𝟏𝟐

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Mathieu.

Il y a trois jours, Anna m'a appelé pour me dire qu'elle venait d'emmener sa petite sœur à la gare. Et d'un coup, elle a pleuré. Pas si longtemps, elle s'est même reprise très rapidement, mais bien assez pour que je me sente désemparé. Depuis la soirée chez Marcel, on ne s'est pas revus, j'étais trop occupé et elle aussi. J'ai même dormi au studio pendant deux jours. Mais l'entendre pleurer m'a compressé la poitrine.

Ce matin, elle m'a envoyé un message pour me demander si elle pouvait emprunter mon studio pour travailler seule, mais je ne peux pas m'empêcher de m'y rendre. J'ai enfin bouclé un couplet et demi alors la rejoindre au studio est un plus. Quand j'arrive là-bas, je n'entends rien d'autre que des gros mots en polonais qui résonnent dans la pièce.

– Mais bordel, c'est ton métier et tu sais pas écrire ? marmonne-t-elle.

Je retiens un rire et l'observe, appuyé sur la porte. Elle est assise en tailleur, par terre, dos à moi, dans un sweat à capuche et un jean, Airpods enfoncés dans les oreilles. Son stylo bille tape frénétiquement la table et elle se murmure des choses qui n'ont aucun sens. Elle lâche finalement son stylo et ramène ses cheveux au-dessus de sa tête pour les attacher.

– Non, ça va pas, putain ! Ça va pas ! elle lâche. OK, montre qu'ils ne te font pas signer pour rien, Magdalena.

Mes sourcils se froncent en comprenant. La garce, elle ne m'a rien dit ! Quand son stylo passe à travers la pièce, j'explose de rire et elle se retourne en poussant un cri.

– Putain mais t'es vraiment con ! Tu vas faire ça à chaque fois ? demande- t-elle, une main sur la poitrine. T'es là depuis longtemps ?

Je m'approche et lui tends ma main pour l'aider à se relever.

– Deux minutes, dis-je avant de lui embrassant son front.

– Désolée, si t'as besoin de bosser, je te laisse ! J'ai rendu mon studio et t'as l'avantage d'en avoir un qui t'appartient, elle sourit.

– Non, non, je passais te voir. Et travailler avec toi si t'avais le temps. T'as rendu ton studio ?

– Je voulais te demander si on pouvait se voir tous les deux ce soir pour te l'annoncer et... OK, elle s'assied sur l'accoudoir du canapé, j'ai accepté le contrat avec Universal. J'ai signé, Polak !

– C'est vrai ? Mais c'est génial ! Tu vas tout déchirer, Anna !

– Merci... gênée, elle baisse les yeux. Je suis venue là pour travailler mais ça fait trois heures que je suis dessus et rien ne me satisfait.

– T'es stressée, Mademoiselle. Détends-toi, tu viens de signer dans une des plus grosses entreprises de l'histoire de la musique, je lui tends mon poing dans lequel elle tape avec un sourire franc. Ils ont vu ton potentiel, j'ai largement confiance en le fait que tu vas tout casser.

Elle attrape ses fiches sur la table, les remet dans l'ordre et me les tend. Je fronce les sourcils et Anna m'incite, silencieusement, à lire. Je serais toujours impressionné par sa faculté à avoir confiance en ces écrits. Sur ce coup, elle est mon opposé total. Les quatre premières fiches sont des morceaux complets et terminés, le restant sont des sortes de brouillons, des idées, des listes, des phrases écrites un peu partout, des bouts de couplets à moitié rayés.

– Tu te prends trop la tête. T'as pas fait ton dernier album en un jour, si ?

– Mathieu, c'est le cran du dessus.

– Pas vraiment. C'est eux qui te veulent, c'est à eux d'attendre que tu sortes un truc. Tu n'as pas à modifier ta manière de travailler, c'est eux qui doivent s'adapter. J'aime bien ce que t'écris, Anna, c'est vraiment bon. Arrête de trop réfléchir, je lui donne une pichenette sur le front.

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