Le lendemain midi, après le repas, Lyly accompagna Antoine à la cafétéria pour qu'il puisse s'acheter un café. Tous deux prirent ensuite place sur des chaises dans le hall du bâtiment, celui le plus fréquenté à cette heure-ci. Alors que Lyly observait les étudiants à quelques mètres d'eux, Antoine se pencha vers son sac à dos et en sortit deux papiers carrés.
— J'ai acheté deux places pour le film dont tu m'as parlé il y a quelques jours.
Lyly resta immobile, surprise.
— Tu veux m'accompagner ? Je me suis dit que ça pourrait être cool.
Ce n'est pas qu'elle ne voulait pas aller au cinéma, loin de là, elle avait terriblement envie d'aller voir ce film, mais pas avec Antoine, pas avec le garçon qui semblait avoir des sentiments pour elle. Pas avec celui qui l'avait embrassé...
— Si c'est l'heure qui t'inquiète il y a aucun soucis, c'est à vingt heures ce soir, on aura largement fini les cours ! On pourrait même aller boire un verre avant et...
— Antoine, le coupa-t-elle le plus gentiment possible afin de ne pas le blesser. Antoine, c'est vraiment sympa de ta part, ça me touche. Mais... Elle soupira. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus entre toi et moi...
Antoine s'esclaffa.
— Non mais relax Lyly, c'est juste un film, je vais pas te demander en mariage dans la salle hein.
La jeune étudiante ricana nerveusement et alla tout compte fait s'acheter un thé à la menthe afin de couper court à la discussion. Elle aurait aimé voir ce film au cinéma, vraiment, mais qu'allait en penser Ashley ? Et Théo ? Surtout Théo... Regrettait-il tous ces gestes échangés ? Était-ce seulement pour l'amadouer ?
Lyly indiqua à l'employée de la cafétéria, celle aux cheveux bien courts, le thé qu'elle souhaitait et patienta un instant. Antoine était encore assis à la table, le café entre les mains. Bon sang, elle n'arrivait pas à lui dire clairement les choses, elle ne parvenait pas à aller droit au but avec lui. Pourquoi ne pouvait-elle pas lui lancer « je ne t'aime pas. On est simplement amis ». Pourquoi n'était-elle pas capable de prononcer ces quelques mots ? Étaient-ils si compliqués à dire ?
Lyly attrapa son gobelet bouillant et se précipita vers Antoine afin de le poser sur la table. Celui-ci s'esclaffa, une fois de plus. Elle lui jeta un vif regard, lassée de voir qu'il ne pouvait pas être sérieux à ses côtés, ne serait-ce que deux secondes, et ôta le couvercle en plastique qui recouvrait le gobelet.
Tous deux ne reparlèrent pas de cette soirée au cinéma, au plus grand bonheur de Lyly. Ou plutôt aurait-il fallu qu'ils en reparlent justement, question de mettre les choses au clair. Puisqu'à dix-neuf heures, alors que la jeune étudiante descendait les marches afin de rejoindre sa cousine pour manger un bout de sa quiche lorraine, la sonnette de la porte d'entrée sonna. Interloquée, la grande cousine alla ouvrir la porte et Lyly faillit louper une marche dans les escaliers en apercevant Antoine pénétrer dans le couloir. Les yeux écarquillés, elle interrogea sa cousine du regard et se retrouva rapidement seule avec lui.
— Si on part maintenant on arrivera en avance ! On pourra s'acheter des boissons et même du pop-corn. Trop cool, non ?
Ashley réapparut dans le couloir, une part de quiche fumante entre les mains.
— Vous allez où ?
— Au cinéma ! répondit Antoine, tout souriant.
— Oh.
La grande blonde adressa un sourire en coin à sa cousine et reporta son regard vers Antoine.
— Rentrez pas trop tard quand même, il y a cours demain.
— Justement, intervint Lyly, t'as raison, il y a cours. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de sortir ce soir et...
— Mais si, justement ! la coupa Ashley. Ça te permettra de te changer les idées. Fais-toi plaisir, amuse-toi, et ne rentre pas trop tard, c'est juste ce que je te demande. Et s'il y a un problème, appelle-moi directement.
Et c'est comme ça que Lyly se retrouva assise aux côtés d'Antoine dans une salle de cinéma presque vide, dans une totale obscurité. Quelle idée d'aller au cinéma un jeudi soir à vingt heures, bordel, pourquoi se retrouvait-elle ici, avec lui ?
La première heure du film se déroula calmement. Antoine n'intervint pas une seule fois pour commenter le film et Lyly pouffa même de rire à quelques moments comiques du film. Malheureusement elle termina bien trop vite sa cannette de soda et n'osa pas plonger sa main dans le pot de pop-corn d'Antoine. Avec la chance qu'elle avait, soit elle allait dévorer le pot entier alors que ce n'était pas le sien et allait mourir de honte après s'en être rendue compte, soit elle allait rencontrer la main du jeune homme dans le pot, et là, elle en était sûre, tout allait déraper.
Antoine avait beau être un gentil garçon, il était parfois, voire même trop souvent, collant envers elle. Elle ne connaissait que lui dans la classe, et cela lui allait, elle ne ressentait pas le besoin d'apprendre à connaître d'autres personnes, mais le fait qu'il soit autant derrière elle la lassait, parfois. Il ne semblait pas comprendre qu'elle ne lui devait absolument rien. Même s'il ne tentait que très rarement des approches un peu trop physiques au goût de Lyly, elle se sentait à tout moment observé voire mangé du regard, ce qu'elle n'appréciait pas vraiment venant de lui.
Antoine se leva et fila aux toilettes. Se sentant pour la première fois totalement détendue depuis le début du film, Lyly plongea sa main dans le pot et mangea quelques poignées de pop-corn avant qu'il ne reprenne place près d'elle. Celui-ci plongea à son tour sa main dans le pot et se concentra sur le film, silencieusement.
Malheureusement pour Lyly, comme dans la plupart des films, arriva la scène où les deux personnages principaux du film s'embrassèrent. Se sentant quelque peu gênée d'être assise aux côtés d'Antoine durant ce moment, Lyly colla ses jambes l'une contre l'autre et s'enfonça au fond de son siège. Lorsqu'elle vit la femme ôter sa robe, la jeune étudiante manqua d'exploser de honte et observa les alentours. Un couple au fond de la salle se mangeait littéralement les lèvres tandis qu'une jeune collégienne à quelques mètres d'eux passait sa main dans les cheveux de son compagnon. Lyly resta immobile, silencieuse, priant au plus profond d'elle que cette scène puisse rapidement prendre fin.
Pourtant, au plus grande désespoir de la jeune étudiante, l'homme fit glisser son pantalon. Lyly soupira. La scène n'allait pas durer des plombes, ce n'était pas possible, elle n'avait pas autant de poisse que ça, tout allait bientôt prendre fin. S'attendant à ce que la scène soit coupée, Lyly sentit subitement une main se poser sur sa cuisse. Son corps se crispa sous la caresse qu'elle ressentit sur sa peau et elle se tourna subitement vers Antoine, prête à exploser de colère.
— Retire ta main tout de suite, Antoine, ordonna-t-elle.
Malgré le timbre sec et sans équivoque qu'elle employa, le jeune homme ignora la remarque de Lyly et glissa rapidement sa main le long des cuisses de la jeune étudiante afin de remonter vers son entre-jambes, sans quitter l'écran des yeux. Furieuse, Lyly se redressa de son siège, claqua sa main sur le visage de son camarade de classe et tourna les talons, hors d'elle.
— Putain mais tu vas où là ! s'écria-t-il en se redressant à son tour.
— Tu me dégouttes ! cracha-t-elle avec fureur. Va te faire foutre !
Lyly passa la porte de la salle de cinéma les yeux rougis, les poings contactés et le cœur battant à vive allure dans sa poitrine. Prise de panique, elle tenta de contrôler sa respiration, s'élança dans les couloirs afin de trouver la sortie et se précipita à l'extérieur du bâtiment. Une fois sortie, elle s'élança le long des vitrines des bâtiments, le souffle coupé, et tenta de rejoindre la maison de sa cousine le plus rapidement possible.
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L'inclémence - Tome 1
RomansaÀ cause d'une grosse affaire familiale, Lyly doit rejoindre sa cousine dans une autre ville afin de laisser sa mère travailler avec son avocat pour tenter de faire enfermer Ludo, l'ancien beau-père de Lyly. Malheureusement, Lyly est non seulement pe...