Le Murmure et l'après

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La cheffe de clan arriva pile à l'heure, exactement comme Tobirama l'avait prévu. Elle était frêle, menue, ses cheveux poivre et sel attachés en un chignon strict sur sa nuque, mais elle dégageait une impression de puissance et de dignité qui ne semblait lui demander aucun effort. Hitomi se figura, au contact de son chakra, l'immuabilité d'une montagne, d'un continent tout entier. Même en ne bougeant que pour incliner la tête et aller s'installer en seiza d'un côté de la table basse, ses grandes prunelles écarlates examinant chaque détail avec sévérité et minutie, elle semblait capable de détruire des régiments de soldats tout entiers, sans le moindre effort.

— Votre message disait que nous avions un problème à discuter, Hokage-sama. J'écoute.

Tobirama s'assit à son tour à côté d'Hitomi, qui dévorait son ancêtre du regard et dissimulait à grand-peine son intérêt. Elle ne manquait pas de racines du côté Nara – et si ceux qui vivaient encore ne suffisaient pas, elle pouvait toujours s'immerger dans le chakra de la Porte aux Cerfs, retrouver l'énergie de son père, décédé si peu de temps après sa naissance, ou de tous les Nara à avoir foulé les terres du clan depuis qu'il s'était établi à Konoha. Mais qu'avait-elle du côté Yûhi ? Sa mère et son grand-père n'avaient même pas eu le droit au statut de clan avant qu'elle vienne au monde et porte leur nombre à trois.

— Montre-lui, Hitomi.

Elle sourcilla quand il employa son prénom mais comprit ce que cela signifiait. Le dos bien droit et les mains sagement posées sur ses genoux, elle replia sa langue sur son palais, ferma les yeux et activa le Sceau de Métamorphose. La douleur passa sur elle comme une vague ; quand elle disparut, ses cheveux étaient redevenus noirs, ses yeux d'un rouge identique à ceux qui la regardaient, une étincelle de surprise soigneusement dissimulée dans leurs tréfonds.

— Est-ce que c'est une mauvaise blague ? s'enquit la cheffe de clan d'un ton pince-sans-rire.

— Non, Hasuki-dono. Un sceau a mal tourné et cette jeune femme... s'est retrouvée chez moi. Elle est la dernière Yûhi, la plus jeune de ce qu'il reste de son clan, et... Raconte-lui, Hitomi.

Elle s'exécuta. Sa voix prit des accents profonds et le rythme du conteur tandis qu'elle dépeignait le déclin brutal des Yûhi à travers les guerres successives, le Murmure affaibli puis disparu, et tout ce qu'il leur restait aujourd'hui. Un contrat d'invocation... Et elle, à nouveau dotée de ce pouvoir secret. Hasuki l'écouta sans jamais l'interrompre, un regard inquisiteur fixé sur le visage de sa descendante. Hitomi voyait le miroir de ses propres traits devant elle, les différences si minimes que, si elles avaient eu le même âge, on aurait pu les confondre.

— J'ai... Observé le début de ce phénomène, admit finalement la kunoichi. Beaucoup des membres de mon clan sont morts durant la dernière guerre – et nous n'étions déjà pas bien nombreux pour commencer. Mon Murmure est moins fort que celui de ma mère ou de sa mère avant elle. Les autres membres du clan qui le détenaient sont décédés. Ma fille ne l'a pas éveillé, hélas.

La fille d'Hasuki enfanterait un jour Shinku Yûhi, le grand-père d'Hitomi. La jeune femme laissa un sourire triste lui effleurer les lèvres et se pencha légèrement vers son ancêtre, sans chercher à cacher ce qu'elle ressentait.

— Le déclin du clan ne peut malheureusement pas être arrêté par des moyens que je connais. Dans mon univers, j'ai épousé l'un des derniers Uchiha encore en vie – c'est une longue histoire. Peut-être que les enfants que nous prévoyons d'avoir éveilleront le Murmure, peut-être pas. Mais vous devriez vous assurer que vos descendants n'oublient pas de quoi il s'agit. Que s'il s'éveille un jour, quelqu'un soit là pour l'expliquer à ce nouveau détenteur.

Elle ne parla pas de ce qu'elle, elle avait ressenti en l'éveillant. La glorieuse agonie d'abord, le massacre qui avait failli l'emporter et lui faire perdre toute maîtrise d'elle-même... Ces souvenirs lui appartenaient, dissimulés derrière une porte verrouillée dans sa Bibliothèque. Elle ne pouvait y accéder sans goûter sur sa langue les relents les plus véhéments de sa dépression. Elle ne s'infligerait pas cela une nouvelle fois, pas alors qu'elle se trouvaient si loin de ceux qui savaient comment l'aider.

Quelque chose s'achève, quelque chose commence - Partie 2 : ShippudenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant