« T'en as vraiment jamais parlé à personne ? Comment t'as fait alors pour tout garder au fond de toi sans devenir folle ? ». Cela faisait trop longtemps que Tarik Andrieu n'avait pas été en colère. Or, c'était bien la première fois qu'il haussait le ton contre Giorgiana.
Depuis la veille, le sourire de Giorgiana avait disparu, effacé par un visage fatigué aux cernes gonflés et bleutés. Elle n'avait plus parlé et ce comportement était très étrange venant de sa part. Tarik avait beau reconnaître qu'ils n'avaient pas besoin de beaucoup échanger pour se comprendre, cela était quand même suspect qu'elle ne dise plus rien. Sachant pertinemment qu'elle ne lui avouerait rien par soucis de protéger son homme, Tarik Andrieu avait décidé d'employer les manières fortes, à savoir d'hausser la voix.
Tarik devait faire avouer de Giorgiana tout ce qui la contrariait. Avait-elle entendu ouïr que ses géniteurs avaient été aperçus rodant autour du quartier ? Comment cela se révélait possible ? Qu'importe les réponses, les rumeurs n'annonçaient rien de bon. Effectivement, il fallait bien qu'un événement mette brutalement fin à ces deux semaines idylliques qu'avaient suivi leur mariage.
« En fait dans cette histoire, je crois que c'est moi le problème Tarik. Et c'est à cause de cette réflexion que j'en deviens de plus en plus dingue. Tu sais, tu peux partir, je ne t'en... ». Qu'était-il arrivé à Giorgiana ? Pour quelles raisons ne voulait-elle pas le partager avec Tarik ? De fait, les symptômes d'un traumatisme émotionnel se concrétisaient par des propos incohérents, un corps en position repliée, des regards déviants, des gestes confus des mains et une perte progressive de toute orientation.
« Ce n'est pas de ta faute. Tu es une victime d'abus psychologiques. De violence, d'emprise, de chantage et d'enfermement. ». Pour Tarik Andrieu, il était grand temps de mettre et surtout prononcer ces maux qui faisaient souffrir Giorgiana comme un produit corrosif depuis trop longtemps. « Je peux te réciter tout un champ lexical pour que tu réalises et tu comprennes. ».
« Pourquoi tu veux que je me confie à un professionnel ? Tu crois que ça m'aidera à guérir ?! C'est du passé Tarik ! Chacun de nous doit juste apprendre à vivre avec ses blessures. ». Par ce ton agressif qui reflétait en réalité la peur, Giorgiana commençait à progressivement sombrer dans une sorte de folie.
Giorgiana et Tarik se disputaient dans l'entrée car il avait fermé toutes les portes pour qu'enfin avec lui, elle ne dévie plus jamais de ce sujet. Il voulait l'aider, sincèrement car il la connaissait. Il savait que le passé pouvait parfois pousser dans une démence et que cette dernière soit temporelle ou continuelle. Il ne voulait pas ça pour sa femme.
« Ses cicatrices parce que les plaies peuvent être recousues par des personnes aimantes et d'autres qui en sont des spécialistes par leur métier. Toute cette nocivité doit sortir de toi Giorgiana putain ! ». Tarik s'était à présent approché de Giorgiana et n'hésitait plus à la prendre par les épaules. Dans ces moments de crise, il avait envie de la secouer gentiment pour lui faire prendre conscience qu'elle n'était plus seule à affronter ses démons. Il était là, pour elle et à jamais.
« De toute façon, qu'est-ce que je pourrais y faire ? L'aliénation finira forcément par s'installer. Tarik, tu ne mérites pas de vivre avec moi, je suis trop pitoyable. De quelle manière veux-tu m'aimer lorsque tu me vois dans un état pareil ? Mes défauts prennent trop de place face à... ». Giorgiana fut interrompue par le regard tueur qui définissait paradoxalement si bien toute la prestance des hommes de la famille Andrieu. Tarik n'avait pas l'intention de l'abandonner.
« Arrête de me prendre pour un con quand tu essayes de me faire croire qu'il a zebi en toi. Même tes yeux disent le contraire. Tu es une créature superbe, je t'aime pour ce que tu es. ». Tarik fut lui-même étonné de ce courage qu'il avait eu pour lui faire une telle déclaration. D'ailleurs, cette dernière sembla immédiatement agir sur Giorgiana puisqu'elle se cala sans hésitation et sans plus attendre contre le torse de son époux. Bien qu'il acceptait de plus en plus les contacts physiques affectifs de sa femme, il en restait quand même toujours ébahi. N'en ayant jamais eu l'habitude, il se demandait ce que sa femme pouvait trouver dans ses bras lorsqu'elle s'y réfugiait. Cependant, il n'en avait pas encore fini avec elle : « Alors, je ne vais plus te laisser le choix. Tant que ce que tu gardes en toi sera présent jusqu'au plus profond de tes viscères, tu ne pourras jamais y accueillir un enfant. ».
Voilà, c'était dit. Cela faisait longtemps que ces arguments bouillaient en Tarik. En réalité, il avait totalement raison car dès la première fois où elle lui avait parlé de sa stérilité, il avait été certain que ce blocage venait de sa psychologie.
Du bout de ses doigts, Tarik pouvait petit à petit sentir le corps de son épouse se détendre. Puis, il ressentit une pulsion non-contrôlable de l'embrasser. Alors, par deux de ses doigts, il lui releva le menton et lui sécha tendrement du dos de sa main ses quelques larmes qui roulaient sur ses joues avec un regard amoureux dont il ne s'en rendait pas compte : « Sérieusement, pourquoi tu m'as choisi oim ? T'as vu ma tête et mes actions face aux tiennes ? T'es magnifique dans ce que tu fais, ce qui fait que j'ai tout le temps envie de toi. ». Tarik osa une gentille plaisanterie à son égard. En effet, il savait que cette dernière allait leur décrocher un sourire. Enfin, Tarik l'embrassa en plaçant ses mains autour de son si beau visage.
« Tarik, tu es ma bouée, mon oxygène. Tu es fort, tu n'as peur de rien... De tous tes agissements qui te représentent, l'instinct de protéger les tiens en découle forcément. Je t'aime, très fort. ».
Ainsi, pour apprendre à connaître Giorgiana, il fallait l'observer. Elle était l'âme sœur de Tarik dans leur vie quotidienne, son amante le soir et l'inspiration pour ses paroles, ses textes et musiques.
Lorsque Giorgiana et Tarik rentraient à l'appart pour quelques jours, c'était toujours elle - comme si elle trouvait ce comportement naturel alors qu'en réalité, il n'en était rien - qui généralement l'entretenait. Pourtant, aucun des gars ne la traitaient jamais comme ce membre de la famille qui se sacrifiait pour l'entretien du foyer. Bien au contraire... Elle était un être qui aimait recevoir tous comme chacun de ses hommes et ne faisait ainsi jamais aucun commentaire, même quand Nabil, Sabri, Mohamed, Amine, Jet, Sensei, Samy, Karim, Lucas, Omar, Kemil ou Nader venaient. Comme tous, elle aimait cette vie en communauté.
Parfois, Giorgiana sentait le besoin d'être seule, notamment pour se retrouver avec elle-même. Ademo, N.O.S, Nekfeu, Mekra, Framal, 2Zer, Deen, Sneazzy, Alpha, Eddy, Roméo, Lomepal et Bigflo et Oli n'avaient jamais eu besoin de lui demander les raisons soudaines de cette solitude. Ils étaient artistes, créateurs, musiciens pour certains mais surtout rappeurs. Le point commun qui réunissait ces hommes était simplement le fait qu'ils étaient hypersensibles. Ainsi, toutes les notions d'amitié, de fidélité, d'honnêteté et de tolérance étaient décuplée au centuple. Également, ils avaient connu et surtout vécu la galère, et cette fraternité les avait tous sauvés.
Après la mise au point que lui avait fait son homme, Giorgiana avait de nouveau ouvert son ordinateur pour écrire. Personne ne savait ce que ce dernier contenait... et même, aucun d'entre eux ne se serait jamais permis d'aller le fouiller. Ils lui faisaient tous entièrement confiance, tout le temps. Pour Tarik, la démarche de sa femme était une bonne chose parce que cette dernière signifiait que son épouse avait la motivation d'écrire, toujours avec ses lunettes anti-lumière bleue sur le nez.
Alors, Tarik s'assit en face de Giorgiana, juste pour avoir le plaisir de l'observer. Regarder ses lèvres tant de fois analysées. Il venait de fermer les yeux pour se reposer. Même avec cette difficulté, il pouvait sans hésitation décrire la forme et le goût de sa bouche tant de fois embrassée.
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Aux noms des siens - PNL
FanfictionLorsque les destins de deux âmes solitaires se croisent, leurs cœurs battent au rythme des rimes et des mélodies, tissant une romance inattendue sur la toile de fond d'êtres en quête de sens. Entre les lignes de leur quotidien, la musique devient l...