36. Les Beavers

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AARON

L'alcool est mauvais pour moi.

De manière générale, l'alcool est mauvais pour tout le monde. Néanmoins, il exerce une certaine influence sur moi qui m'est impossible de maîtriser. Un verre, et je ne sais plus m'arrêter. Chaque fois que je touche le fond, j'en reviens à l'alcool même en ayant conscience de tout ce qu'il me fait.

La dernière fois que je m'y suis repris, c'était pour la mort de Matthew. Avant ça, c'était pour Rose. Il me semble que cette envie réapparaît chaque fois que j'ai l'impression de perdre quelqu'un – ou que je perds réellement quelqu'un. C'est quelque chose que je prends pour me sentir mieux.

Un certain temps, ça fonctionne.

Un certain temps, j'oublie.

Un certain temps, ça ne fait pas aussi mal.

Puis vient le moment où tout se libère, celui qui laisse échapper toute la peine, la colère et la douleur. Je ne peux rien retenir. Je ne peux rien contrôler.

Je bois parce que j'en ai besoin, parce que c'est l'unique chose qui me retient de tomber – du moins, c'est le sentiment qu'il m'en donne. J'ai l'impression que sans l'alcool, mon monde s'écrase.

Je ne veux pas de ça.

J'ai pourtant essayé. J'ai essayé de faire comme si je m'en foutais, comme si ça ne m'atteignait pas. J'ai tenté de passer outre tout ça. Mais la vérité, c'est que ça fait mal. Ça fait douloureusement mal.

Ça me tue de la regarder, d'être près d'elle et de ne rien pouvoir faire. Ça me tue de l'imaginer avec quelqu'un d'autre et de rester en retrait. Ça me tue de prétendre à ces côtés que tout va bien quand c'est tout le contraire.

Depuis le début, elle est là, tout juste sous mes yeux. Je me suis voilé la face parce que je ne voulais pas m'approcher d'elle. Mais j'ai fini par le faire. J'ai fini par m'avancer d'un peu trop près et à présent, mes ailes sont brûlées.

Je tombe. Je chute. Je dévale tout ce que j'ai monté pour me confronter à une seule information : elle est avec Wesley. Je me sens idiot de l'avoir laissée dans ses bras à lui. Je m'en veux de n'avoir rien fait pour éviter ça. Je m'en veux de ne pas pouvoir lui dire la vérité.

Elle a l'air heureuse, me rappelé-je.

C'est tout ce qui compte.

Je pousse un long soupir avant de reprendre mon verre de whisky en main, me demandant ce qui en est de ma personne. Si elle est heureuse avec lui, comment puis-je espérer un jour l'être ? Merde.

Je lève mon verre en saluant un client à côté de moi avant d'en boire le contenu. Ce whisky est probablement le pire que j'aie jamais bu – et je suspecte qu'il y a d'autres ingrédients à l'intérieur –, mais je dois faire avec. Ce bar est le seul qui ne demande pas de papiers pour boire.

De toute façon, je ne suis pas là pour déguster, mais pour oublier. Il me suffit juste d'oublier, pourquoi est-ce si dur que ça ? Je n'arrive pas à comprendre comment un mot, un verbe, une action peut être aussi compliqué à réaliser.

Oublier.

Pourquoi en suis-je incapable ? Pourquoi ça me paraît aussi impossible ? Pourquoi je suis bloqué à ce mot qui ne veut simplement pas se produire ? Si je pouvais activer un levier pour oublier, je le ferais.

Parce qu'oublier signifie que je n'ai plus aussi mal.

Soudainement, des vibrations apparaissent depuis ma poche arrière. Tâtant mon pantalon, j'en sors mon téléphone et le prénom de mon meilleur ami s'affiche sur mon écran.

Sensitive Love I : ÉmergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant