Chapitre 17 - partie 2

291 13 14
                                    

Chris gara sa voiture sur le trottoir longeant une petite maisonnette, et chacun sortit de la voiture en silence. Lyly récupéra sa valise et tous deux passèrent le petit portail entrouvert avant d'avancer vers la porte d'entrée en bois. Le jardin n'avait pas grand chose d'extraordinaire. L'herbe venait visiblement d'être tondue, mais aucune fleur ne poussait, seule l'herbe bien verte était visible et semblait être entretenue.

Lorsque Chris passa la porte d'entrée, Lyly sentit une odeur de caramel lui remonter jusqu'au nez, et l'instant d'après, elle vit sa mère débouler d'un couloir, le sourire jusqu'aux oreilles.

— Lyly !

La jeune fille lâcha spontanément la poignée de sa valise et ouvrit ses bras avant de les refermer sur sa mère. Elle l'enlaça une bonne dizaine de secondes, avant de se voir le visage entouré des longs doigts manucurés de sa mère.

— Tout s'est bien passé ? Tu m'as manqué, ma chérie !

Le regard de sa mère lui avait manqué. Même si elle avait les yeux marrons, tant d'émotions s'en dégageaient, ce qu'elle n'avais jamais vu autre part que dans les yeux de sa mère.

— Ça a été. Toi aussi, tu m'as manqué. Je suis tellement contente d'être là !

Sa mère l'enlaça une seconde fois et se tourna vers Chris, la main de sa fille dans la  sienne.

— Merci d'être passée la chercher. Je n'aurais jamais pu finir mes gâteaux.

— Pas de problème, ça m'a fait plaisir.

Elle les invita à ôter leur veste et les deux jeunes prirent place sur la table du salon avant que la mère de Lyly n'apparaisse accompagnée d'un plat dans les mains, recouverts de biscuits au caramel.

— Mon dieu, mes préférés !

— Je sais, répondit la mère de Lyly, souriante. Je les ai fait exprès.

Lyly adressa un joli sourire à sa mère avant de fourrer l'un des biscuits encore chauds dans sa bouche. Chris, qui l'observait de sa place, explosa de rire et vint en prendre un également, sous le regard attendri d'Anne, la mère de Lyly. Leur amitié avait survécu. Elle avait survécu malgré tout.

Lyly avait fait part de son avis à sa mère quant au manque de fleurs dans le jardin. Sa mère avait en premier lieu rigolé, puis avait fini par avouer qu'elle n'avait pas le temps d'en planter et que ce n'était d'ailleurs même pas elle qui tondait la pelouse mais son voisin, qui l'aidait quand il en avait l'occasion, après le travail. Sa mère avait ensuite sorti trois transats et les avait installé à l'arrière de la maison, dans le jardin du côté cuisine, afin que tous trois y prennent place afin de discuter.

— Alors, Lyly, raconte-moi tout. Tu as des amis là-bas ? Ta cousine est gentille ? Je veux tout savoir.

— Il n'y a pas grand chose à dire, tu sais. J'ai fait la connaissance de quelques amis à Ashley dès les premiers jours. Et Ashley est vraiment très sympa. Elle est patiente et essaye de m'intégrer comme elle peut dans sa vie.

— Et les enseignants ?

Lyly tenta aussitôt de chasser Théo de sa tête.

— C'est comme partout. Il y en a des bons, qui cherchent vraiment à t'aider quand tu n'y arrives pas, et puis tu as les autres, qui à part faire régner la terreur, ne savent pas vraiment s'y prendre niveau enseignement.

— C'est clair que certains ne sont vraiment pas fait pour ça, intervint Chris, plongé dans le transat. A part te dégoutter des cours, ils ne font pas grand chose.

Anne hocha la tête, compréhensive.

— Et toi, maman ? Tout se passe bien ?

La concernée se releva aussitôt sur ses jambes, comme si de rien n'était, et observa la haie qui entourait le jardin. Lyly fixa sa mère, surprise, et jeta un regard à Chris, qui observait lui aussi la végétation du jardin.

— Maman...

— Tu veux aller faire un tour en ville ? demanda Chris, soudainement. Il faut absolument que tu voies la salle de jeux, elle est immense !

— Bah en fait je pensais rester avec ma...

— Chris a raison, la coupa Anne en se retournant vers sa fille, le visage sérieux. Tu devrais aller visiter quelques endroits pendant que je m'occupe de ta valise.

— Mais je voulais rester avec toi et...

— Lyly, on aura tout le temps de discuter, toi et moi. On prendra le temps qu'il faut, mais je pense que tu devrais suivre Chris. Il va te faire visiter la salle de jeux et peut-être que vous pourrez vous arrêter pour boire un verre quelque part. Vous avez sûrement plein de choses à vous raconter.

N'ayant même plus le courage de contredire sa mère, Lyly se leva de son transat en silence et retourna à l'intérieur afin d'aller chercher sa veste, suivit de près par Chris.

Les deux amis passèrent l'après-midi en ville, sous un très léger soleil qui parfois faisait naître de petits frissons sur le sommet de la peau de la jeune fille. Il était clair que la chaleur allait peu à peu laisser place au froid et aux degrés négatifs, mais Lyly n'était pas encore prête. Elle préférait la chaleur, la vraie, et par dessus tout sa saison préférée était l'été. Elle exécrait au plus profond d'elle l'hiver, et par dessus tout la neige.

Chris avait payé quelques parties dans la salle de jeux vidéos et tous deux s'étaient ensuite amusés à se balader dans la salle afin de regarder comment se débrouillaient les autres. La salle grouillait de joueurs, sûrement âgés entre treize et trente ans. Cela semblait l'endroit idéal pour que les jeunes puissent se rassembler et passer un bon moment. Chris semblait d'ailleurs bien connaître l'endroit, à la plus grande surprise de Lyly.

Lorsque l'après-midi avait touché à sa fin, Chris avait proposé à son amie d'aller boire un verre dans un ancien bar et tous deux s'étaient installés quelques minutes plus tard à une table à l'extérieur afin de déguster un cocktail sans alcool. C'est à ce moment qu'elle comprit que rien n'avait changé dans la vie de son ami. Ses parents ne se préoccupaient toujours pas de leur fils, travaillaient jusqu'à pas d'heure et donnaient de l'argent à Chris, croyant que cela allait compenser le manque d'affection qu'il pouvait ressentir vis àvis de ses parents. Il n'avait ni frère ni sœur, comme Lyly, et se sentait souvent seul, même s'il n'en parlait guère à personne.

Quant à ses occupations, lorsqu'il n'était pas au travail, puisqu'il avait quitté l'école assez tôt afin de se consacrer au monde du travail, il avait pris l'habitude d'aller se balader dans des parcs ou d'aller faire quelques parties dans des salles de jeux vidéos. Il avait aussi des amis, mais qu'il ne voyait que très peu, lui étant au travail, et eux à l'université. La jeune fille fut surprise d'apprendre que Julietta et Romain ne lui adressaient même plus la parole depuis qu'elle avait quitté la ville afin de rejoindre sa cousine. Même s'il tentait de faire croire le contraire, Lyly comprit assez rapidement que cela le touchait, mais qu'il ne souhaitait pas l'avouer, sachant très bien au fond de lui même qu'il ne pouvait rien faire pour changer les choses.

Plus jeune, Chris avait souffert de son gabarie et des moqueries de quelques uns de ses camarades. Mais avec les années, Lyly l'avait vu changer, se métamorphoser mentalement. Aujourd'hui il ne se tracassait plus de ses formes et de ses rondeurs, il n'en avait plus rien à faire. A l'aide d'un spécialiste il avait appris à aimer son enveloppe corporelle et il n'avait jamais été plus heureux qu'aujourd'hui, si l'on mettait de côté sa situation familiale.

Il déposa son amie chez sa mère un peu avant vingt heures, Anne l'invita à manger avec eux, et ce n'est qu'un peu avant minuit qu'il reprit la voiture afin de rentrer chez lui. Lyly n'aurait jamais imaginé pouvoir le revoir ici, et c'est avec une immense joie qu'elle se coucha le soir dans son lit, attendrie par la venue de son ami ici. Lyly tenta de passer outre ses pensées axées sur Théo, mais rien n'y faisait. Elle ne pouvait pas l'oublier, malgré sa venue chez sa mère. Elle était inévitablement liée à lui, elle n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien faire à ce instant même, et elle n'avait absolument aucun moyen pour le contacter. Il lui manquait.

L'inclémence - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant