Don't Try Death (2)

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Du coin de l'œil, je vois Ruth, Dean et Leroy nous rejoindre, paraissant aussi sous le choc que nous.

— Dire que maintenant on est là... Quinze ans plus tard, jour pour jour, remarque Ruth les larmes aux yeux en se plaçant à côté de moi. Qui l'aurait cru... ajoute-t-elle alors que je lui serre la main pour la réconforter, même si elle n'est pas triste, elle est plutôt heureuse.

Le pire, c'est que je me revoie encore très bien admirer l'espace vide qui accueillera les futurs spectateurs, épatée que presque quatre mille personnes viennent nous voir ce soir-là, j'étais à la fois excitée et terrifiée. Dire que maintenant, nous allons jouer devant vingt-cinq fois plus de personnes... Et pourtant, les mêmes sentiments m'habitent, comme si rien n'avait changé... J'ai presque envie d'en pleurer moi aussi... Voyant sans doute mes yeux brillants, Warren passe son bras à ma taille.

— C'est presque trop beau pour être vrai, affirme Dean ému lui aussi. C'était déjà trop beau pour être vrai, mais là...

Aujourd'hui, c'est le jour de la nostalgie... Aussi, c'est un peu normal, c'est une date important pour Her Majesty, pour nous et c'est le moment de se remémorer les souvenirs... Surtout que maintenant, après tout ce temps, c'est notre vie ce groupe, aucun d'entre nous ne serait là sans lui et célébrer ses quinze ans, c'est comme de fêter ceux d'un de nos enfants. C'est peut-être même encore plus fort, parce que dans un sens, nous nous sommes plus battus pour le groupe que ce qu'un parent doit fait pour un enfant.

Dire qu'après quinze ans, nous sommes encore tous les cinq, sans jamais nous être séparés, presque un exploit et j'ai presque envie de les mettre au défi de faire vingt-cinq fois mieux dans une décennie et demie.

— Vous les testez ou non vos instruments ? Je n'ai pas que ça à faire moi, se plaint le régisseur son depuis son poste de contrôle, brisant ainsi notre moment de nostalgie et notre début de chaîne humaine.

Nous regagnons alors nos postes, nous aurons tout notre temps d'être nostalgique plus tard. Nous commençons à régler nos instruments disposés sur la scène, demandant un certain niveau de volume, accordant certains, les plaçant de manière à y avoir accès à tout moment rapidement et dans le bon ordre, vérifiant nos micros, recréant notre ballet habituel. Ça fait du bien, ce rituel est tellement réconfortant et rassurant, à chaque fois, je perds toute trace de stress, je me sens toujours beaucoup mieux après. À la fin, je m'amuse vite fait à tester ma voix et l'acoustique, de mémoire, elle était excellente, mais elle est encore meilleure que dans mes souvenirs, j'entends mon timbre se répercuter dans chaque recoin du stade, me revenant en écho, comme si des dizaines de personnes faisaient les mêmes sons que moi en décaler, c'est tellement grisant.

— Tu t'amuses bien ? rigole Warren une fois que j'ai fini.

— Comme toujours ! On y va ? demandé-je en voyant qu'ils ont tous l'air prêts.

Ils valident, mais dans le doute, nous vérifions tous une dernière fois vite fait. Et une fois certains que tout est bon, nous rejoignons nos familles dans les coulisses pour manger. Puis nous passons le reste de l'après-midi ensemble, dans une ambiance légère à discuter du bon vieux temps et du futur, à parler de tous et de rien, à rire, à nous balader dans les coulisses, à profiter de l'instant. En vrai, je n'adore pas forcément les tournées, parfois c'est un peu long et difficile à gérer, surtout mentalement et physiquement. Mais j'adore les concerts que nous faisons à Londres, c'est tellement mieux, beaucoup plus calme, plus agréable, nous avons nos familles, nos amis, nous pouvons rentrer chez nous après le concert, nous sommes presque libres, nous n'avons même pas la perspective de repartir sur les roues le lendemain.

Vers dix-sept heures, le concert étant dans moins d'une heure, nous laissons nos proches pour nous préparer dans les vestiaires tranquillement. Là-bas, se trouve déjà nos tenues de concert pour ce soir, prêtes à être enfilées et suffisamment faciles d'accès pour être mise en vitesse durant la pose tout à l'heure. J'enfile mon porte-jarretelles et mes collants en dentelle avant de mettre mon short, ma veste ainsi que mes bottines. Aujourd'hui, je commence par une tenue soft, je serais plus originale après la pause. Une fois prête, j'échauffe ma voix avec mon frère, mais très vite, j'ai déjà soif et vu qu'aucun d'entre nous n'a intelligemment pris à boire avant de venir, je vais devoir m'en occuper moi-même.

Her Majesty (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant