Chapitre 2 : Drôle de question

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« La fourchette. Quelle idée de donner ce nom à une partie du corps. Pourquoi aps couteau ? ». Ken et elle étaient en train de nettoyer les dessous des sabots d'un cheval... Dans un box en Écosse.

Tarik n'arrivait pas à croire la scène qui se déroulait pourtant bien devant ses yeux. Tous les trois se trouvaient au milieu de belles écuries, en pleine campagne éloignée de tout. Un véritable havre de paix.

Elle, Ken et Tarik avaient décidé de partir dans un pays où ses températures ambiantes permettaient de réellement profiter de l'été. Ainsi, ils avaient déjà réalisés un bon nombre d'activités, jusqu'à la dernière où c'était à elle de décider ce qu'elle allait partager avec eux.

L'équitation. Il n'y avait qu'elle pour faire découvrir à Tarik, même des mois après le début de leur relation, qu'elle était en possession d'un diplôme qui certifiait un très bon niveau de pratique et de maîtrise. Elle adorait les chevaux qu'elle considérait comme élégants et majestueux, quoi que craintifs. Pour elle, ils étaient plus que des animaux puisqu'ils représentaient des compagnons.

« C'est une drôle de question que tu me poses là. Malheureusement, je n'en ai pas la réponse. ». Depuis que tous se connaissaient, elle et Ken avaient été ceux dont la fraternité et la complémentarité s'étaient davantage développées par rapport aux autres. Elle et Ken jouaient comme des enfants, se parlaient honnêtement comme des adolescents et se comportaient surtout en tant que frères.

Cachés derrière l'imposante porte en bois, Tarik les regardait faire. Secrètement, il était fier d'eux. Par exemple, malgré leurs chamailleries, ils ne se boudaient jamais très longtemps.

« Depuis quelques semaines, j'ai vu que tu avais repris un rythme d'écriture les après-midis. ». Identiquement à Ken, Tarik avait aussi remarqué que sa femme s'était remise de façon effrénée à écrire. Ce geste était la preuve formelle qu'elle avait repris des forces et se sentait bien.

« Hier, si tu savais pourtant comme j'ai galéré. J'ai produis à peine une demi-page en trois heures. ». Effectivement, Tarik n'avait pas osé s'avouer qu'elle avait semblé être ailleurs.

« Tu te trouvais plus dans l'exercice de la catharsis ? ». Ken devait être l'un des seuls rappeurs qui pouvait employer des mots pareils. Ce dernier semblait dire quelque chose à Tarik, bien qu'il préféra en vérifier la définition.

« Pour ne jamais rien te cacher et mentir, oui. En voyant le cheval s'emporter d'un coup, j'ai eu un flash de... Enfin bref, tu me comprends. Je ne vais pas repenser à cela maintenant puisque j'ai toi et Tarik. Je ne sais pas si je devrais te le dire mais je l'aime tu sais. Il est mon homme. ». Avait-elle réellement prononcé ces paroles ? En la dévisageant, Tarik n'eut plus aucun doute.

« Il t'aime et bien plus que tu ne le penses. T'as ma role-pa et mon cœur bientôt la khotba. ». Ken venait de fredonner la dernière partie de sa phrase qui était en réalité l'une de ses plus sincères punchlines de son récent album. Nouvel homme. Tarik se surprit lui-même quand il ne réfléchit pas à l'intitulé du son. Ça voudrait dire qu'on est tous liés... J'ai l'impression qu'on est tous liés.

La présence quotidienne et indéfectible des rappeurs dans sa vie n'empêchait pas cette jeune femme de toujours les écouter dans son Walkman, surtout lorsqu'elle préparait des recettes.

« Oh. Je reconnais que tu le sais déjà Ken mais il n'y a en réalité vraiment que toi à qui je peux tout te confier sur ce que je vis avec lui... Et les conseils que les gens m'donnent, je les écoute pas, je n'ai plus peur d'aller trop vite. ». Ce jour-là, elle et Ken avaient envie de se répondre en sons. Leur entente était très complice, précieuse et ils se comprenaient parfois en un regard.

Quant à Tarik, il se sentait paradoxalement désorienté alors que la majorité des pièces du puzzle commençaient à s'imbriquer de manière parfaite pour compléter d'autant plus la toile de l'histoire qu'il vivait avec elle depuis l'esquisse des premiers traits qu'elle avait déclenchée.

Plus que jamais, Tarik savait ce qui lui restait à faire, c'est-à-dire de lui prouver qu'envers elle, il aurait la certitude de lui jurer qu'il se comporterait comme l'homme de sa vie jusqu'à son dernier souffle.

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« Si tu n'aimes pas les frites, je te payerai autre chose. Après, c'est vrai qu'elles sont les meilleures. », déclara Roméo à la vue d'elle qui engloutissait l'une des spécialités de Belgique.

En ce début du mois d'août, elle et Roméo se trouvaient avec Tarik à Bruxelles. Comme d'habitude, ils avaient débuté leur séjour par une visite nocturne de la ville. Effectivement, tous les rappeurs affectionnaient le fait de se déplacer la nuit sans être dérangé. De toute façon, avec leurs casquettes cachées par la capuche de leurs sweats et leurs lunettes de soleil, ils étaient méconnaissables.

Ils venaient de s'arrêter à un camion-friterie si typiques de la région. Le goût et la cuisson de cette spécialité la rendait unique et ainsi succulente. Elle en mangeait en les croquant et les dégustant à pleines dents, comme si jamais personne ne la voyait. À chaque fois, Tarik la regardait ainsi entre admiration et fierté. Comment pouvait-elle se comporter aussi naturellement ?

« Roméo, as-tu s'il-te-plaît ta gourde sur toi ? Dans mon sac, je n'ai que des mouchoirs. », dit-elle en sortant justement le paquet de sa sacoche noire à la fameuse marque de la victoire qu'elle portait en bandoulière. Avec ses baskets et son jogging, elle se confondait avec l'allure des rappeurs. Tarik s'en foutait bien pas mal puisqu'il savait qu'importe de ce qu'elle décidait de porter, elle restait toujours la même femme. Même lorsqu'elle était nue sous ses mains, elle était fidèle à elle-même.

« On va finir par être à la bourre avec vos conneries. ». Depuis quand Tarik se souciait-il de ce que les autres pensaient de lui ? Or, cette fois-ci, le contexte était différent. En effet, même s'il était trois heures du matin, ils devaient rejoindre Damso dans son studio d'enregistrement.

Le rap était universel. États-Unis, France mais aussi Belgique. La francophonie n'avait jamais été aussi bien représentée. Cependant et jusqu'à jamais, les rappeurs resteraient des hommes de la rue même si depuis quelques années, la définition de ce genre s'était transformée grâce des hommes sensibles devenus des poètes.

« Les gars, cela ne me dérange pas de rester dehors à vous attendre parce que... ». Elle doutait. Or, autant Tarik, Roméo que le clan détestaient quand elle se prenait soudainement à le faire. Dans le fond, sa réaction était pourtant naturelle. Les studios et notamment les artistes qui le composaient pouvaient en premier lieu paraître imposants et intimidants. Pourtant, cela était mal les connaître.

En réponse, elle eut le droit à une gentille saisie par le col de Tarik et un regard mi-exaspéré et mi-compatissant de Roméo. Elle ne se rendait vraiment pas compte du talent qu'elle avait, tel que les mots, l'écriture, la culture générale, les livres, la musique et sa vision paisible unique de la vie.

Dans le studio, alors que ce n'était pas son caractère de rester en retrait, elle s'assit tout de suite sur le canapé et admira de ses yeux émerveillés ce nouvel environnement. Elle se savait privilégiée et se sentait plus que reconnaissante de l'inattendu et d'autant plus beau cadeau que la vie lui faisait.

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant