Chapitre 5 : La sanction d'une victime

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« Tu te fous de ma gueule ?! cria Eliott. Je t'avais prévenu de te faire toute petite ! Tu sais ce que ça veut dire au moins ? »

Il lui avait littéralement craché dessus.

Assise à cette même table que la première fois - celle de sa chambre -, elle faisait de nouveau face à Eliott. Elle avait pourtant tout fait pour sortir, mais à vrai dire ça n'avait pas été aussi simple que prévu, même avec toute l'envie du monde.

Ici, ceux qui faisaient la loi, c'était les Dirigeants ou les gardes. D'ailleurs, ils étaient aussi ceux qui la transgressaient le plus souvent. Apparemment, ce qu'avait vécu Mackenzie avec le gros porc n'avait surpris personne. Elle avait néanmoins jugé judicieux de venir se plaindre auprès d'Eliott. Pourtant ce qu'il lui avait répondu, lui glaça le sang :

« Ce n'est qu'un petit rapprochement physique, qui en plus d'en satisfaire certains, pourrait même apporter, au bout de neuf mois, de la main-d'œuvre supplémentaire. Qui oserait s'en plaindre ? »

Même si elle avait fini par saisir les rouages du système, elle n'avait pas manqué de pâlir à sa remarque. La dure réalité l'avait subitement claqué au sol. Elle avait été idiote de penser que cela aurait pu indigner Eliott, ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Tout ce qu'elle percevait du système d'ici, c'était leurs valeurs dénuées de sens et leurs morales exempt d'humanité.

Pourtant, elle aurait aimé qu'il soit plus clément, qu'une certaine once de pitié se verrait dans ses yeux. Au contraire, il avait presque été surpris qu'elle s'en plaigne. Par contre, l'affreux quinquagénaire avec qui elle avait failli être littéralement très proche, n'avait pas manqué l'occasion et avait demandé réparation auprès du superviseur de la demoiselle.

Il avait, suite à cela, exigé une sanction digne de cet affront pour « la petite garce bien moulée ». Et Eliott ne comptait pas aller à l'encontre de cette demande.

Bien plus que punir la petite clandestine, c'était un moyen de faire taire et de refréner les futurs fauteurs de troubles. Ainsi, elle s'était de nouveau faite humiliée face à Hayden, qui n'avait pas manqué la scène, bien qu'il eût détourné le regard.

Les larmes aux yeux, Mackenzie aurait voulu crier. Elle était passée de victime à coupable sans une once de pitié. Eliott quant à lui, était mélangé entre la colère et le mépris, et leur discussion, bien qu'initialement houleuse, s'était estompée dans un ton hautain et sans considération de la part de son superviseur.

Son camarade de chambre n'avait rien dit, ni rien fait, mais elle ne lui en voulait pas. Il semblait presque son opposé, et militait pour la bonne conduite. Depuis qu'elle l'avait connu, il avait fait preuve d'une certaine force de persuasion avec elle, et l'avait confronté sur son désir de liberté. Ce n'était pas quelque chose de mal. Derrière ses discours, pouvait se sentir un douloureux passé, comme s'il avait appris de ses erreurs et ne voulait pas qu'il arrive la même chose à la demoiselle.

Hayden, étant là depuis longtemps, connaissait énormément de choses. À certains égards, il ressemblait à Kahésar, le chef de l'escouade. Ils avaient une vision assez proche l'un de l'autre et pourtant totalement opposée.

Pour Hayden aussi, aider les autres n'apportait que fin misérable et malheureuse, ce dont Mackenzie était en total désaccord, bien qu'elle ait toujours vécue seule. Un brin solitaire, il en devenait presque arrogant, mais cela faisait tout le charme de son colocataire. Elle aimait passer du temps avec lui, et même s'il voulait constamment l'aider, il arrivait que parfois ses arguments la blessaient.

S'il avait posé son regard sur elle à cet instant, elle aurait pu y voir un certain déroutement. Peut-être même, lui aurait-il lancé un « je te l'avais bien dit » douloureux. Après tout, le jeune homme n'arrêtait pas de lui expliquer que rien ne valait la mort, et que par conséquent, il fallait qu'elle survive peu importe les épreuves. Oui, elle avait envie de survivre, mais pas comme ça, pas ici...

Pour la punir, Eliott avait décidé, qu'elle ne passerait pas la nuit dans sa chambre. Deux colosses étaient venus la chercher pendant le monologue du superviseur. Ces deux mastodontes avaient fait frémir tout le tunnel en venant dans la chambre. Mackenzie en était presque bouche bée. Pourquoi autant de moyen pour une fille aussi frêle qu'elle ? A moins que tout ce qu'ils voulaient c'était lui faire peur. Mais Mackenzie ne craignait pas la mort. Elle-même disait parfois : « Je ne suis pas suicidaire, mais si quelqu'un venait à me viser avec une arme, je ne bougerais pas. »

Toute la sous-zone devait s'imaginer qu'elle était une endurcie des terres irradiées, trop puissante pour être maîtrisée par un seul homme. Et pourtant, c'était loin d'être le cas. La jolie brune aux yeux noisette avait bien un fort caractère, et un grand esprit combatif digne des plus grands stratèges, mais c'était tout. Son corps menu, la rendait certes agile et discrète, mais quiconque la connaissant n'enviait pas sa force.

Les deux gardes la ramenèrent dans les sous-sols et elle fut jetée dans une cellule totalement sombre. Rien n'illuminait la pièce, si ce n'est le faisceau de lumière du couloir qui pénétrait par la petite fenêtre de la porte. La pièce était sale et totalement vide. Il faisait froid et dans l'air stagnait un mélange d'urine et de sang. Elle allait devoir rester là quelques jours, avec pour seule compagnie sa voix intérieure.

Même dans le monde extérieur, elle n'avait connu pareille humiliation. Les clandestins, représentés comme des sauvages, avaient plus d'humanité que le personnel de Rebirth. Elle se demandait d'ailleurs si dans toutes les sous-zones du continent, les valeurs étaient identiques. Cette entreprise était une ironie totale. Elle se demandait réellement quel profit pouvait-elle tirer, étant donné que l'argent n'avait plus aucune valeur. Sans doute avaient-ils un train de vie agréable loin de la société qu'ils dirigeaient.

Le monde qui devait se reconstruire, ne faisait que s'enterrer dans les profondeurs, laissant la marée de sang rouge peindre les terres desséchées.

Si la fierté des grands de ce monde s'était éteinte après un certain temps, il aurait été compliqué, mais pas impossible, de reconstruire quelque chose. Mackenzie, avait souvent rêvé d'un monde où la reconstruction serait le mot d'ordre et où la paix serait victorieuse. Mais c'était bien qu'un simple rêve. Mackenzie était trop jeune pour savoir ce qui avait déclenché l'apocalypse. Pourquoi l'humanité avait décidé de faire de sa vie un combat ? Pourquoi, malgré la descente en enfer, personne n'a su s'arrêter ?

C'était comme un de ses mouvements de foule, où chacun se dit que son voisin va peut-être le faire à sa place. Et, comme une boucle macabre, tout le monde attend son voisin.

L'humain était au cœur de la bataille, mais il y avait tout de même des dommages collatéraux. L'environnement, les animaux, toute la faune et la flore avaient fini par se présider toutes seules. Nous aurions même pu croire qu'un second souffle pour les autres espèces avait vu le jour, et pourtant, le tableau ne fut pas si beau. La pollution, la production et la consommation en masse avaient détruit les terres sauvages, avaient anéanti les écosystèmes, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.

Du moins, en Europe.

Personne ne savait si c'était identique dans les autres continents. Les communications ne passaient pas, et jamais nous nous étions sentis aussi seuls.

Mackenzie n'était finalement que le reflet d'une population apeurée et indisciplinée.


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L'Or rouge [Terminé - En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant