Chapitre 10

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Les sourcils froncés, Théo reposa son téléphone sur la table basse et leva les yeux vers Lyly qui n'osait pas rencontrer son regard. Il s'avança davantage de la concernée, leurs genoux se touchant désormais et chercha un instant les mots adéquates à employer.

— C'est de toi dont parle cet article ? Je veux dire... de toi et ta mère ?

Lyly acquiesça, les yeux rivés sur ses mains.

— Et tu en penses quoi ?

— Que c'est vrai, Théo.

Le jeune homme observa les doigts de Lyly s'entremêler les uns aux autres. Elle était stressée, anxieuse. Mais il n'avait pas le choix, il avait le devoir de poser des questions, de chercher à comprendre. Pour lui. Pour elle.

— Pourquoi quelqu'un souhaiterait vous faire du mal ? Qu'est-ce que vous avez bien pu faire pour être poursuivi par un malade de ce type ?

Lyly soupira et releva les yeux vers Théo.

— Ma mère est sortie avec une sorte d'homme d'affaires. Il avait des contacts un peu partout, peu importe la ville dans laquelle on allait se balader, il connaissait toujours du monde... Personnellement je ne l'aimais pas trop, je ne me suis jamais vraiment remise de la séparation de mes parents, alors voir ma mère avec un autre homme que mon père...

— Ce serait lui derrière tout ça ?

Lyly acquiesça.

— Quand on a remarqué qu'il avait des contacts bien plus louches que ce qu'on pensait et qu'il avait un comportement parfois malsain, ma mère a voulu rompre avec lui. Mais il n'était pas du même avis. Il l'a mal pris et a essayé de garder ma mère près de lui. Elle s'arrêta. Sachant très bien qu'elle ne pourrait pas le fuir aussi facilement, elle a attendu quelques semaines, et lorsqu'il est parti pour un rendez-vous d'affaires, on a fait nos valises et on est parties.

— Il l'a pris comment ?

Elle soupira.

— Mal... Il n'a pas cessé d'appeler ma mère. Lorsqu'elle en a eu assez de voir son téléphone sonner, elle a répondu. Il s'est énervé, lui a fait comprendre que ça n'allait pas se passer comme ça, qu'on n'avait pas le droit de le fuir comme ça, qu'il avait tout fait pour nous. Puisque ma mère a cessé de lui répondre, il a commencé à téléphoner sur mon portable. On a changé de numéros une première fois, mais il est parvenu à les retrouver, alors il a continué de nous appeler.

— Donc c'est pour ça que tu as jeté ton téléphone en cours ?

— Oui... Je ne sais pas ce qui m'a pris... En fait, je voulais juste que ça cesse, qu'il nous foute la paix, mais ma réaction n'a servi à rien, j'ai réagi sous le coup de la colère, c'était une erreur.

— Et cet incendie ?

— C'est lui qui l'a provoqué, cracha-t-elle, le visage fermé, débordant de haine.

— Comment tu le sais ? Tu l'as vu ?

— Théo... soupira-t-elle.

— Je ne doute pas de toi, Lyly... Je veux juste en savoir plus, savoir ce qui te fait dire que c'est lui le coupable.

— Pendant plusieurs semaines il m'a appelé en numéro masqué, Théo. Il m'appelait toujours à deux reprises et arrêtait, jusqu'au lendemain, où il reproduisait exactement la même chose. Il m'appelait deux fois et raccrochait. Encore et toujours. Un soir, j'étais à cran. Je me sentais mal et il a appelé. J'ai littéralement perdu pied et j'ai répondu. Bien évidemment, c'était lui au bout du fil. Il a demandé à parler à ma mère, mais je l'ai envoyé balader. Je lui ai craché toute la vérité en pleine figure, j'ai ressorti toute la haine que je ressentais envers lui, envers le monde entier, et je l'ai insulté. Bordel je sais que je n'aurais pas dû, mais j'étais vraiment à cran...

— Lyly, la coupa Théo en glissant ses mains dans les siennes. Il y avait de quoi, tout le monde n'aurait pas gardé son calme aussi longtemps que toi.

La jeune femme acquiesça lentement la tête, à peine convaincue.

— Et j'ai fait une bourde, reprit-elle, le visage baissé. Avant de raccrocher j'ai sorti le nom de l'hôtel où on logeait... Je ne sais pas pourquoi, c'est sorti comme ça, et je ne m'en suis rendue compte qu'une fois raccrochée... J'ai été voir ma mère, toute paniquée, et je lui ai dit l'erreur que j'avais faite. Elle s'est levée de son lit et on a commencé à faire nos valises, vers trois heures du matin. Et vers quatre heures, alors que tout le monde dormait, on a voulu enfiler notre manteau pour partir lorsque l'on a senti une odeur de brûlé. Ma mère m'a lancé un regard effrayé et s'est jetée sur la porte de la chambre. Le couloir était en feu, l'hôtel était littéralement en flammes. J'ai sauté sur mon téléphone, j'ai appelé les pompiers et m'a mère a hurlé dans le couloir pour réveiller le plus de personnes possible. Heureusement, ou malheureusement... les pompiers nous ont fait sortir et il n'y a eu aucun mort, seulement quelques blessés...

Théo avança son torse vers la jeune femme et celle-ci se laissa aller dans ses bras musclés, posant sa tête sur son épaule gauche. Sentant monter la colère en lui, Théo tenta de garder son calme et lui caressa lentement le dos.

— Et tout ça continue...

— Toujours... J'ai eu beau changer de numéro de téléphone avant d'arriver ici, il l'a retrouvé et continue de m'appeler.

— C'est pour ça que tu es venue habiter chez Ashley ?

Elle hocha la tête verticalement.

— Et ta mère, qu'est-ce qu'elle fait ? Pourquoi elle n'est pas avec vous ?

Apercevant l'heure sur l'horloge murale du salon, Lyly se décolla doucement du torse de Théo, se redressa sur ses jambes et jeta un œil à son téléphone. Ashley n'avait pas appelé, c'était bon signe. Théo se releva à son tour.

— Je vais y aller, si Ashley se réveille et passe dans ma chambre...

— Je te raccompagne.

— Non... J'ai besoin d'être seule.

Le jeune homme la fixa, la mâchoire contractée.

— Tu crois vraiment que je vais te laisser traverser le centre-ville seule, à trois heures du matin, en sachant très bien qu'un malade peut très bien être dans le coin, à ta recherche ?

Lyly rattacha ses cheveux, attrapa au passage sa bouteille d'eau posée sur un meuble, et se dirigea vers la porte d'entrée. Théo la suivit et celle-ci se retourna de nouveau afin de lui faire face, le regard fatigué.

— Merci pour le footing, Théo. Ça m'a fait du bien.

— Tu es sûre de vouloir rentrer seule ? insista-t-il. Je...

— Je ne t'ai pas raconté tout ça pour que tu aies peur pour moi, le coupa-t-elle doucement. Tu voulais en savoir plus sur moi et...

— Et je t'en remercie, la coupa-t-il à son tour.

Lyly lui adressa un sourire emprunt de timidité.

— Bonne nuit, termina-t-elle en tournant les talons.

La jeune femme ouvrit et passa le seuil de la porte, le regard de Théo lui brûlant le dos, et disparut dans l'obscurité de la nuit, sous les quelques lumières artificielles des réverbères.

L'inclémence - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant