45,5. Nos Vies Comptent

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Chapitre spécial,

KEATON

En tant que Noir américain, je n'ai jamais eu ce sentiment d'appartenir à quoique ce soit. À l'école, j'étais le mouton noir, le mec avec qui personne ne voulait traîner parce que sa peau n'était pas assez claire et qu'elle était moche. J'ai longtemps détesté ma peau. Pour moi, elle n'était rien d'autre qu'un fardeau. Une barrière qui m'empêchait d'avoir des amis. Personne ne l'aimait, elle était bien trop différente, bien trop foncée, bien trop sale pour les yeux des autres. Je voulais m'en débarrasser, je voulais ne plus avoir cette couleur horrible sur moi, parce que je ne voulais pas être celui à qui personne ne parle. Pour eux, je n'étais rien d'autre que le Noir et je voulais juste leur prouver que je pouvais être autre chose. La solitude m'a souvent rongé. Devoir manger seul le midi à seulement sept ans, ça n'a jamais été quelque chose de simple. Je détestais l'école, j'en étais venu à un point où y aller, était littéralement devenu une torture. Alors j'ai essayé de faire disparaître ma peau trop foncée, je voulais juste qu'elle soit comme les autres. Les autres disent qu'elle est sale ? Alors pourquoi pas me frotter avec du savon, jusqu'à ce que le noir de ma peau disparaisse ?

C'est triste d'en arriver là, hein ? Ouais, ma mère a beaucoup pleuré lorsqu'elle m'a attrapé en train de le faire.

En tant que Noir américain, je n'ai jamais eu ce sentiment d'être en sécurité. J'avais cinq ans lorsque j'ai vu mon père se faire menacer par un policier. J'en avais neuf lorsqu'il s'est fait tuer par l'un d'entre eux. Depuis ce jour-là, je suis constamment effrayé que ma vie puisse s'arrêter à n'importe quel moment. Traîner tard dans les rues avec mes amis, peut rapidement se transformer en un séjour au commissariat, simplement parce que nous ressemblons à des personnes suspectes. Manifester pacifiquement pour une cause qui me tient à cœur, peut rapidement tourner en un violent défouloir. Conduire un peu trop rapidement et me faire arrêter, peut rapidement se terminer avec une balle dans le ventre. Il ne se passe pas une journée, une heure, une minute, ni même une seconde où je me sens pleinement en sécurité. Peu importe où je me trouve, je sais qu'il y aura toujours une chance pour que le lendemain, je ne sois plus en vie.

Et ça, je l'ai appris à mes dépens.

En tant que Noir américain, je n'ai jamais eu le sentiment de faire partie de mon pays. Ma famille vit aux Etats-Unis depuis déjà plusieurs générations. Je suis né ici, j'ai grandi ici, et je compte rester ici. Je suis américain, et pourtant, je n'ai jamais eu l'impression de l'être. Les regards que l'on me jette, parfois, ne m'ont pas aidé à me sentir le bienvenu. Ni les discours ni les remarques que l'on me fait, ne m'ont donné un sentiment de bienvenu. C'est comme si j'étais à part. D'un côté, il y a les Américains, d'un autre, les Noirs américains, ceux qui causent les problèmes. Je me sens différent parce que c'est toujours de cette manière que l'on m'a traité. J'ai toujours été l'autre. Et c'est comme si les personnes autour de moi, me faisaient un rappel constant de ça. D'où tu viens ? Qu'est-ce que tu fais ici ? T'es sûr que t'es américain ? Tu devrais retourner dans ton pays.

On me demande de retourner d'où je viens, comment le faire lorsque mon propre pays ne veut pas de moi ?

En tant que Noir américain, j'ai toujours eu ce sentiment de n'être associé qu'à ma couleur de peau. Pour les autres, je ne suis rien d'autre que le Noir. Pas de prénom, pas d'âge, pas de sexe, juste une couleur. On m'a réduit à seulement quatre lettres. Je ne suis personne : je n'ai pas de nom, je n'ai pas d'histoire. Je suis condamné à n'être qu'une simple couleur. Peu importe mes attentions, mes objectifs, mes rêves, ou mes idées. Rien de tout ça n'a d'importance. Rien de tout ça n'en aura jamais. Parce que personne ne veut entendre un simple Noir. On se fiche de mon avis, on se fout de mes problèmes. Il y a bien plus important dans le monde.

Après tout, je ne suis qu'un Noir parmi tant d'autres.

En tant que Noir américain, je suis fier de qui je suis. M'accepter n'a pas été chose simple. J'ai d'ailleurs encore du mal à le faire, parfois. Mais j'ai fini par réaliser que je ne suis pas normal et que je ne le serai jamais. Je ne suis pas comme les autres, je ne peux pas le devenir. Mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, parce que je sais qu'un jour, on m'entendra. Ma voix sera enfin entendue et ce jour-là, je serai prêt à bien me faire comprendre. Je sais que ma voix compte, même si on me fait penser le contraire. Je ne suis peut-être qu'un Noir américain pour certains, mais je sais qu'au moins, cette communauté ne me lâchera jamais et sera toujours là pour moi. Parce qu'un jour, nos voix seront entendues. Elles seront exposées à tous, et ils nous écouterons, ils nous comprendrons, et nous accepterons. Dire qu'ils le feront tous est irréaliste, l'espérer est quelque chose de fou, mais c'est l'espoir qui nous a amenés jusque-là. Notre détermination à avoir ce que nous méritons.

Peut-être que je ne serais plus là demain, mais je sais que les jours que j'ai vécus ont fait avancer certaines choses et les jours que je continuerais peut-être à vivre, en feront avancer d'autres. Et je sais que si ce n'est pas moi, que si je n'ai jamais la chance de le faire, quelqu'un d'autre nous sauvera. Ce jour-là, je serai l'homme le plus heureux du monde.

Parce que nos vies comptent.

***

Soyez fiers de votre couleur de peau, fiers de vos origines, même s'ils ne définissent pas qui vous êtes. Trouvez-vous, cherchez qui vous êtes vraiment, et soyez en fiers.

Passez le message, utilisez vos réseaux sociaux pour avertir les gens de ce qui se passe. Signez les pétitions, rendez justice aux victimes.

#BlackLivesMatter
#NoJusticeNoPeace

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LOVE

Sensitive Love I : ÉmergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant