Chapitre 3 : Dieu merci

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Tarik avait résumé leur aventure en moins d'une minute. Il trouva cela trop peu pour la femme qu'il aimait, celle qui leur donnait tout, d'une générosité et d'un courage sans pareil.

Or, une femme qui banalement à toutes les autres cachait un secret qui la dépassait. Tarik le savait. A expliquer, c'était instinctif ; à prouver, il le pouvait parce qu'il la connaissait.

Par cœur, Tarik pouvait tout avouer. Confesser qu'il avait vu ses regards vides quand elle était seule. Ses gestes parfois maladroits, ses mains tremblantes, les jambes qui ne tiennent plus.

Ce soir-là, il en était ainsi. Puisqu'elle ne se dirigea même pas vers la cuisine du bus. Normalement, elle y allait toujours pour chercher des bières, faire chauffer quelques apéritifs qu'elle cuisinait ou même juste placer les salades dans des plats de présentation. Il n'en fut rien. Elle se laissa tomber dans l'un des canapés du jardin d'été. Puis, elle commença à fermer les yeux. Alors, face à son inactivité, aucun n'eut le courage de préparer quelque chose. Ainsi, comme la plupart des jeunes qui étaient dans ce cas, ils décidèrent à l'unisson de commander le repas. Burgers, tacos, kebabs, pizzas, sushis... Il y en avait toujours pour tous les goûts.

Avant que les livreurs n'arrivent, ils dressèrent rapidement la table. Elle se trouvait toujours sur le canapé, les jambes recroquevillées sur sa poitrine. Elle avait entendu que Tarik se rapprochait : « Excuse, je voulais aps te réveiller. Ça va ? Tu as l'air aussi cheblan que Ken... Quelqu'un t'a dit quelque chose qui t'a fait du mal ? Balance son blaze que je le hagar. ».

Tarik commençait à la connaître. Il savait que même quand il tentait une blague nulle, elle esquivait toujours un sourire du bout de ses lèvres. Bien que triste, elle était belle.

« Moui, Dieu merci, il y a juste des soirées toujours mieux que d'autres... Si tu veux, je t'expliquerai. Cela faisait longtemps que je n'avais pas reçu de message de mon frère. ».

S'ils n'étaient pas en train de marcher, Tarik se serait figé. Alors qu'au fond de lui, il le savait déjà. Il n'y avait qu'une sœur pour respecter aussi bien les fratries qu'il y avait dans le clan.

Malheureusement pour Tarik, elle s'assit tout de suite à table. Depuis le premier soir, elle se tenait toujours à sa droite. Il ne remarqua que ce soir-là qu'inconsciemment, il l'avait placé en bout de table. Comme un pilier du groupe ; si elle s'effondrait, tous seraient entraînés.

A côté de Tarik se trouvait logiquement Nabil, puis Mikael, Mohamed, Eddy, Antoine et Florian. En face de lui se tenait son frère Olivio, puis Roméo, Alpha, Fabrice, Jason, Théo et Ken, toujours le bras droit de la femme qu'il aimait autant que sa mère et sa sœur.

De manière inhabituelle, ils commencèrent à manger dans le silence. Ils se doutaient de quelque chose. En effet, elle grignotait lentement, comme si elle n'avait pas faim.

« Au fait, même si on commence à bien te connaître, tu ne nous as jamais parlé de ta miff... ». Comme d'habitude, Fabrice croyait bien faire en la questionnant petit à petit. Cependant, ce soir-là, ce fut le contraire qui se produisit. Dans un fracas involontaire, elle lâcha ses couverts puis adressa à Fabrice un regard que Tarik n'avait encore jamais vu d'elle. Ses yeux - habituellement si compatissants -, trahissaient soudainement une haine, rage et surtout d'autres sentiments si diaboliques que même Tarik redouta à les penser. Une seconde à peine plus tard, son regard se voila. La couleur de ses yeux - pourtant tellement chaleureuse -, devint noire et surtout, une vague incontrôlée de mélancolie traversa son visage.

L'ambiance devint froide, presque morte. Dans l'air se devinait du pardon, de la colère mais surtout beaucoup d'interrogations. Puis, avec une dignité que seules les femmes - surtout les survivantes -, portaient dans ces moments, elle prit le temps de s'essuyer la bouche avec sa serviette, se leva et : « Excusez-moi, je... ». Pour la première fois depuis que Tarik la connaissait, elle ne finit pas sa phrase. Depuis longtemps, elle portait sur ses épaules un secret.

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant