Chapitre 37 : La mallette de pacotille

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Mackenzie avait cherché une bonne heure, avant de finalement mettre la main sur la fameuse mallette. Maintenant qu'elle l'avait en sa possession, elle devait se dépêcher de se rendre au lieu de rendez-vous. Elle ne pouvait pas manquer l'occasion, et ne devait pas ternir l'image de l'escouade auprès d'acheteurs potentiels du marché noir.

Car oui, elle savait très bien que cette transaction venait de là. Après tout, l'escouade ne revendait rien en dehors du marché illégal, depuis qu'ils avaient réussi à y pénétrer. Les prix étaient bien plus intéressants et les clients fortunés plus nombreux. Auparavant, l'escouade se contentait de revendre ses trouvailles à des prospecteurs ou des marchands ambulants. Ces derniers prenaient tellement de risque à faire déambuler la marchandise aux quatre coins du pays, qu'ils ne payaient presque plus les vendeurs, afin d'avoir une plus grande marge, une fois auprès de l'acheteur.

Mackenzie s'était donc précipitée, en plein milieu de la nuit, dans la forêt. Le portillon qu'elle devait atteindre ne se trouvait pas très loin, et était assez caché des rôdeurs en tout genre. Pour autant, tout n'allait pas être aussi simple. La nuit, les bêtes nocturnes s'afféraient à la chasse, et le chemin qu'elle allait emprunter était régulièrement utilisé par celles-ci.

Sans trop attendre, le corps tendu par le froid, elle s'engagea dans un petit sentier de terre qui s'approchait près des flancs d'une montagne. Mackenzie ne courrait plus, afin de pouvoir entendre tout ce qu'il se passait aux alentours. Elle avait pris une arme avec elle, lorsqu'elle était allée reposer le livre d'Hayden. C'était un pied-de-biche. Léger, efficace. Il lui avait servi plusieurs fois, soit pour ouvrir des ouvertures fermées, soit pour se défendre.

Mackenzie s'arrêta net. Elle entendait des râles grotesques aux alentours. Elle tenta de ralentir son souffle et de chercher la provenance du bruit. Un bruit qu'elle reconnaissait bien. C'était celui d'un sanglier à crevasse. Une bête, qui après avoir muté, avait acquis la taille d'un ours. Elle se déplaçait toujours en meute, la peau blessée par ses attaques constantes. C'était de redoutables animaux, qui chassaient la nuit et n'hésitait pas à foncer sur tout ce qui bougeait.

La demoiselle tenta de se calmer. Elle n'avait pourtant pas de temps à perdre, mais elle avait pris l'habitude d'agir avec sûreté. Les râles semblant provenir de sa gauche, elle décida de partir vers la droite, quitte à allonger son parcours. Elle perdrait sûrement plusieurs minutes à contourner la meute, mais c'était essentiel. Ces animaux couraient si vite, qu'elle ne pourrait tous les abattre d'un coup de son arme rouillée. Ce n'était même pas sûr d'ailleurs, qu'elle réussisse à en blesser un réellement. Leur peau était si épaisse que même une balle de revolver pénétrait difficilement.

Quand les bruits se firent plus lointain, elle reprit sa marche effrénée. Contournant les bêtes, elle arriva finalement à l'opposer d'où elle devait arriver dix minutes plus tôt. Au loin, elle vit trois grandes silhouettes attendant près du portillon. Quand elle arriva à leur hauteur, elle comprit immédiatement qui ils étaient. Il y avait une femme d'une quarantaine d'année, chignon relevé et robe délavée, accompagnée de deux hommes habillés en costard à rayures.

C'était étrange, mais tout le monde était libre de faire ce qu'il voulait, même se pavaner comme des riches d'époque.

« Où est Kahésar ? demanda, sourcils baissés, la femme du groupe.

– Il m'a chargé de vous livrer la mallette.

– Passez-là moi, je vérifie d'abord que tout y est, et ensuite, je vous donne le revolver. »

La demoiselle s'exécuta, tendant la mallette à la concernée. Si cette femme décidait de partir avec la marchandise, Mackenzie aurait du mal à leur tenir tête à eux trois, mais elle ne pouvait faire autrement.

Les yeux rivés sur la quadragénaire, Mackenzie ne put s'empêcher de détourner le regard vers l'un des hommes. Il semblait assez jeune et indiscipliné. Le regard qu'il portait sur la jeune fille la rendit mal à l'aise assez rapidement. Il passait sa langue sur ses lèvres, parfois en mordant celle du bas, et dévisageait la demoiselle de la tête aux pieds. Elle crut voir en lui, cet homme dégoutant, qui lui avait forcé à nettoyer son bureau dans les souterrains.

Mackenzie ravala sa salive, tentant de penser à autre chose, et se concentrer à nouveau dans la transaction actuelle. La femme ferma la mallette, concluant que tout était en ordre et tendit à son tour une petite valise. Mackenzie l'ouvrit et vérifia rapidement que les balles et le revolver étaient bien présent.

« Vous remercierez Kahésar pour nous, reprit la dame, ça a été un plaisir de marchander avec lui. Si jamais votre petit groupe de mercenaire trouve quelque chose en lien avec la cuisine, nous serions ravis de vous les échanger contre des choses dont nous n'avons plus d'utilité.

– Très bien, je lui dirais, répondit Mackenzie.

– Dites-lui également, reprit la dame, d'un ton plus enjolivé, qu'il peut venir chez nous quand il le veut. Le restaurant Rouge-gorge sera ravie de servir un homme comme lui. Il peut même venir accompagné, on vous fera un prix d'ami.

– Un restaurant ? Ça explique pour la mallette. Est-ce rentable, au vu de la situation des terres sauvages ?

– Vous seriez surprise, dit le plus vieil homme.

– Notre plat principal plaît beaucoup, renchérit la femme, amusée. Il y en a qui sont prêts à se ruiner pour le goûter. Vous devriez penser à venir. Kahésar sait où nous trouver.

– C'est noté. »

Ils repartirent, sans un mot, sourire aux lèvres. Quels étranges personnages. Ils ne paraissaient pas violents, et leur restaurant semblait apporter un peu de beauté au monde insipide actuel. Etrangement, cette rencontre avait amusé Mackenzie, si elle laissait de côté le regard maladroit, qu'avez posé le jeune homme sur elle.

Le chemin du retour fut plus calme. Elle avait par précaution, contourné l'endroit où elle avait entendu les sangliers à crevasse, un peu plus tôt. Elle arriva donc sans encombre. Kahésar l'attendait près des escaliers à l'entrée.

« Alors ? avait-il demandé.

– Tout est bon ! »

Mackenzie lui tendit la petite valise contenant le revolver. Il ne lui appartiendrait pas encore.

« Je le garderais au chaud, dit Kahésar.

– J'espère bien », dit-elle en passant près de lui pour prendre les escaliers.

« Au fait, reprit-elle en continuant sa montée, ils seraient ravis de t'avoir à leur restaurant. Ils ont même dit qu'ils te feraient un prix d'ami. »

Elle s'arrêta sur une marche et se tourna vers lui :

« Tu pourrais d'ailleurs penser à inviter ton escouade à un repas luxueux, s'amusa-t-elle, je suis sûr que tout le monde serait content.

– Ouai, dit-il en se tournant vers elle, je ne doute pas que vous apprécierait leur spécialité à base de viande humaine. »

Mackenzie fronça les sourcils. Son sourire était retombé aussitôt. Kahésar, n'avait laissé passer aucune pointe d'humour dans sa voix. Il était sérieux. L'homme monta les marches de l'escalier, et s'arrêta à sa hauteur, lui chuchotant :

« Je suis soulagé qu'ils ne se soient pas jetés sur toi. J'ai appris qu'ils aimaient particulièrement la viande de mercenaire. »

Aucun doute, il était très sérieux.

Quand elle y repensa, Kahésar n'était pas le genre à déléguer ses missions, sauf s'il savait qu'un risque inutile existait. Elle aurait dû se douter de quelque chose, lorsqu'il lui avait laissé la livraison de la mallette, sans aucune réticence.

Mackenzie déglutit. Le jeune homme qui l'avait dévisagé, un peu plus tôt,  près du portillon, avait à présent un autre visage. 


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L'Or rouge [Terminé - En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant