Chapitre 3 : Les hommes ne pleurent pas

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Algérie. Plus précisément Kabylie, le village du grand-père Andrieu. Pour elle et Tarik, cette destination était la dernière étape de tous leurs voyages qu'ils avaient accomplis jusqu'à maintenant. Ils avaient beaucoup appris, de soi d'abord, de l'autre et surtout de leur couple. A présent, ils étaient certains qu'ils voulaient vivre ensemble, notamment pour construire leurs projets en commun.

Elle ne se révélait toujours pas enceinte. De son côté, cela ne l'inquiétait aucunement puisqu'elle savait qu'il fallait laisser du temps à son esprit et son corps pour qu'ils fonctionnent de nouveau. Quant à Tarik, il ne devait pas se mentir en se persuadant qu'il n'y pensait pas. Cependant, il aimait plus que tout sa femme et lui accordait sa confiance totale.

C'est ainsi que la Kabylie fut la destination la plus logique pour conclure leurs périples. Tarik savait que c'était du haut de ce point où il contemplait les montagnes et le coucher de soleil, il devait la demander en mariage. Qu'elle devienne officiellement la femme de sa vie.

Tarik en était certain en n'ayant logiquement plus aucun doute. Cette année avait été incomparable avec tout ce qu'il avait pu vivre et surtout ressentir depuis qu'il s'était considéré comme un homme.

Pour Tarik, il était donc grand temps pour lui d'assumer son nouveau rôle. Avec elle, il était Tarik Andrieu et il savait déjà qu'elle accepterait d'utiliser son nom sans conditions ni négociations. Le mariage se caractérisait par un acte sacré car béni par Dieu. Qu'importe le lieu où ils s'uniraient, leur Dieu approuverait. De jours en jours, elle n'avait cessé de prouver à Tarik qu'elle était une femme de valeur, sérieuse, droite et entreprenante dans toutes les actions dans lesquelles elle s'engageait.

Naturellement subsisterait à jamais en elle sa part d'ombre mais Ademo ne pouvait la juger sur ce point. Ensemble, ils brillaient d'autant plus par leur zone de lumière que par leur côté sombre des ténèbres. Elle combattait ses démons courageusement et Tarik n'en avait jamais été aucunement peureux. Il voulait lui prouver, et au monde entier, qu'il était digne d'elle et se sentait assez fort pour toujours être présent à ses côtés en ne la lâchant ni l'abandonnant jamais. Avec elle, il fixerait les problèmes dans les yeux en la rejoignant à terre, l'enlaçant, lui séchant ses larmes et l'aidant à la relever. Tout l'amour que Tarik portait à sa femme se résumait en une affection et une tendresse inégalées.

De ce fait, Tarik avait feint quelques jours plus tôt de se rendre dans une bijouterie pour soi-disant faire réparer la chaîne d'un bracelet qu'il avait retrouvé avant son départ dans leur coffret à bijou.

« Tarik, pour la bijouterie, je te conseille de me kidnapper dans la voiture car tu sais très bien... ». En effet, elle aimait tout ce qu'elle brillait sans pour autant vouloir le posséder. Elle restait une femme simple puisqu'assez noble dans ses choix de vie. Elle ne partageait clairement pas sa vie avec Tarik pour l'argent ou la célébrité, bien au contraire. Par exemple, elle avait tenu à participer à tous les frais de leurs vacances.

En réponse, elle n'eut le droit qu'à un regard mi-agacé et mi-tendre de Tarik qui la poussa gentiment dans la boutique. Elle portait la robe kabyle que Nabil lui avait offert quelques mois plus tôt. Elle avait relevé ses cheveux en chignons et était chaussée que de simples sandales. Cette tenue épousait parfaitement ses courbe  et se révélait un argument de plus pour Tarik de l'aimer.

En ce dernier mois d'été, le magasin était occupé par ce qu'il fallait juste de clients. Ainsi, les deux vendeuses étaient déjà occupées, ce qui rassura immédiatement elle et Tarik qui aimaient se promener et déambuler dans n'importe quels lieux où ils se rendaient. Tarik appréciait également l'indépendance qu'elle avait. Ainsi, elle se laissa guider par ses envies en commençant par le présentoir des nouveautés.

Quant à Tarik, il se dirigea tout de suite et le plus discrètement possible au rayon consacré aux femmes. Il savait que cela ne servait à rien de lui offrir une bague de fiançailles hors-de-prix. Effectivement, ce que Tarik avait appris en vivant avec elle était la simplicité de la vie. Elle n'était pas matérialiste et ainsi dire encore moins capricieuse. Elle n'exigeait de Tarik que son amour, sa fidélité et son respect.

« Comment as-tu deviné l'émeraude était ma pierre favorite ? ». Lorsque la douce voix de sa femme se fit entendre aux côtés de Tarik, ce dernier faillit sursauter lorsqu'il entendit . Une fois de plus, il se fit la réflexion que dans l'avenir, il devrait définitivement être plus concentré dans la réalité que dans ses pensées.

« Parce qu'avec le violet, ce sont les couleurs que tu apprécies le plus à placer dans la plupart de tes accessoires comme tes sapes, la déco de notre appartement et même l'un des murs. ». Tarik Andrieu était un homme qui n'avait jamais cessé d'observer le monde qui l'entourait. C'est ainsi que ces informations intimes n'avaient pu être enregistrées qu'inconsciemment.

Puis, il s'interrompit. La fameuse question n'interviendrait que le soir-même. Il était donc temps de repartir pour profiter de la plage, et ensuite dîner au restaurant. Avant cela, Tarik profita de son inattention pour acheter la bague.

...

Tarik n'arrivait pas à croire que la fin d'après-midi lui avait glissé entre les doigts, comme les grains qui coulaient sans interruption dans le sablier. Il était remonté en haut de la colline qui surplombait le village de ses aïeuls. Il n'arrivait pas à croire de ce qu'il allait accomplir.

La khotba. Les fiançailles ou lorsque traditionnellement, l'homme demandait à la femme qu'il considérait comme celle de sa vie de l'épouser. Devenir sa femme pour la vie et à la mort.

Tarik Andrieu adorait admirer le soleil qui se couchait et ainsi la lune qui se levait. Il était actuellement dans un état de paix inégalable à tout ce qu'il avait pu connaître et surtout vivre jusqu'au moment présent. Il se sentait homme, courageux et sincère.

« Tarik ? Excuse-moi de te déranger mais je nous ai préparé du chocolat chaud, tu en veux ? ». Tarik ouvrit brusquement les yeux et se retourna vers elle. Elle tenait deux tasses dont elle avait complété le breuvage avec des chamallows et avait enfilé sur ses épaules un plaid, chaud aussi.

Elle était magnifique. Belle de son naturel, d'un regard avec une gentillesse sans pareil, sa posture à la fois blessée mais si digne, ses mains, ses doigts si fins... Tarik en était amoureux.

« Arrête avec tes conneries de dérangement. Il faut que je te le dise en tamazight que jamais tu ne le feras ? », grogna-t-il avec un ton quand même agréable, chaud et intrinsèque aux berbères.

« C'est juste que tu avais l'air d'un jedi en plein recueillement. Est-ce que tout va bien ? », lui demanda-t-elle tandis que Tarik refermait les yeux.

Les hommes ne pleurent pas. Enfin... A cet instant précis, soit Tarik n'en était plus un, soit les principes de la vie devaient définitivement être remis en question : « Oui ou non ? ». Qu'étaient-ce ces larmes qui dégoulinaient sur le visage de Tarik sans qu'il ne puisse rien y faire ? Dans cette seconde, jamais il n'aurait jamais pensé être aussi pathétique.

« Oui. ». Elle avait répondu sans hésiter ne serait-ce qu'une seule seconde. Puis, elle sauta au cou de Tarik et enveloppa tendrement son visage de ses mains. Enfin, elle lui essaya ses larmes. « Tarik, je t'épouserai en ayant la pleine conscience que je m'engage avec toi pour la vie. », lui susurra-t-elle au creux de son oreille en l'enlaçant si fort qu'il en eut le souffle coupé.

« Crois-moi, j'ai jamais autant réfléchi de ma vie. J'ai demandé à mon frère. Mais je ne peux pas me passer de toi. Dès que tu disparais de ma vue, tu me manques. Je suis accro. Si je pouvais te prendre comme épouse, là, maintenant, tout de suite, je le ferai. ». Tarik s'en voulut d'autant plus quand il trouva ses mots si peu percutants par rapport à ceux de sa femme qui étaient toujours impactants.

Dans sa poche, Tarik saisit la bague et la lui présenta en ouvrant sa paume. Du dos de son autre main, il s'essuya définitivement les dernières larmes d'émotions. Il ne pensait pas vivre et ressentir autant de sentiments et de sensations. Puis, il prit le courage de la passer à son doigt.

Tout ce qui se passa en lui lorsqu'il fit ce geste, il eut envie de le vivre jusqu'à l'infini. Dans quelques mois, il pensa à l'alliance qui scellerait leur amour, leur mariage, leurs amis et famille. Enfin, Tarik donnerait sa vie pour admirer juste de nouveau le regard ébloui et ému de sa femme.

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant