Chapitre 2 : Princesse

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Au cours d'une vie, il est impossible de réécrire l'Histoire. Celle avec un grand H, alors que cette réalité s'applique aussi pour l'histoire propre à chaque homme. L'Homme.

Or, même si ce dernier pouvait réécrire le cours de son histoire, que ferait l'humain ? Accepterait-il de suite de le faire ? Surtout, quelle limite temporelle se fixerait-il ? Tarik Andrieu réfléchissait définitivement trop. D'une manière extrême, tout le temps, sans répit. Cette vérité immuable lui gâchait parfois la vie, notamment lorsque la psychologue lui avait avoué qu'elle lui soupçonnait son hypersensibilité qu'il refusait encore aujourd'hui de reconnaître. Ainsi était la sixième vérité à connaître sur lui.

Le retour au tour-bus avait été compliqué. En effet, autant elle que lui détestaient les départs, bien qu'elle avait l'air de plus accepter le sablier glissant sous les doigts que les frères Andrieu. Chronomètre, temps, filant, étoiles, désert, dune, sable, chaleur, Algérie. Ce soir-là, Tarik préféra laisser les idées s'enchaîner sans trop en vouloir comprendre leur valeur. Au fil des nuits qui devenaient de plus en plus blanches, Tarik Andrieu sentait logiquement la fatigue envahir son corps. Quoique tout le monde puisse en dire, il prenait de l'âge et ne supportait plus ce manque, et même pire, cette absence de sommeil.

Soudainement, elle se retourna vers lui. Elle dormait. Rien apparemment ne l'empêchait de le faire. Tarik aimait son air apaisé et reposé qui calmait ses ardeurs sans qu'elle ne s'en rende compte.

Contrairement au passé, Tarik ne se levait plus. De toute façon, il avait déjà tout essayé. Sauf les somnifères. Solution facile, mais surtout accoutumante. Médicaments. Came. Trafic. Stop.

Tarik se rapprocha d'elle. Même si à présent il savait qu'il pouvait faire glosser quelques mèches des cheveux de sa femme du bout de ses doigts ou placer sa tête dans son cou, il ne le fit pas. De fait, il voulait garder à jamais cette image paisible et rassurante lorsqu'elle se reposait.

Elle était devenue son monde puisque tous les agissement que réalisait Tarik étaient le résultat de sa présence. Pourquoi l'avaient-ils tous choisi ? Qu'est-ce qui la différenciait des autres ? Tout. Absolument tout. Outre son physique et surtout sa personnalité si souvent observée et évoquée, les gars s'accordaient à l'unanimité sur la façon dont elle s'était naturellement intégrée. Elle était simple. Ses yeux ne trichaient pas et ne mentaient ainsi jamais. Tarik devait reconnaître qu'elle était la princesse à la fois de tous et de chacun, parce qu'elle était une guerrière au cœur tendre, une femme avec le caractère qui définit si bien ces combattantes. Alors qu'elle n'était pas comme les autres. Bien au contraire, loin des idées.

« Tarik, même si je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire, repose-toi. ». Sa voix enrayée le fit presque sursauter dans le silence abyssal qui une seconde auparavant régnait. Comment avait-elle deviné ? Effectivement, elle avait gardé les yeux fermés mais avait mis sa main sur l'avant-bras de Tarik. Elle était chaude, agréable, rassurante, vivante, réelle. Arrêt.

« Tu es de la famille maintenant. ». Comme chacune des phrases que Tarik prononçait, son sens voulait à la fois tout et ne rien signifier. Il aurait aimé la remercier sincèrement et profondément sur son naturel grâce auquel elle s'était assimilée à la bande et l'importance qu'elle portait à ce nouveau cercle.

« Tu veux vraiment te lancer dans ce débat à... ». Brusquement, elle ouvrit les yeux, qu'elle cligna plusieurs fois le temps de s'habituer à la pénombre. Elle et lui se faisaient face, mais étaient proches. Comme d'habitude, elle se redressa un peu pour boire un peu d'eau pétillante.

« Trois heures du mat. Déso mais j'arrive vraiment aps à m'endormir. Je te jure, je suis même allé voir Nabil mais ce schlag dormait déjà. ». Comme s'il était utile que Tarik se justifie. C'était l'un des avantages les plus agréables avec elle, celui de leur accorder totalement sa confiance.

« J'essaie de faire de donner avec chacun d'entre vous le meilleur de moi-même. Peut-être que je ne devrais pas t'en parler parce que sûrement tu t'en fiches ou que tu le sais déjà mais... Je vous aime. Naturellement, je ne ressens pas envers eux les mêmes sentiments que je ressens pour toi. ». Elle s'était allongée sur le dos, les mains croisées sur le ventre, peut-être en position de prière. Ah oui. La religion, aussi. Autre sujet qui mériterait d'être évoqué.

« Tu sembles aps être consciente de tout ce que tu dégages. Sur chaque gars et sur le groupe. Même avec toute la richesse de la langue arabe, je réussirai aps à t'expliquer ce que tu représentes pour moi et les autres. ». Tarik aussi avait du se rebasculer sur le dos.

Au lieu de cela, Tarik posa sa tête sur la cage thoracique de sa femme, ferma les yeux à l'évocation des battements de son cœur et à sa main qui à présent caressait sa tête. Combien de temps restèrent-ils silencieux ? Ce temps se mesurait en minute.

« Parfois, je me demande si tu es fier de moi, si vous l'êtes tous. Je sais que pour vous, l'honneur est un sujet très sérieux. Alors, maintenant que vous me considérez comme un membre de votre famille, enfin il me semble, je vous promets que je vous représenterai dans chacun de mes comportements. Aux noms des miens, je m'engage à faire ce qu'il y a de mieux pour vous, moi et nous. ».

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant