunt concorde.

Pourtant, il faut que je reconnaisse que la partie la plus entêtante de mon rêve, c'est la femme, c'est Elle, impossible de savoir pour quoi. Je ne sais pas qui s'est, je n'arrive pas à l'identifier, mais je la connais, je la connais parfaitement, j'en suis certaine. J'avais envie de rester là-bas juste pour elle, j'en suis certaine, rien d'autre n'avait autant d'importance qu'elle. Je ne sais même pas pourquoi elle m'obsède autant. Je n'ai pas envie de la chasser de mes pensées, mais j'ai presque l'impression qu'elle n'existe pas. Mon père et mon grand-père sont des personnes que j'ai côtoyées, mais elle semble sortir de nulle part, même si j'ai envie de me persuader du contraire.

Arrêtant de me torturer, je décide de bouger. Je ne suis reliée à aucun tuyau, ni aucun fil, ni rien d'autre, je n'ai donc aucun mal à me lever pour aller chercher mon portable dans ma veste, que je vois, juste là, attachée au porte-manteau de la pièce. Je n'ai pas vraiment envie de traîner sur mon téléphone, mais j'ai besoin de m'occuper. En plus, je sens que je ne vais jamais sortir rapidement et que mes parents vont s'inquiéter pour moi. Dans ma veste, pour je ne sais quelle raison, la poche ne contient plus seulement mon smartphone, mais aussi un petit carnet en cuir brun, sensiblement de la même taille que mon portable. Plus par curiosité qu'autre chose, je sors les deux objets avant de retourner sur le lit.

J'envoie vite un message à mes deux parents avant de regarder plus précisément le carnet, il est assez étrange, je ne sais même pas vraiment comment il s'ouvre, le fermoir semble être un Ouroboros en fer bloquant une lanière en cuir. Sans vraiment comprendre le mécanisme, je tente de le tourner dans un sens puis dans un autre et il finit par céder, me permettant de défaire les pans de cuir. À l'intérieur, il n'y a qu'un stylo gravé de plusieurs dessins et quelques pages, pour la plupart vierges hormis les deux premières sur lequel sont marqués en lettre fine, presque gothique, un étrange règlement, que je lis sans attendre. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de voyage dans le temps ? C'est sans doute qu'une bonne blague, mais si par hasard ce n'est pas le cas, je veux tenter ma chance.

Her Majesty (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant