Chapitre 10 : Les prémisses de la liberté

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A son réveil, l'horrible visage d'Eliott lui fit face. Il n'était pas un très vieil homme, sûrement la trentaine d'année presque dans la quarantaine. Il avait un certain charme habillé en costume noir, mais il la dégoûtait. Lorsqu'il vit la jeune fille ouvrir les yeux, il prit la parole :

« Alors comme ça, tu sors de ta plateforme et en plus tu fais un malaise ? Je ne l'aurais jamais cru. On m'avait annoncé ta venue comme celle d'un chien enragé. Tu aurais soi-disant, lors de ta capture, mordu et désarmé tous les Passeurs sur place. J'en étais bouche bée... Je fini par avoir du mal à y croire. Je suis déçu, à part te plaindre et geindre, tu ne fais rien de plus ?

– Qu'est-ce que vous voulez ? demanda-t-elle en s'asseyant sur le lit, la tête encore étourdie.

– T'es trop fragile. On dépense plus pour te nourrir et te loger, que ce que tu nous rapportes.

– Et pourquoi vous ne me remettriez pas dehors dans ce cas ?

– Très drôle ! Quand tu sortiras d'ici ce sera les pieds devant ou pour rejoindre la guerre. Tu sais, dit-il, tu t'offusque de tout mais la vie a toujours une part de beauté dans ses événements, il suffit juste d'ouvrir les yeux. Ici, ce n'est pas la misère, vous êtes logés et nourris. Tu devrais au contraire être heureuse de retrouver de la nourriture dans ton assiette tous les jours et ce, peu importe les efforts fournis. »

Il la fixa. Il s'était rapproché d'elle et voulait observer son expression. Mais elle était restée neutre, ce qui le désorienta un instant. En ce moment d'inattention, elle lui cracha à la figure. Immédiatement, il la saisit par la gorge et lui bloqua la tête contre le mur. Une sale habitude ces derniers temps. La demoiselle fronça des sourcils sous le choc, et lui se nettoya le visage de l'autre main, avant de répondre d'un ton agacé :

« Me cherche pas trop, ou le nouveau monstre à qui tu auras à faire, ce sera moi. C'est vrai que ton petit côté arrogant est excitant. Je comprends qu'on est envie d'aller plus loin avec toi, mais ne te presses pas, dans notre cas on aura tout le temps pour ça. »

Il lâcha son étreinte et se dirigea vers la porte, d'un pas de vainqueur.

« Je te laisse te reposer, reprit-il, si j'entends encore parler de toi, je m'en occuperai personnellement. T'as de la chance que tes jours de travaux soient productifs, sinon on t'aurait déjà jeté au loup. »

Il quitta la pièce en claquant la porte. Elle voulait tenir tête à cet homme qui la répugnait de plus en plus, mais il fallait qu'elle arrive à disparaître dans la foule, si elle voulait pouvoir réussir à partir d'ici.

Elle en profita pour se rendormir et essayer de récupérer le sommeil perdu. Quand tout le monde fut appelé pour le repas du soir, elle ne se réveilla même pas. Ce n'était pas une obligation, et personne ne l'attendait là-bas.

Le lendemain, elle ne négligea pas le petit déjeuner qui lui avait été apporté. Le pot de yaourt et le morceau de pain semblèrent insignifiants, mais elle devait s'en contenter.

Elle se prépara, puis se dirigea de nouveau vers la navette, direction les champs.

Elle n'avait toujours pas pu voir Hayden depuis leur dispute et cela l'attristait vraiment. Le soir il allait rarement manger à la cantine avec tous les autres, de toute façon il avait toujours des points d'avance pour un repas supplémentaire, s'il le désirait, et le matin il était déjà parti quand elle se réveillait.

Arrivée sur son lieu de travail, elle était décidée à prendre le risque, il fallait juste qu'elle retrouve le grand blond qui lui avait parlé. Malheureusement, il devait avoir changé de semaine, puisqu'elle ne le trouvait nulle part dans le champ. En revanche, elle aperçue une silhouette qu'elle connaissait bien. C'était Léana, et celle-ci se dirigeait vers elle, tout sourire.

« Salut Mack, je suis contente de te voir ici. J'ai pas eu l'occasion de m'excuser pour la dernière fois, alors voilà, je m'excuse.

– C'est rien, c'est pas vraiment ta faute, répondit la concernée. Dis-moi, que fais-tu ici ? Tu n'es plus dans le groupe des domestiques ?

– Non ça y est, je suis rétablie donc je reprends le travail. De toute façon le ménage ça commençait à me soûler. »

Elles sourirent toutes les deux puis se remirent au travail. D'autres actifs continuaient d'arriver, et l'activité globale, pour l'instant, dissipait les gardes. Elles ne voulaient pas se faire prendre une nouvelle fois, alors elles s'installèrent rapidement à leur plateforme respective, avant que le calme, des travailleurs à la tâche, ne s'installe. Mackenzie aurait pu prévenir Léana de la tentative d'évasion qui se préparait, mais elle la connaissait à peine. Et puis, en repensant à ce que lui avait dit Hayden, peut être que la liberté ne l'intéressait pas à elle non plus.

Le soir, elle rentra dans sa chambre. Hayden lisait encore un livre, allongé sur son lit. Il ne regarda pas en sa direction lorsqu'elle entra. Ils semblaient être devenus des inconnus.

Après un certain temps de silence, il ferma le bouquin et se tourna vers elle :

« Mack, je voulais m'excuser pour la dernière fois. J'apprécie que tu ais voulu me mettre dans la confidence et je n'aurais pas dû te parler de la sorte. »

Elle se tourna vers lui. Il était sincère.

Soulagée, elle vint s'asseoir à ses côtés et répondit, le regard droit devant elle :

« J'ai bien réfléchi et je crois que tu as raison. Depuis que je suis ici, tout m'indigne parce que rien ne correspond aux normes que j'ai toujours suivi. Cela dit, peut-être que je finirais par m'habituer, comme vous tous. Après tout, quand ça devient monnaie courante, plus rien n'a vraiment de gravité apparemment. »

Sa remarque sembla provocatrice, mais elle se reprit et continua :

« Ce que je veux dire, c'est que même si toi, tu acceptes tout ça, ça ne veut pas dire que les gens ne ressentent rien lorsqu'ils vivent quelque chose d'horrible. Dans ma vie, j'ai toujours fait des choix sans regrets, et je ne veux pas commencer à en avoir aujourd'hui. Ta façon de penser est légitime, mais comme tu le dis si bien, tout le monde ne pense pas de la même manière. Pour toi, la vie à plus de valeur que la liberté, mais pour moi une vie sans liberté n'en est pas une. Alors oui, je préfère mourir libre que vivre en captivité. »

A ces mots elle se tourna vers lui. C'était presque un adieu. Hayden se rapprocha et la prit dans ses bras avant de lui lancer :

« Je suis tellement désolé... J'ai juste peur de te voir périr avec autant de conviction. Je te vois gesticuler dans tous les sens, et cela me donne l'impression que le destin n'en sera que plus cruel. Tu es libre, Mack, tu es d'ailleurs la seule à sembler l'être ici. »

Il fit échapper un sourire et continua, tout en relâchant son étreinte :

« Fais ce qui te tiens à cœur, mais ne prend pas de risques inutiles. »

A ces mots, il laissa son regard sur le sien. Leur visage était si proche que Mackenzie pouvait sentir son souffle.

« Vient avec moi, chuchota-t-elle, à l'extérieur je pourrais t'aider à t'en sortir comme tu m'aide ici.

– Je ne peux pas Mack, je ne me vois pas faire ma vie ailleurs.

– Je ne veux pas partir sans toi. »

Sa plainte résonna un moment dans la pièce comme le désir d'un enfant-roi. Son égoïsme sonna dans la tête de la demoiselle, comme une douloureuse migraine. Elle soupira.

« Je ne te forcerais pas, continua-t-elle, mais sache que tu peux changer d'avis à tout moment. Personne ne te jugera pour ça, et je serais heureuse de pouvoir t'aider. »

Il lui sourit et l'embrassa sur le front. La soirée s'arrêta là pour laisser place aux journées suivantes. Des journées qui allaient être bien mouvementées à partir de maintenant.


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L'Or rouge [Terminé - En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant