Chapitre 34

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On se regarde tous. Comment réagir à la mort ? A vrai dire, tout le monde à sa propre façon de faire, Denver est en pleure dans les bras de Monica et va se battre pour ouvrir le tunnel. Monica, quant à elle, est complètement perdue. Nairobi ne pleure pas, elle préfère serrer Tokyo dans ses bras aussi fort qu'elle le peut. Rio pleure en silence. Et moi je me sanglote contre le torse de Berlin, il caresse mes cheveux et me chuchote.
- Tranquillo...
Je tourne la tête vers le corps sans vie de Moscou. J'aurais envie de rester là pendant des heures. Mais on ne peut pas, on ne peut pas laisser le temps passer et rester planter là à le regarder comme si, d'un coup, il allait se réveiller. Le Professeur n'est plus qu'à quelques mètres de nous. Alors non, on ne doit pas oublier, juste transformer cette souffrance en force. La force que nous donnais Moscou quand il nous encourageait.

Nous sommes devant le « cercueil » de Moscou. Il est juste à côté de celui d'Oslo. Personne ne parle. Je ne sais pas si c'est parce que nous sommes tous triste ou parce que nous ne savons par quoi dire. La tension devient pensante et malaisante.
- On le ferme ? demande Berlin.
- Juste comme ça ? riposte Denver après quelques secondes de silence. On devrait dire quelques mots, non ?
Denver s'avance vers la boîte en bois dans laquelle se trouve le corps de son père et regarde le voile blanc.
- Notre Père qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifier. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
- Que ton règne vienne, lance Rio.
- Quoi ?
- Tu as sauté un vers. Après « que ton nom soit sanctifié ».
- Et qu'est-ce que ça fait ?
- Si tu veux prier, fais le bien, ajoute Helsinki.
- Vous avez fini ? Votre dieu s'en fou qu'il le dise bien ou pas, je leur lance. Continue Denver.
- Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour, reprend-Il. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal. Amen.
Il fini sa prière et Berlin et Helsinki s'avancent pour fermer la coffre. Tokyo pleure dans les bras de Nairobi tandis que je me laisse tomber dans ceux de Rio.
Il y a des moments dans la vie où vous aimeriez avoir une télécommande pour pouvoir tout arrêter. Ne serait-ce que cinq minutes. Parfois, les choses arrivent avec une obscénité déplacée. Et on ne peut rien y faire. D'un côté nous enterrons Moscou. De l'autre, nous ouvrons le chemin de notre liberté.

125 heures de braquage.

J'avance aussi vite que je peux à l'aide de ma canne. Et là, je le vois, j'ai de nouveau envie de pleurer. A la place j'accélère.
- Professeur !
Je le jette dans ses bras en pleurant. Mais je suis heureuse, c'est le plus gros des soulagements. Le Professeur a réussi, trop tard, mais il a réussi. Nous qui pensions mourir ici, avons de nouveau été sauvé par notre ange gardien.
Il le serre dans ses bras et, après quelques secondes, s'écarte et me regarde.
- Un bébé ? demande l'homme à lunettes.
- Un bébé !
Je tourne la tête vers Berlin en souriant.
- Un bébé, ajoute-t-il.

Malgré le fiasco total de garder tout le monde en vie, nous avons réussi notre casse. 984 millions d'euros. Voilà notre butin.
Maintenant, nous devons sortir de là le plus vite possible. Tout les otages se relaient pour faire passer tout le fric dans le hangar du Professeur. Voir tout cet argent passer devant moi sans pouvoir y toucher me donne envie de vomir. Le bébé veut sûrement faire savoir qu'il est là.

On va partir. Et je ne peux rien faire. L'argent défile devant moi, les machines s'éteignent, les otages s'affairent de tous les côtés.
Berlin reçoit un appel, sûrement le dernier. Il vient me chercher et on part à tous les deux chercher Nairobi.
- On sort tout les deux, ou on ne sort pas. je lui dis en marchant.
Il ne me répond pas et entre dans la pièce.
- Nairobi, on s'en va.
- Encore de l'argent... commence-t-elle
- Assez de bagages ! Braves gens, ce fut un plaisir de vous séquestrer, mais il est temps pour nous de prendre des vacances bien méritées.
Annonce Berlin aux otages, il lance des billets partout dans la pièce en riant.
On court jusqu'au hall où se trouve les otages. On va partir, mais avant, on doit les libérer.
- Merci à tous, je crie. Ça n'aurait pas été possible sans vous.
On attend Tokyo et les autres pour pouvoir y aller, mais ça prend longtemps, alors Berlin m'ordonne de partir. Je lui obéis, mais évidemment ne m'en irais pas, je vais juste l'attendre dans le 3ème coffre. Je lui ai fait une promesse, celle de l'aimer pour toujours, et toujours n'est pas aujourd'hui. A l'entrée du tunnel Nairobi charge l'argent, Helsinki a prévu une mitrailleuse et de quoi nous protéger. Je lance les paquets d'argent à Helsinki.
- Vous allez faire quoi après ? demande le serbe.
- Je n'ai pas de plan, répond Nairobi.
- Me marier, je lance.
Ils tournent tout les deux la tête vers moi d'un coup. Je ris et lance un autre paquet à Helsinki, avec plus de force, pour qu'il se réveille.
- Te marier ? demande Nairobi.
Je sors la bague de fiançailles que Berlin m'a offert un mois plus tôt et lui montre.
- Oui, me marier.
Rio arrive en courant, suivi de Tokyo. Il est paniqué et haletant, ils ont dû courir.
- On se casse ! dit Rio. Maintenant !!
- Ils arrivent ! crie Tokyo
- On y va ! crie Berlin en arrivant.
- Et Denver ?
- Ils y vont ! Maintenant sortez ! C'est un ordre.
Rio attrape le bras de sa copine et l'emmène vers notre porte de sortie. Cette porte de sortie la est bien réel, pas comme celle que Ariadna c'était imaginé 6 jours au paravant. Ce trou que Moscou a creusé est notre porte de sortie. Quand je vois Rio et Tokyo passer, je m'attends à voir Berlin les suivre mais rien ne vient. Alors je sors du coffre et m'approche de lui.
- Tu fais quoi ? Viens !
- Non...
- Non ?! je crache. Comment ça non ?
- Quelqu'un doit rester.
- Quelqu'un mais pas toi ! je hurle. Helsinki ! Prends sa place.
- Non. Helsinki part avec vous. Je dois rester. On doit les arrêté ou nous allons tous mourir.
- Alors je reste avec avec toi.
- Non ! crie Nairobi derrière moi.
- Laissez moi !
Helsinki attrape mon bras en voyant le signe de tête de Berlin.
- Andrès !
Je me débat et « cours » jusqu'à lui, je l'embrasse comme si c'était la dernière fois. Et quand je pose mes lèvres sur les siennes je comprends que ça l'est. La dernière fois que mes lèvres touchent les siennes, que je plonge mon regard dans le sien. La dernière fois que je peux sentir son odeur, la dernière fois que je peux le regarder en face et lui dire.
- Je t'aime ! Andrès je t'en supplie viens !
- Helsinki ! crie Berlin.
Helsinki m'attrape et je hurle. Je hurle mon amour, ma peine, ma haine. Je hurle tout ce que je perds et tout ce que je gagnes, Berlin et ma petite fille, Moscou et tout cet argent. Je hurles à quel point j'aime Berlin et son bébé, à quel point je le déteste. À quel point j'aime Moscou et ses chansons. À quel point j'aime Denver, Nairobi, Rio, Tokyo et Helsinki. Je hurle à quel point j'aime ma famille. À quel point j'ai mal à la jambe et au coeur. Et tout en me débattant je regarde le trou s'approcher de moi. La dernière chose que j'ai pu dire avant d'entrer dans se fichu tunnel c'est :
- TU ME L'AVAIS PROMIS !
Helsinki me suit pour ne pas que je m'arrête de marcher, d'un côté j'ai envie d'aller chercher Berlin mais je l'autre j'ai envie de rester loin, très loin de cette fichue maison de la monnaie. C'est comme le diable et l'ange sur mes épaules. L'un me dit de rester intègre, l'autre d'aller chercher l'homme que j'aime, quitte à mourir avec lui.
On entend des coups de feux, d'ici on ne peut pas savoir qui tire. Je vous l'ai dit au début que c'est terrifiant quand on ne sait pas par qui les balles sont tirées, c'est exactement de ça que je parlais. Ne pas savoir si ce sont les flics ou Berlin qui se les reçoit me rend folle. Je me tourne vers Helsinki et le regarde, suppliante.
- Helsinki...
Il fait Non de la tête et me porte pour continuer à avancer. Dernière nous, Nairobi hésite aussi, elle veut y retourner, j'ai plutôt envie de hurler. Après encore quelques longues secondes, ou peut être minutes, de marche, nous arrivons dans le hangar. Le Professeur me tire la chaise le plus proche et je me laisse tomber dessus.
- Où est Berlin ? demande Sergio.
- Il est resté dedans, dit Nairobi.
Le Professeur tourne en rond et me regarde.
- Comment ça ?
- Les flics arrivaient. Il voulait protéger le tunnel.
- Il nous a sauvés, ajoute Helsinki.
- Vous oui, moi non. je lance en regardant le tunnel.
- Andrès, demande le Professeur en rallumant l'oreillette.
- Professeur ? répond Berlin. Je suis un peu pris en ce moment.
- Prends le tunnel.
- Négatif !
- Andrès on va le faire sauter ! Sors de là !
- Il est trop tard. Partez !
- Je ne partirais pas sans toi.
- La décrépitude, pas pour moi. Tu m'imagines baver et perdre le contrôles de mes sphincters ? Non. Ça demanderais du courage. Je préfère ceci !
- Sors, s'il te plaît !
- Andrès ! je crie en douleur.
- Sergio ! s'écrie Berlin. Ne me fais pas chier. Tu avais promis de te tirer si ça tournait mal. C'est le cas. Helsinki, fais le sauter.
Le Professeur se tourne vers Helsinki en même temps que moi. Je me lève et lui attrape le bras.
- Je t'en supplie ne fais pas ça, je lui dis en pleurant.
- Helsinki c'est un ordre ! Soldat, fais le sauter !
Le Professeur se précipite sur le serbe pour l'arrêter.
- Non !
- Ne fais pas ça !
Pendant que le Professeur se bat pour que le tunnel ne saute pas, Berlin prononce une dernière phrase pour lui.
- Je t'aime fort petit frère, ne l'oublie pas.
Et une dernière phrase pour moi.
- Je t'aime aussi Ivana. Et j'aime notre fille. Plus que tout au monde.
Quand il fini sa phrase, je me jette Helsinki, comme un dernier geste désespéré. Mais c'est Nairobi qui me réceptionne, je crie aussi fort que le Professeur, je pleure aussi fort que lui, j'ai mal aussi fort que lui.
- Alors reviens ! ANDRÈS ! NAIROBI LACHE MOI !
Je frappe dans le vide, à bout de force, mais je continue. Je sauterais dans se tunnel, me ferais sauter, tuerais tout les flics de la planète si ça pouvait le sauver.
- Toute ma vie j'ai été un enfoiré, dit Berlin. Mais, aujourd'hui.
Je peux l'entendre pleurer, il pleure, il sait qu'il va mourir, je le sais, Sergio le sait, on le sait tous. Il va mourrir et moi avec.
- J'ai envie de mourir avec dignité.
- Andrès non ! S'il te plaît !
- Au revoir mi amor
- ANDRÈS ! BERLIIIIN !
Helsinki appuie sur le bouton et la dernière chose que nous entendons dans nos oreillettes avant la fin de la communication, est un cri de guerre. Un crie de désespoir et un cri bien trop réel. Je me laisse tomber à genoux, je n'arrive même pas à crier, c'est Denver le premier à accourir près de moi, à me serrer contre lui. Je ne pleure plus, j'ai mal, aussi mal que si on venait de m'arracher le coeur
C'est fini. Il n'est plus là. Berlin est mort. Et je n'ai rien pu faire. A cet instant, je n'ai plus envie de vivre, j'ai envie d'aller le retrouver. Au final, il a tenu sa promesse, il m'a aimé jusqu'à la fin. La toute fin. La fin du braquage, la fin de tous mes espoirs. Fichus espoirs. Je le savais, j'ai espérer et maintenant la chute me ramenant à la réalité est douloureuse.
Sergio me regarde, il est vide, tout aussi vide que moi. Il me serre dans ses bras et là seule chose que je suis capable de faire c'est pleurer sur son épaule. J'ai perdu l'amour de ma vie et lui son frère.
Je l'ai perdu.
Nairobi s'accroupi près de nous.
- Il faut continuer. Il le faut.
Nairobi me prend dans ses bras. Continuer est la chose la plus difficile que j'ai eu à faire. Se changer, changer de vie. C'est bien trop douloureux, pourtant c'est ce que nous devons faire.
Sans lui.
Mais je continue
Pour lui.

Voici le dernier chapitre. Je ferais peut être un tome deux mais rien n'est sur. Dites moi ce que vous en penser.
Ça a été très éprouvant pour moi d'écrire ceci. Mais, ce soir, vous aurez droit a l'épilogue de « Londres de Fonollosa »

Loᥒdrᥱs Dᥱ FoᥒoᥣᥣosᥲOù les histoires vivent. Découvrez maintenant