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𝟐𝟖

Mathieu.

À pile quinze jours de la sortie de Mental, tout est enfin enregistré, monté et bouclé. Tout sauf ma collaboration avec Marianna qu'on enregistre aujourd'hui. Pour la toute première fois de ma vie, je me suis senti mal d'avoir été méchant après m'être senti blessé. C'était un coup bas mais je ne sais comment faire pour calmer ce trait de ma personnalité ; mon extrême jalousie, que je n'ai pas tant envie de changer. Alors, pour éviter de ruminer, je travaille. Et c'est à quatre heures du matin que mon téléphone vibre sur mon bureau et un message d'Anna s'affiche.

Anna :
Je peux t'appeler ? Ma sœur ne répond pas.

Je ne réponds pas et l'appelle directement sans réfléchir. Elle décroche à la quatrième tonalité.

– Anna ?

Elle ne répond pas mais le silence est réduit par une lourde respiration. Elle est à l'autre bout du fil.

– Nana, tu vas bien ?

– Je ne sais pas pourquoi j'ai demandé à t'appeler, elle marmonne.

– Qu'est-ce qu'il se passe ?

– Je suis désolée, ma sœur ne répondait pas et je ne savais pas quoi faire.

– C'est rien, je souffle, ne t'excuse pas.

– Je t'ai réveillé ?

– Non. Ce n'est rien, je répète, vraiment.

– Je suis tellement énervée contre toi mais j'ai pensé à toi directement.

– T'es bourrée ?

– Quoi ? s'écrit-elle. Mais pas du tout !

– Pourquoi t'as la voix pâteuse ? je fronce les sourcils.

– Je suis sous somnifère et sous anxiolytique, idiot. Et je viens de me réveiller d'un cauchemar. J'avais besoin d'entendre quelqu'un, elle m'avoue enfin.

– D'accord. Et... Tu veux en parler ?

– Non. Enfin, j'en sais rien.

– C'est pas grave. Il s'est passé quelque chose pour que tu aies repris tes médicaments ? Tu refais des crises d'anxiété ?

– Oui, elle chuchote presque, et je n'arrivais plus à dormir.

– Mais ça allait la semaine dernière, quelque chose s'est passé ?

– Ma mère a appelé, elle et ma sœur partent demain pour la Pologne. Et elle m'a dit qu'elle comptait aller voir mon père sauf qu'elle n'y est jamais allée sans moi. Alors on s'est disputées parce qu'elle m'a dit que ça n'était pas de sa faute si je ne pouvais pas venir, alors que je n'ai jamais dit que c'était la faute de quelqu'un. Bordel... Je ne sais même pas pourquoi je te raconte ça.

–Eh, j'ai jouée au con, OK, mais je suis là pour t'écouter. Est-ce que tu vas réussir à te rendormir ?

– Aucune idée.

– Tu veux que je te laisse ?

– Non, reste.

– Je reste. Où tu es ?

– Sur la terrasse, je regarde les étoiles. Tu sais, c'est bientôt la date-anniversaire de la mort de mon père et je sais que j'aurais autant de mal à gérer ce jour-là comme chaque année.

– Anna, penser à ça ne t'aidera pas. Retourne dans ton lit et essaie de te détendre, d'accord ?

– Tu restes au téléphone avec moi ?

– Je reste. Rentre, Nana, essaie de te rendormir.