Partie IX : Dans la légende - Chapitre 1 : J'suis QLF

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Cela faisait très longtemps qu'elle, Tarik, Nabil, Ken, Jason, Fabrice, Théo, Mikael, Mohamed, Alpha, Eddy, Roméo, Antoine, Florian et Olivio ne s'étaient pas tous réunis, notamment pour évoquer la tournée. Ainsi, ils avaient découvert avec bonne surprise le travail qu'elle avançait de jours en jours. Cette réunion s'était rapidement transformée en une soirée entre potes, surtout quand tous se relayaient dans la cuisine pour lui apporter de l'aide dans la confection des pizzas.

A présent, dans l'appartement - à cause de la chaleur tournante du four et malgré les fenêtres toutes ouvertes -, régnait une ambiance d'hammam. Le S-Crew charbonnait des sons, le trio Deen - Sneazzy et Alpha Wann se chamaillaient sur certains détails, Eddy et Lomepal s'étaient endormis sur le canapé et les frères Ordonez finissaient de ranger la cuisine.

Ce soir-là régnait un climat unique, et Tarik le sentait. Cependant, cela l'agaçait de ne pas pouvoir mettre les mots sur son ressenti. Toutefois, il avait pris le temps d'observer les gars les uns après les autres, sans malheureusement n'avoir trouvé de réponse. Lui-même se sentait désorienté, l'atmosphère était spéciale et indéfinissable.

Sur le balcon torse-nu, Tarik fumait l'une de ses dernières cigarettes de la soirée. Normalement, ce geste le calmait au moins un instant, qui en réalité se révélait éphémère. Logique imparable.

Pour essayer de définitivement se détendre et de faire baisser son rythme cardiaque, Tarik tourna la tête vers les deux dernières personnes qu'il n'avait pas encore regardées et qui pourtant étaient les deux plus chères, à savoir elle et Nabil. Assis côte à côte sur le banc, ils continuaient de travailler. Depuis la fin de la réunion où chacun avait eu la possibilité de s'exprimer sur le choix de ses sons, de la scène et de l'organisation en général, aucun des deux n'avait relevé sa tête de l'ordinateur. Ils avaient cette rare qualité de ne pas procrastiner, même s'ils étaient fatigués.

Après avoir scruté les expressions imperturbables du visage de son frère, Tarik se tourna vers elle. Il savait qu'elle résistait au sommeil. En effet, elle affichait de petits yeux, cachés derrière la monture de ses lunettes de confort. Elle était sensible à la lumière. Pourquoi l'aimait-elle alors ?

Tout à coup, Tarik reconnut le flow que grattait Roméo à sa guitare, cette mélodie qu'il lui faisait tant de bien mais qui était paradoxalement accompagnée d'un triste récit... La misère est si belle. Le classique.

Pour Tarik, ce soir-là, aucune chanson ne pouvait avoir plus d'échos que celle-ci. Le son des cordes de la guitare, les lumières tamisées et surtout elle et son frère qui venaient de le rejoindre... Tout ce mélange donnait à Tarik l'envie de pleurer... Jusqu'à ce que Nabil fredonne le début de son couplet : « J'suis triste comme d'hab. Fuck c'est pas la peine de réfléchir. La mélodie me fait du bien. ».

Pour la première fois depuis des mois et malgré toutes ses volontés de résister à ses sentiments, Tarik sentit les larmes couler sans pouvoir rien contrôler. Qu'importe la méthode du déni, ils finissent par s'exprimer d'eux-mêmes.

« J'dors pas à deux heures, j'me dis qu'il est tôt. J'vois mes démons mais j'suis pas peureux. ». En entendant la voix de sa femme, Tarik eut un sanglot silencieux. Voilà un bel oxymore, dont ce mot résumait en réalité parfaitement Tarik Andrieu.

Alors qu'elle venait de se mettre face à Tarik pour essuyer ses larmes du bout des doigts, ils entendirent soudainement la vibration du portable de Nabil provenant de la poche de son pantalon. Ainsi, en quelques secondes qui parurent interminables à elle et Tarik, plusieurs expressions traversèrent le visage du cadet des frères Andrieu. Étonnement, peur pour finir sur la panique. Qu'est-ce qui était arrivé et surtout à qui ? Nabil décrocha enfin et écouta l'interlocuteur.

Aux noms des siens - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant