Partie XI : Grand cru - Chapitre 1 : Ma bande

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« Au niveau des transitions, serait-il possible s'il-vous-plaît d'être plus précis ? Je veux bien croire que nous ne sommes pas encore sur des générales mais quand même... Cimer les gars. ». Nabil donnait le ton et il avait en réalité tout à fait raison. La première représentation était proche.

Mars. Le retour du printemps, des beaux-jours, du soleil qui brillait de toute sa chaleur dont finalement elle et les rappeurs n'allaient pas pouvoir en profiter, car ils étaient concentrés à répéter consciencieusement le déroulement de chaque chanson, étant attentifs jusqu'à la position des projecteurs sur scène. Le concert commençait à se concrétiser et cela la rassurait autant qu'eux. Le suivi d'une tournée n'était pas de tout repos puisque rempli de contretemps et stress.

Évidemment, le premier plateau de décor avait été monté dans la Halle Tony-Garnier. Cette salle industrielle dégageait cette atmosphère aussi aérée qu'intimiste. Le son pouvait frôler la perfection lorsque les ingénieurs maîtrisaient les gammes des microphones. Elle et la bande en avaient été agréablement surpris quand ils l'avaient testé jusqu'aux emplacements de chaque gradin.

« Una mattina mi son svegliato, O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao, Una mattina mi son svegliato, E ho trovato l'invasor. Waouh, c'est l'un des meilleurs retours que j'ai eus. ». Elle ne pouvait pas mieux dire, jusqu'à ce que Tarik réalise ce qu'elle venait de chanter. D'où connaissait-elle... ?

A présent, elle dansait avec Florian puisqu'Antoine et Olivio n'avaient pas hésités une seule seconde à reprendre en chant et par la trompette ce vent de liberté et de résistance. Dans ces instants où l'un des gars la faisait tournoyer, Tarik et tous les autres la trouvaient rayonnante et éclatante de joie. A chaque fois, son rire emplissait immédiatement la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Tarik ne pourrait pas se lasser d'elle... De fait, quelle autre femme aurait l'affection de l'aimer autant qu'elle le faisait ?

« Quest'è il fiore del partigiano, O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao, Quest'è il fiore del partigiano, Morto per la libertà. ». Toujours sur la scène, elle venait de s'approcher malicieusement de Tarik qui dans ces circonstances ne pouvait que percevoir en elle ses origines italiennes. 

Elle exposait son regard passionné et de braise qui n'était destiné qu'à son homme. Elle et Tarik savaient que leur histoire était l'une des plus inattendues que le monde ait connu. Or, cette vérité ne les empêchait pas de s'aimer follement. Ils ne se quittaient jamais ; sinon l'un devenait fou.

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« Votre engagement humain dont vous n'exigez rien en retour font de vous des bonnes personnes. Dieu discerne le bien dans chaque bonne action que vous commettez. Donc mes enfants, nous nous retrouverons au paradis, qu'importe l'opinion injuste que vous vous faites de vous-mêmes. Soyez remerciés que durant ces deux semaines, vous ayez apporté du réconfort et surtout aidé des enfants orphelins.. Pour cela, les petits vont vous chanter un chant traditionnel guinéen. ».

Face à la plus récente phrase du discours de la directrice d'école, elle et Alpha Wann changèrent subitement d'expressions. Tarik les sentit surpris, émus et à la limite d'une émotion absolue.

Ils étaient partis faire de l'engagement humanitaire, notamment grâce à l'aide de l'association de la Protection civile dont elle était bénévole. Au départ, tous les trois avaient fièrement revêtis l'uniforme, jusqu'à ce que les coutumes de la Guinée leur soient présentées, partagées et surtout mises sur les épaules.

Elle avait beaucoup pleuré. Sa touche d'hypersensibilité faisait d'elle un être unique, ressentant le monde et surtout les humains plus profondément que tous les autres. En percevant cela chez sa femme, Tarik l'aimait d'autant plus, en voulant dans ces moments-là la consoler et l'apaiser.

En cœur, les enfants commencèrent à chanter. Ils étaient regroupés dans une petite chapelle où l'écho était extraordinaire, celui qui prenait aux tripes et ne les lâchait plus. Les larmes dévalèrent ses joues. Même si elle, Tarik et Alpha ne comprenaient pas les paroles, l'instant était sans pareil.

Leurs applaudissements en furent donc d'autant plus chaleureux. D'un revers de la main, elle s'essuya les joues, pour finalement détourner ses yeux pour les planter dans ceux de Tarik : « Merci à toutes et tous, votre surprise et cadeau étaient vraiment très beaux. Avec Tarik, permettez-nous aussi de vous interpréter un hymne qui rend hommage et surtout prête serment à la terre dont il vient et d'où j'ai été adoptée. ».

Tarik voyait exactement de quoi elle parlait. Alors, sans ressentir le besoin de s'en dire plus, elle et lui entonnèrent l'une des prières les plus prenantes, à savoir... « Dìu vi salvi, Regina. È Matre universale, Per qual favor si sallì, À u paradisu. Per qual favor si sallì, À u paradisu. ».

...

Jusqu'au soir, elle ne cessa de la fredonner. Elle ne s'interrompit même pas quand elle se retrouva dans la chambre qu'elle partageait avec Tarik. Il sentait encore les sanglots, l'envoûtement.

« Je te lâcherai jamais et t'abandonnerai aps, tu m'as bien comprise ? Tu sais que pour chaque parole que je prononce, je prends le temps d'y réfléchir. Cite-moi une seule fois où je t'ai laissé, et sans explications ? Il y en a aps parce que Tarik Andrieu, fils de René, frère de Nabil et de Yanis ne délaissera jamais la femme qu'il aime, sous aucun prétexte ou excuse. ».

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant