𝟶𝟿. 𝙿𝙰𝚂𝚃 〣 𝙴𝚝𝚛𝚎𝚒𝚗𝚝𝚎

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Décembre.

L'ambiance qui régnait entre Yoongi et lui le peinait profondément. Cependant, en garçon discret qui n'aimait pas faire de vague qu'il était, Taehyung passa sous silence ce ressentiment. Même si son camarade s'était excusé, il lui avait plus ou moins faire comprendre qu'il n'était pas toujours avec lui de gaieté de cœur. Et Taehyung avait beau se dire que Yoongi avait lancé cela sous le coup de la colère, ses mots étaient restés gravé dans sa mémoire. Et ils refusaient d'en sortir. Il soupira et sortit ses affaires sur son bureau, attendant avec hâte que son dernier cours de la journée débute. 

– Alors, votre prestation, elle avance ?

Cette voix appartenait à Iseul. La fille qui collait Jungkook un peu partout. Alors Taehyung serra les dents : si elle était là, devant lui, il ne devait pas être loin. 

– Oui, répondit-il en un souffle.

Il avait ses doigts crispés sur son bureau, les yeux rivés sur le bois de ce dernier. Iseul ne bougea pas d'un poil. Il l'imaginait sourire à pleine dent, consciente qu'elle le mettait plus que mal à l'aise. 

– J'ai hâte de vous écouter tous les deux... La dernière fois que tu t'es produit devant nous, il y avait plus de fausses notes qu'autre chose, lâcha-t-elle d'un ton satisfait.

Il ferma les yeux, refoulant la peine et la colère qui montait soudainement en lui. Ne pas céder. Ne pas céder. Il avait beau se répéter ces mots en boucle, son cœur tambourinait à tout rompre, et ses joues étaient en feu. Bon sang. Il avait l'habitude de les ignorer. Alors pourquoi s'en formalisait-il aujourd'hui ? Trop tard, sa vue se brouilla, et les formes ingrates qu'il avait sous les yeux disparurent d'un seul coup.

– Tu m'écoutes au moins ?

Dans un élan de courage, il releva la tête vers Iseul, masse difforme sans saveur. Et planta ses yeux quelque part, dans ce qu'il distinguait comme son visage. Et elle éclata de rire.

– Ils sont trop bas, tes yeux. Là, tu matte juste mes seins.

Elle mentait, il le savait, mais sur le coup, il se sentit honteux. Les larmes dévalèrent sur ses jours pour de bon et il se leva, attrapant sa canne, avant de reculer sa chaise pour quitter la salle. Un rire sonore s'éleva derrière lui. Jungkook. Il connaissait ce rire de gamin prétentieux par cœur. Une main se posa sur son avant-bras.

– On a cours dans cinq minutes, tu nous quittes déjà ? 

Il n'en pouvait plus d'entendre la voix de Iseul. Autour de lui, il avait l'impression de voir le monde tanguer. Il se dégagea d'un geste raide, et bouscula sans le faire exprès quelque un de ses camarades pour rejoindre la sortie. Il devait quitter cet endroit au plus vite.

– Regarde où tu vas Kim !, lança un garçon.
– Pourquoi il chiale celui-là ?, en rétorqua un autre. 

Il s'éloigna d'un pas rapide. Faire taire les voix de ses camarades était tout ce qui comptait à présent. Il était allé si vite qu'il n'eut bientôt aucune idée du couloir dans lequel il avait atterri. Sa dignité était au plus bas : les gens l'avaient vu pleurer en public, sans aucune pudeur. Mort de gêne, Taehyung lâcha un gémissement d'inconfort et continua de tourner, encore et encore, dans le dédale de couloirs de son école. 

Bientôt, les couloirs furent déserts, et il n'eut plus personne pour le voir errer. Deux ou trois personnes lui avaient bien proposé leur aide, mais il avait refusé poliment. Il voulait juste être seul. Complètement seul. Il arriva au bout d'un couloir, désert lui aussi. Et puis, il se laissa glisser lentement contre le mur. Il posa sa canne, et, enfouissant son visage dans le creux entre ses genoux et son torse, éclata en sanglot. Il n'avait pas vécu cela depuis des mois. Des mois qu'il avait réussi à passer outre la bêtise de Iseul ou de Jungkook. Des mois que les remarques de ses autres camarades de classe glissaient sur lui comme sur une vitre. Mais aujourd'hui... il était à fleur de peau. Exténué. Et mentalement au plus bas. Il pleurait fort, sans même s'en rendre compte, et n'entendit pas la voix qui hélait son prénom à l'autre bout du couloir. Des bruits de pas se rapprochèrent, mais il n'y fit même plus attention : il n'était plus à ça près. Si le proviseur ou un autre professeur tenait à le réprimander pour sa conduite, il était près à en payer les conséquences. Taehyung le savait : se conduire ainsi ici, ce n'était pas approprié. 

COULEURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant