COULEURS

𝟷𝟷. 𝙿𝙰𝚂𝚃 〣 𝙵𝚕𝚘𝚌𝚘𝚗 𝚍𝚎 𝚗𝚎𝚒𝚐𝚎

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Janvier.
Le mois de janvier pointait le bout de son nez. À Séoul, les températures dégringolèrent encore plus, et Taehyung frissonna en remettant les pieds dehors pour la première fois depuis des jours. Il avait passé les vacances de Noël en grande partie chez ses parents, entouré également de ses grands-parents. Comme tous les ans, les Kim avait organisé une petite soirée familiale sans grande prétention. Puis, pendant trois jours, Taehyung s'était rendu chez la famille de Jimin, toujours heureuse de l'accueillir à ce moment-là de l'année. C'était donc avec une légère appréhension qu'il retournait en cours ce matin. Depuis son altercation avec Iseul, Taehyung c'était fait tout petit. Il avait fait profil bas, sans adresser la parole à qui que ce soit en dehors de son partenaire de piano. D'ailleurs, ce matin-là, toutes ses pensées étaient dirigées vers lui. Comment allait Yoongi ? Avait-il passé de bonnes fêtes avec sa famille ? Il se surprit à sourire un peu bêtement en prenant l'ascenseur. Voilà un sujet de conversation tout trouvé. Il frissonna : Yoongi venait de le remotiver à retourner en cours.

Yoongi l'attendait près de leur piano commun. Taehyung déposa ses affaires dans un coin de la salle et alla le rejoindre, tout sourire. En face de lui, le garçon noyé sous son sweat oversize kaki avait les traits tirés, mais il le salua avec le plus de gaieté possible dans la joie. Taehyung nota que quelque chose n'allait pas, mais ne releva pas le détail à voix haute. 

– Bonjour hyung !
– Taehyung, tu as l'air en forme.
– Je le suis !

Pas avant de me rappeler que j'avais une session privé avec toi, crois moi, pensa-t-il. Bon sang, mais que lui arrivait-il ? 

– Tu as passé de bonnes fêtes avec ta famille ?
– Très bien., répondit Yoongi sans plus d'entrain avant de lui retourner la question.
– C'était super ! J'ai aussi revu Jimin, tu sais, le garçon du parc.
– Ah, oui, je vois.

Mince, parler de Jimin n'était visiblement pas une bonne idée. Sentant que sa bonne humeur n'était visiblement pas contagieuse, Taehyung préféra changer de sujet. 

– Euh, sinon j'ai apporté quelques idées à notre projet pour la représentation de février...

Il sentit Yoongi se tortiller un peu à côté de lui tandis qu'il fouillait dans son sac pour retrouver ses partitions.

– Tiens. Si tu veux voir...

Yoongi attrapa les feuilles et s'y pencha. Pendant sa lecture à voix basse, Taehyung riva de nouveau ses yeux sur les touches devant lui et les effleura doucement. Et sans même s'en rendre compte, il se mit à jouer, en chantonnant à voix basse. À ses côtés, Yoongi avait levé ses yeux de la feuille et le regardait, admiratif. Il l'était à chaque fois que Taehyung jouait du piano. Il semblait ailleurs. Comme dans un rêve. Quand Taehyung jouait, son esprit n'était plus dans la salle de classe. Il était seul, avec son instrument, à ressentir pleinement chaque sensation que lui offrait ses doigts sur les touches noires et blanches. Il était dans un monde sans couleur, sans formes, il était dans son monde. Et pendant ces instants, il se sentait bien.

Soudain, une autre paire de main se mêla aux siennes. Les doigts fins de Yoongi se posaient eux aussi sur l'instrument, avec moins de douceur, mais tout autant d'application. Taehyung ne s'arrêta pas de jouer, et Yoongi s'accorda. Leurs mains ne se croisèrent pas une seule fois, comme si l'un comme l'autre avait anticipé le moindre mouvement de son partenaire. En musique, ils étaient bons. Et ils venaient de découvrir, qu'ensemble, ils l'étaient encore plus.

À la fin du morceau improvisé, Taehyung se relâcha. Ses épaules retombèrent légèrement, et il s'autorisa à reprendre son souffle, le cœur battant. Et puis, sans qu'il ne le veuille vraiment, il posa une main sur celle de Yoongi, toujours suspendu au-dessus des touches monochromes. Il ne la retira pas de suite, trop surpris par ce contact imprévu. Yoongi ne bougea pas d'un poil, et sans trop comprendre pourquoi, Taehyung ne lâcha pas sa main. Le toucher, c'était essayer de comprendre à quoi il ressemblait vraiment. Son pouce effleura le haut de sa main, doucement. À ses côtés, Yoongi avait presque arrêté de respirer, le feu aux joues. Taehyung tenait sa main, sans la serrer, mais en découvrait chaque millimètre en la caressant doucement. Son cerveau lui hurlait d'arrêter ce qu'il faisait : on ne prenait pas la main de quelqu'un sans lui demander, sans prévenir, pour faire ce genre de chose. Mais Taehyung ne s'écoutait pas. La peau douce de Yoongi l'interpella. Il n'avait pas imaginé des mains si grandes et si douces. Des doigts très fins, aux ongles coupés très court. Et puis, brutalement, Yoongi la retira, comme brûlé vif par ce contact vraiment trop prolongé.