Chapitre 17 ~ Aydan

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La baffe que je viens de recevoir m'a remis les idées en place. Enfin, pas la baffe en elle-même - même si elle a joué un rôle important - ce sont surtout les mots de Bulle qui m'ont fait prendre conscience de mon comportement dernièrement.

Elle a raison, je ne suis pas le seul à être touché par l'indifférence incompréhensible de Neven. Les filles aussi en souffrent. Aucun de nous trois ne comprends pourquoi il ne réagit plus.

Nous savons qu'Adam y est pour quelque chose mais comment exactement ? C'est un mystère.

Je fixe toujours la porte de ma chambre, la vision de Neven debout comme s'il était encore là et je m'écroule sur le fauteuil. Bulle ne relève pas mon geste et ne s'en inquiète pas plus que ça.

Je ne peux pas lui en vouloir, j'ai été terriblement odieux ces derniers jours.

Mon coeur me fait mal, affreusement mal. Neven, tu dois nous revenir au plus vite.... Pour ma santé mentale. Et pour le moral des filles.

Dhara revient de la chambre après avoir ramené le jeune homme. Elle me fait un signe de tête pour me rassurer : il va bien. Malheureusement, rien ne m'indique dans son regard qu'il est redevenu lui-même.

Ça risque de prendre du temps, Aydan.... Reste patient.

Il se fait tard et nous sommes tous éreintés par les derniers évènements. Ils ont tous perdu leur foyer en même temps que leur famille.

Moi aussi, vous allez me dire. Mais ce n'est pas comme si j'étais proche de mes parents. Je vis seul depuis tellement longtemps que j'en ai oublié leur existence. A quelque chose près.

Je me redresse avec effort, piétinant dans le scotch qui commence à sécher sur le sol et m'approche de la cuisine où les filles réfléchissent à un endroit pour reprendre les entrainements. Je trouve que c'est une idée génial mais encore une fois, il nous faut un endroit sûr pour dormir et prendre du repos.

Timidement, je m'avance dans la cuisine et n'ose même pas regarder Bulle dans les yeux. Je sens encore de la colère émaner d'elle. Dhara ne dit rien, elle m'observe d'un oeil compatissant.

- Allez-vous reposer. J'ai une chambre libre à côté de la salle de bain, je déclare doucement.

Bulle relève les yeux sur moi et je retiens un mouvement de recul. Non pas parce que sa colère m'accable mais parce que sa tristesse me brise le coeur, une fois de plus.

- Et toi, tu vas dormir où ? Me demande Dhara gentiment.

Je lui offre un sourire discret en plantant mon regard dans le sien. Je n'y vois que de la bienveillance et cela me fait du bien. Je ne suis pas seul dans cette histoire, nous sommes quatre.

Enfin, trois et demi pour le moment.

- J'ai mon canapé, ne t'inquiète pas. Vous avez plus besoin de repos que moi.
- Toi aussi tu as besoin de repos, intervient Bulle d'une voix douce.

Mon regard glisse sur elle et la colère a laissé place à l'inquiétude. J'apprécie vraiment, mais tant que Neven ne sera pas revenu à lui, je ne suis pas sûr d'être bien stable. Je peux péter une durite à tout moment et au lieu de faire des bêtises - comme boire des verres de scotch en plein milieu de la journée - je préfère encore les soutenir de loin.

- Ça ira, Bulle. Je te le promets. Reposez-vous et allez nous trouver ce terrain demain. Je vais rester là pour garder un oeil sur Neven et faire un peu de ménage, je réponds en souriant.

Les deux filles se regardent, sûrement surprise par mon calme plat et mon ton léger. Mon sourire s'étire un peu plus sur mon visage.

- D'accord, comme tu voudras, concède Bulle.

Je leur montre la chambre en question et leur apporte des couvertures et quelques oreillers avant de me retrouver seul dans le salon. Je passe devant la porte de ma chambre, je m'y arrête quelques secondes, hésitant à ouvrir la porte, puis je me ravise. Neven doit probablement dormir de toute façon et il ne me dira rien.

Je regarde le fauteuil dans lequel je me suis écroulé tout à l'heure et mon canapé. J'alterne entre les deux meubles et décide de m'installer dans le fauteuil.

Je ne suis pas sûr d'arriver à dormir de toute manière....

La flaque à moitié sèche me nargue, semblant me dire : "T'as vu la connerie que tu as fait ? Il va falloir un bout de temps avant de l'effacer complétement."

En effet, une tâche pareille ne partira pas au premier coup de serpillère. Comme mes erreurs.... Néanmoins, je ne compte pas me morfondre, bien au contraire, je compte bien réparer les tords que j'ai pu causer.

La nuit se passe calmement. Je me réveille à peu près toutes les deux heures, incapable de trouver le sommeil. Alors que ça fait la quatrième fois que j'ouvre les yeux en sursautant, le coeur battant, je me lève. Inconsciemment, je vais dans ma chambre, pour me rappeler qu'elle est occupée.

Discrètement, j'entrouvre la porte et jette un oeil à l'intérieur. Mon petit Alien est là, emmitouflé dans les draps, la tête posée sur l'oreiller et les yeux fermés. Il semble paisible comme ça, normal, en oubliant le fait que son petit corps fragile est esquinté.

Ce spectacle m'apaise. Je ne vois pas ses blessures, ni ses yeux ternes, seulement son visage endormi qui me rappelle qui est le vrai Neven, celui dont je suis tombé amoureux. Un rictus étire mes lèvres tandis que la tension de mes épaules diminue lentement.

Je t'aime abruti ! Ne m'abandonne pas, OK ?

Je referme la porte sans faire de bruit et rejoins mon lit de fortune pour m'endormir d'un seul coup. A partir de là, je fini la nuit d'une traite.

Le lendemain matin, quand j'ouvre les yeux pour de bons, le salon est silencieux. Je m'étire en baillant et vais dans la cuisine pour me servir un café, ou deux.

Je remarque un morceau de papier sur le plan de travail qui n'était pas là la veille. Sur celui-ci, je reconnais l'écriture fine de Bulle qui me dit : "Nous sommes parties voir les terrains. Comme tu dormais, nous n'avons pas osé te réveiller. Nous serons de retour pour manger. Profites-en pour ranger un peu ton foutoir et nettoie-moi c'te sale tâche de scotch !"

Je ricane dans ma barbe en lisant la fin. Ah ! Ma Bubulle. D'accord, je vais nettoyer tout ça.

Ma tasse de café à la main, je vais jeter un oeil à Neven. Il dort toujours à poing fermé, le visage calme et apaisé.

Parfait.

Je termine mon petit déjeuner, vais prendre une douche en faisant attention à ma main blessée et attaque le ménage avant que les filles ne reviennent. Je veux leur prouver que je suis encore avec elles.

Parce que c'est bien le cas ! Juste, laissez-moi le temps de digérer ce qu'il s'est passé....

Un coup de balai plus tard, j'entreprends de passer un bon coup de serpillière. Je m'acharne sur la tâche d'alcool sans parvenir à la faire disparaitre complétement, même au bout d'un bon quart d'heure d'acharnement.

Mon poignet et ma main me font encore mal, je ne peux donc pas appuyer dessus.

Ah ! Saleté de tâche ! J'te jure, si j'avais la pleine possession de mes moyens, je t'aurais atomisé ! Tu m'entends ?!

Oula.... Je me mets à parler aux tâches moi maintenant. Y'a du souci à se faire.

J'abandonne finalement et regarde l'heure. 11h58 ! Elles seront de retour pour manger, d'accord. Mais on mange quoi ?

Je range ma serpillère en deux-quatre-six et me précipite dans la cuisine. Rien dans le frigo, rien dans le placard, rien ! Rien du tout !

Je prends un coup de barre, ma tête se met à pulser d'un seul coup. Je prends une grande inspiration et vais m'asseoir sur le canapé pour arrêter mon vertige.

Ce que je n'avais pas prévu, c'est de m'endormir en une fraction de seconde.

Les Sources Originelles - II [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant