Chapitre 2 : Pas une autre

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Pour le passage à ses trente-ans et en restant à jamais loyal envers lui-même, Ken n'avait pas souhaité à organiser quelconque événement. Son jour de naissance se présentait juste sous l'excuse de réunir dans un même lieu sa famille de sang, celle de cœur, sans oublier ses frères du son.

Ken Samaras, Jason et Fabrice Akrour, Théo Lellouche, Mikael Castelle, Mohamed Khemissa, Alpha Wann, Eddy de Pretto, Roméo Elvis, Antoine Valentinelli, Florian et Olivio Ordonez, Tarik et Nabil Andrieu et elle savaient mieux que personne que pour entretenir une amitié, la première règle de son Code d'Honneur engageait de respecter l'autre dans son entièreté. Même en silence, tous se vouaient un respect sans égal, particulièrement en acceptant leurs démons.

Si la volonté de Ken était de pas organiser de fête surprise, ses frères ne se poseraient donc pas plus de questions. C'est ainsi que Ken Samaras souffla ses trente bougies entouré de sa famille, sans far ni paillettes et dans l'anonymat le plus complet. La discrétion était l'un de ses crédos.

Avril fut l'un des mois les plus intenses que le clan vécut depuis l'été. Aucun n'eut le temps de se poser pour prendre du recul et réfléchir sur ce qu'ils leur arrivaient. En effet, les répétitions générales des concerts avaient débutées dans une adrénaline incomparable à n'importe quelle autre source de stress. Ces dernières étant réalisées dans des conditions similaires à celles des véritables concerts  pour que les artistes soient rassurés sur le choix de leur playlist, du placement sur scène et des décors, les rappeurs ressentirent ainsi un immense soulagement de voir que tout le travail fourni se révélait utile, mais aussi une montée d'angoisse et d'anxiété à l'approche de la première date.

C'est ainsi qu'Olivio fêta son anniversaire en plein milieu de la fosse encore vide du zénith de Toulouse. Son frère Florian fut, en réalité comme chaque année, ému de le voir grandir et surtout s'épanouir dans sa vie d'homme et d'artiste. Cette soirée s'inscrivit une fois de plus dans la longue liste des souvenirs que tous les rappeurs partageaient désormais en commun. De plus, ils purent facilement organiser à l'aide des techniciens et toujours à l'intérieur un barbecue géant. Puis, cette célébration se conclut dans une bataille d'eau géante, entre rires et chutes.

Tarik y repensa dans la seconde même où Olivio venait d'annoncer une trêve éphémère, pour prendre le temps d'aller chercher des serviettes pour se sécher. Ainsi, Tarik en lança une à son frère, et posa la troisième sur les épaules de sa femme. Heureusement, elle était ce jour-là habillée en geush, en total look noir formé d'une casquette de la célèbre marque de la victoire, un simple t-shirt, un jogging aux trois bandes blanches et l'indémodable ensemble des claquettes-chaussettes.

Elle se trouvait dos à lui à gauche de la scène - lieu où toute cette histoire avait été déclenchée par le destin -, et Tarik la trouva magnifique. Qu'importe qu'elle ait ses cheveux lâchés ou attachés en une banale queue de cheval, lunettes sur le nez ou non, teint toujours pâle même quand elle se maquillait, ongles rongés ou manucurés, Tarik l'aimait. Son physique l'attirait et c'était sans évoquer sa personnalité. Elle était toujours d'une douceur communicative, les gars se sentaient toujours apaisés en sa présence, notamment grâce à ses yeux en forme d'amandes couleur chocolat qui traduisaient tout ce qu'elle pensait et ressentait. Quotidiennement, elle dégageait une empathie flagrante. Ses gestes envers eux étaient naturels, spontanés, terriblement attachants et addictifs.

Elle se tenait physiquement en face des projecteurs, même si la place qu'elle appréciait le plus était celle de l'ombre. Malgré son caractère enjoué, elle chérissait les endroits calmes et tranquilles. En prenant le temps de l'observer, Tarik avait beaucoup appris sur elle. Chaque jour, il bénissait d'avoir à ses côtés une femme attentionnée, gentille mais pas que. Effectivement, sa maturité due à ses expériences l'avait forgé, en voulant néanmoins garder en elle une part de légèreté et d'insouciance.

Ce furent par ses dernières pensées que Tarik décida de l'enlacer. Il se permit de le faire puisqu'il savait que ce coin discret n'attirait pas l'attention des lumières. Après avoir placé délicatement la serviette sur ses épaules, Tarik enlaça donc ses bras autour de la taille fine de sa femme et cala sa tête dans son cou. Elle avait changé son parfum pour celui désormais de la fleur d'Osmanthus.

« Tarik... Je m'inquiète pour le cadeau de Nabil. Le seul présent qui me ferait plaisir de lui offrir serait un beau coffret de rasage. Qu'est-ce que tu en penses ? Ce n'est pas trop, ou pire, pas assez ? ». Elle s'interrompit quand elle sentit que ses propres inquiétudes n'étaient pas légitimes. Nabil l'aimait comme sa petite sœur et n'en serait jamais déçu.

Tarik n'avait pas besoin de lui répondre parce qu'il savait que juste en la regardant avec son expression mi-agacée mi-amusée, elle allait dans la minute qui suivait passer commande. Comme la majorité du temps, elle avait eu une bonne idée qui était originale et inoubliable.

Nabil fêterait ses trente-et-un ans. « J'suis toujours gang, à la trentaine, j'dis toujours bang. ». Tarik repensa au tournage du clip Blanka, dont elle adorait reproduire la gestuelle sportive du refrain. Définitivement, il ne pourra jamais la laisser partir car il était devenu accro à sa dose.

Lorsqu'elle ne se trouvait pas avec Tarik - cas dans lequel il se débrouillait à rendre de plus en plus rare -, il avait ce besoin viscéral de garder contact avec elle. Par exemple, juste un message le suffisait pour le rassurer et avoir dans le cœur ce bon ressenti qu'il demeurait intéressant pour elle. Dans quelques jours, avec Eddy, ils allaient se ressourcer à la Réunion. Ile, comme la Corse.

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« Les gars, attendez-moi, je ne sais pas comment vous faîtes pour supporter une telle humidité. Je ne me souvenais pas que les sentiers de ces montagnes étaient aussi pentus et abruptes. ». Eddy se plaignait, pour changer. Or, sa démarche était toujours réalisée dans un but humoristique, afin de surtout sentir la main de sa muse dans la sienne.

Heureusement, ils n'étaient qu'à cinq minutes du refuge qu'ils avaient réservé pour la nuit. Bien qu'Eddy souffrait du vertige, prendre un peu de hauteur ne faisait jamais de mal. Cependant, Tarik reconnut que pour cette randonnée, Eddy n'avait cessé de les prévenir de sa difficulté. L'air était lourd et l'oxygène rare mais la vue en valait vraiment la peine.

Comble de l'ironie, à quelques minutes de l'arrivée et l'accueil par un guide, de gros nuages lourds, noirs et menaçant envahirent dangereusement le ciel. Tarik la regarda. Non, elle ne semblait pas se faire du souci. Après tout, comme Manon des Sources, elle connaissait la montagne.

« Bienvenue, et surtout félicitation pour votre ascension ! Ne vous faîtes pas de mauvais sang pour cet orage qui devrait très vite se dissiper et être remplacé par un sublime couché de soleil. ». La disponibilité du guide leur fit le plus grand bien. Pour ce soir, un repas local mijotait déjà, et ils n'avaient donc plus qu'à prendre leur douche, soigner leurs ampoules et souffler.

« Merci beaucoup ! Si nous rencontrons quelconques difficultés, nous vous contacterons. », rassura-t-elle le guide alors que ce dernier était déjà sur le départ. Puis, quand il claqua la porte, elle commençait déjà à se déshabiller sans gêne devant Tarik et Eddy : « Étant la seule fille du groupe et la personne la plus chère à vos yeux, je vais sans négociations à la douche ! ».

De toute façon, Tarik et Eddy savaient qu'ils ne pouvaient pas parlementer avec elle. De fait, quand elle avait une idée en tête, il était impossible de la déloger. Alors, ils débarrassèrent sans rechigner les sacs. Tout de suite, Tarik sentait qu'Eddy le regardait.

« Un problème ? ». Tarik savait que son ton était loin de celui qu'elle ou Eddy savaient délicatement employer. Toutefois, il faisait quand même des efforts pour ne plus être agressif.

« Non, aucun. Juste quand je me permets de vous observer elle et toi, je me dis que vous devez absolument entretenir votre grand et l'unique amour de votre vie. Sinon, ça va mal se passer. ». Malgré un très bon français - et en réalité comme eux tous -, Eddy gardait des tics de langage.

« C'est elle que je veux et pas une autre. ». Tarik ne s'imaginait pas comment il pouvait être plus clair. Leur amour avait tout bouleversé, dont l'image même que les rappeurs s'en faisaient.

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant