Chapitre 2 : Malaise

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A l'aide de la balayette et de la pelle, Giorgiana et Tarik ramassaient les débris de verre éclatés contre le sol. Dans la cage d'escalier régnait un désordre indescriptible, entre un état de choc accentué par ce qui venait de s'y dérouler et l'incompréhension de la manière dont cette situation avait pu se passer. Les monstres de Giorgiana étaient revenus. Ils l'avaient chassé comme une proie, et excités par cette traque, avaient réussi pendant un instant à la déchiqueter d'une violence inouïe et inexplicable.

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« Bienvenue en enfer. ». Par ces trois mots, Giorgiana avait réussi à faire frissonner les hommes qui partageaient sa vie. Elle leur avait oralement avoué son histoire durant un soir pourtant parmi tant d'autres. Elle s'était sentie assez forte pour raconter tout ce qu'il s'était passé durant son adolescence.

« Ce sont tes monstres ? », lui avait demandé Nabil en tirant l'une des plus imposantes taffs qu'il pouvait faire sur ses consommations. Ce geste était loin d'être anodin, traduisant un certain malaise qu'il ressentait lorsqu'une femme osait se confier à lui, surtout concernant son passé.

« Non, les monstres. Je ne veux plus cette appartenance. Un jour, ils reviendront, je le sais. », avait clamé Giorgiana comme une certitude que cette période de sa vie ne cesserait de la hanter.

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État de choc. Giorgiana se trouvait dans ce même traumatisme que ce souvenir qui venait de refaire surface dans la mémoire de Tarik. Le contexte était tellement confus... Pourtant, elle se présentait avec ce regard similaire qui reflétait la vue directe avec la mort. Alors qu'elle fermait la poubelle, ce fut le plus petit et insignifiant morceau de verre qui la coupa au poignet.

Tout autre être humain aurait poussé un cri de surprise rauque. Avec Giorgiana, cela ne se produisit pas puisqu'en réalité, aucun son ne réussissait à sortir de sa cage thoracique comprimée. Or, Tarik se sentait dans le dénuement le plus total car ne pouvait que constater à ce moment-là que son thorax était aussi paradoxalement victime d'un souffle saccadé, caractérisé par des hauts-le-cœur. De plus, lorsqu'elle se releva, elle ne trouva malheureusement aucun soutien de ses jambes qui l'avaient jusqu'à maintenant toujours portées. Ces dernières flageolaient et de la façon semblable dont les mains de Giorgiana tremblaient.

Qu'importent tous ses entraînements, l'Homme ne pourrait jamais se préparer face à la violence, notamment lorsque cette dernière était parentale. Il aurait beau prévoir et se constituer des milliers de scénarios dans sa tête afin de préparer les meilleurs dialogues qui auraient le plus d'impacts sur son interlocuteur, personne ne pourrait en réalité jamais s'aguerrir contre la méchanceté gratuite, injustifiée, abusive et douloureuse.

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Tarik ne pouvait revoir cette scène qu'à travers des retours en arrière. En moins de cinq minutes, de quelle manière avait-il pu enchaîner deux souvenirs, un présent et l'autre passé, toutefois étrangement liés ? Ils avaient en commun ses géniteurs à elle, les monstres, les agresseurs.

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« Nous ne pensions pas que ta sonnette marcherait, tu as toujours été d'une de ces négligences ma pauvre fille. Regarde-toi, t'as pas changé, tu es d'autant plus pitoyable et feignasse. ». Cette tonalité ne pouvait qu'être celle d'une femme toxique, nocive et corrosive que Tarik n'avait encore jamais entendu. Cette dernière provenait de la porte d'entrée, que Giorgiana venait d'ouvrir après qu'une personne ait frappée. Sans méfiance, elle était allée ouvrir pensant à l'un des gars.

Giorgiana se prit la réalité en pleine face, semblable à une voiture qui percute de plein fouet un mur. Il n'aura fallu qu'une demi-seconde pour qu'elle se retrouve face à son pire cauchemar. Ses géniteurs. Vieillis, aigris, mal habillés. Ils reflétaient une pauvreté physique mais spécialement celle d'esprits mauvais car loin de vouloir propager le bien. Devant leurs sourires malicieux de traqueurs qui avaient enfin attrapés leur gibier après une longue chasse, elle se trouva hagarde.

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant