Chapitre 18 : Des loups dans la bergerie

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Le garde l'avait donc amené dans une pièce toute blanche, composée uniquement d'une table et de deux chaises. Mackenzie pris place sur la chaise que le garde lui désigna, c'est-à-dire celle qui se trouvait face à la porte derrière la table, et il resta debout dans un des coins, les yeux rivés sur la demoiselle.

La porte s'ouvrit quelques instants plus tard, et contre toute attente, c'est Eliott qui entra, seul.

« Je vais faire vite, dit-il, avant que tu ne fasses une bourde monumentale. »

Il posa ses mains sur la table, bras tendus, sans s'asseoir, afin d'être au plus proche de la jeune fille.

« Tu es l'actif le plus sanctionné de toute la sous-zone et tu vas avoir l'immense honneur de rencontrer le Directeur en personne. Garde ton caractère bien au chaud dans ta poche, ou il risque de ne pas te faire de cadeau, ni à moi d'ailleurs. J'ai été clément avec toi tout ce temps, ne me fous pas dans la merde. »

A ces mots, il s'en alla, laissant seule Mackenzie. Il ne contrôlait rien, et elle avait pu ressentir de la peur dans ces yeux.

Elle soupira, incapable de savoir comment sortir indemne de cette situation. Elle zieuta aux alentours, attendant patiemment son jugement. La pièce était bien blanche du sol au plafond, seul la table et ses chaises contrastaient avec cette pureté, sans parler du garde, grand et barbu.

Le silence semblait obligatoire, et ce n'est pas l'homme qui la surveillait qui allait dire le contraire. Elle s'adossa à sa chaise, sans manquer encore une fois de soupirer. Cette pièce semblait tellement contrastée avec toutes celles des souterrains. En arrivant ici, les couloirs sombres avaient laissé place à des couloirs blanc, immaculés, aux murs ornés de vitres laissant traverser toute la lumière d'une part et d'autre.

Derrière les différentes vitres des portes ou fenêtres intérieures, elle avait pu voir des petits bureaux, des salles de repos très simples, et des coins cafétéria.

Ces pièces blanches faisaient la séparation entre la partie des actifs et celle du personnel. C'était comme un sas de purgation entre les supérieurs et la plèbe. Cet endroit servait surtout aux gardes qui, parce qu'ils passaient la plupart du temps avec les actifs, n'étaient pas digne de se trouver dans l'autre partie, celle réservé au personnel dit supérieur.

Un homme en costard arriva dans la pièce, sortant la jeune fille de ses pensées. Le bruit strident qu'avait fait la porte avait fait monter l'angoisse dans le dos de la demoiselle.

Il prit place sur la chaise devant elle sans dire un mot, laissant de nouveau le silence s'installer. Son expression était neutre, semblant juger la jolie brune. Il demanda au garde d'attendre à l'extérieur, puis se tourna de nouveau vers la demoiselle.

« Eh bien, commença-t-il, je m'attendais à quelqu'un de plus... turbulant. Du genre, qui ne sait pas se tenir sur sa chaise.

Elle le jaugea, tout comme il l'avait observé. C'était un homme d'une trentaine d'année, sûrement de la même génération qu'Eliott. Son costume semblait pourtant de meilleure qualité. Il émanait de lui une aura de prédominance. Ses cheveux noirs tirés en arrière, avec quelques mèches rebelles vers l'avant, et le dos bien droit, lui donnaient indéniablement le charisme de son statut.

« On m'a annoncé que malgré les sanctions, ton comportement était toujours aussi perturbateur. C'est fascinant de pagayer sans relâche à contre-courant, et cela, tout en sachant que rien n'avancera. Enfin, passons. Pourquoi avoir pris ce collier ? Une fâcheuse habitude obtenue dans les terres extérieures ?

– Je n'ai rien pris du tout, dit-elle aussi calmement que lui, quelqu'un l'a mis dans ma chambre.

– Je vois. Des ennemis donc ? Je ne suis même pas étonné. »

Elle ne répondit rien, ne sachant pas à quoi s'attendre. Le silence devenait pesant, mais à cet instant, il était son seul allié.

L'homme soupira, puis croisa ses bras sur son torse.

« Ce collier n'a aucune valeur ici. Cela me donne presque envie de croire ta version, mais il me semble que tu es de corvée d'empaquetage des marchandises cette semaine. Ce qui me laisse croire, que quelqu'un dans les terres sauvages en aurait une utilité bien plus importante, et que tu aurais pensé à le lui livrer. Ce n'est pas comme si tu manquais de contact avec l'extérieur après tout. »

Il était surprenant. Il avait bien révisé son cas et semblait avoir réponse à tout. Pour autant, elle ne dit toujours rien et il reprit en décroisant ses bras, et s'inclinant légèrement vers elle, pour capter de plus belle son attention :

« Ce collier appartient à la défunte femme d'un Superviseur, tu peux donc comprendre que ton acte n'est pas si futile que ça, pour nous.

– Je n'ai rien fait du tout. Vous devriez plutôt surveiller vos arrières. Pour l'instant ce n'est qu'un vol, mais qui sait ce qu'ils préparent d'autre pour vous atteindre. »

Mackenzie bluffait. Cet homme dirigeait la conversation et la maîtrisait avec un naturel invulnérable, elle n'avait donc aucune chance de s'en sortir, si ce n'est de lui faire changer de cible. Elle voulait qu'il se concentre sur autre chose que sur elle.

« De qui est-ce que tu parles ? »

Il chancela intérieurement, plissant les yeux pour se concentrer. Elle venait de trouver une ouverture, qui le fragilisa.

« Ceux qui ont voulu me faire tomber, répondit-elle, je suis sûr qu'ils préparent un autre coup pour vous toucher. Quelque chose de bien plus grand.

– Qu'est-ce qui te fait penser ça ?

– J'ai juste entendu dire qu'un groupe réfléchissait à un moyen de vous anéantir de l'intérieur. »

Cela ne les retiendrait pas longtemps, mais assez pour qu'elle soit tranquille un moment, et qu'elle enquête elle-même sur la personne qui l'avait vendue. Le Directeur n'aimait pas ce jeu du chat et de la souris. Son visage s'était crispé, essayant de voir si elle lui disait bien toute la vérité.

Malgré son impassibilité, le regard qu'il dégageait, froid, pensif, laissait paraître une crainte. Il avait peur de réitéré l'histoire de l'année dernière, peur de baigner dans un scandale une seconde fois.

« Ce n'est pas un jeu ici, reprit-il. Si tu as plus d'informations, donnes les moi et tu seras récompensée.

– Je n'ai rien de plus. »

Elle hésita.

Elle jouait à un jeu dangereux. Lancer une rumeur en plein devant un Directeur méfiant, pouvait l'entraîner à sa perte. Ce n'était pas solide, et il finirait par apprendre qu'elle avait tout inventé, mais peut-être que cela les éloignerait d'elle assez longtemps.

« Bien, terminons-en là. Nous avons récupéré le collier, donc l'affaire est close. Conforme-toi à la vie en société, et tout se passera bien, je ne te donnerais pas de seconde chance. Si j'entends encore parler de toi, sache que la porte vers le monde extérieur est grande ouverte.

– Qu'est-ce que cela signifie ? demanda-t-elle, confuse.

– Je te laisse le choix : soit tu te fais discrète jusqu'à la fin de ton séjour, soit tu pars. Je ne veux pas de souris au milieu des éléphants »

Elle resta muette. Ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait cette comparaison.

L'homme se leva et se dirigea vers la porte avant de reprendre :

« Cependant, la liberté à un prix. Si tu décides de partir... tu as intérêt à courir. »

Et dans un claquement de porte, des frissons parcoururent tout son corps. Il n'avait pas crié et n'avait pas été insultant, mais son imposante carrure et son ton dominateur lui glaça le sang.

Elle n'en doutait pas : c'était bien une menace. Elle venait d'entrer dans son échiquier et nul doute qu'il l'éjecterait au moindre faux pas.

Le garde entra dans la salle et la ramena jusqu'à sa chambre. Cette rencontre la perturba, mais il fallait qu'elle se concentre sur sa prochaine enquête. Il fallait qu'elle découvre ceux qui lui voulaient du mal, avant qu'ils n'y arrivent.


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L'Or rouge [Terminé - En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant