Elle ouvrit les yeux dans un espace sombre, infini, confortable. Quelque chose s'agita dans sa mémoire : elle connaissait cet endroit. Elle battit des cils, regarda autour d'elle en essayant de s'habituer à la semi-obscurité qui régnait sur les lieux. Au loin brillaient deux sources de lumières orangées et inconstantes. Des feux. Elle réalisa, sans savoir comment elle atteignait cette conclusion, que celui de droite n'était pas pour elle, et que bien des feux brûlaient hors de sa vue.
Les Limbes.
Sans sourciller, elle s'assit puis se leva. Là où elle aurait dû saigner et souffrir, elle ne trouva qu'une peau lisse et intacte. Ses cicatrices passées, elles, se trouvaient toujours là, elle le réalisa simplement en baissant les yeux sur ses mains. Les marques qu'elle avait là étaient très peu nombreuses, parce que, comme tout shinobi digne de ce nom, elle prenait soin de ses mains. Cela dit, elle aussi avait connu son lot d'accidents à l'entraînement qu'Ensui n'avait pas toujours été là pour réparer.
Elle commença à marcher vers le feu de gauche. Ses pas ne faisaient aucun bruit contre le sol presque noir, dont elle ne parvenait pas à identifier la matière. C'était plus doux que du bois ou de la pierre, sans l'aspect pelucheux de la moquette ou la friabilité de la terre et du sable. Elle réalisa bien vite qu'une mince et haute silhouette l'attendait, assise le regard perdu dans les flammes. Elle reconnut son chakra avant de pouvoir identifier quoi que ce soit du fait du contre-jour.
Elle avait senti son chakra pendant la première année de sa vie, puis son écho dans la Porte aux Cerfs.
Shikano Nara.
Son père.
Elle se figea deux pas derrière lui, incapable d'avancer ou de reculer. Il resta immobile quelques instants ; pourtant, elle savait qu'il avait senti sa présence. Enfin, il se redressa et tourna la tête vers elle, un sourire tendre aux lèvres. Le cœur d'Hitomi se serra, ses mains se mirent à trembler, mais ce n'était pas de la tristesse qui prenait le contrôle sur elle. Elle se souvenait de lui avec l'acuité qui caractérisait sa mémoire en tout temps, de son rire, de la douceur de son regard et de ses mains chaudes, colossales, autour d'elle.
— Approche, ma petite merveille. Laisse-moi te regarder.
Elle s'exécuta, entrant entièrement dans la lumière hésitante et chaleureuse des flammes. Lentement, avec mille précautions, elle s'assit aux côtés de son père sur un tronc d'arbre couché. Il passa sa jambe par-dessus le tronc, s'y installa à califourchon et l'invita à faire de même, un univers de vénération dans ses prunelles gris sombre.
— Tu es devenue une sublime jeune femme. J'aurais tellement aimé te voir grandir, Hitomi... J'avais parfois le droit de venir observer des fragments de ta vie, mais ce n'était pas...
— Ce n'était pas pareil, acheva-t-elle pour lui.
Il acquiesça lentement, incapable de détourner le regard. Elle l'observait aussi, même s'il n'avait pas changé depuis le jour où il était parti de la maison pour ne jamais revenir. Apparemment, la mort conservait l'image d'une personne dans les derniers moments de bonne santé de sa vie. Ses paumes fourmillèrent du besoin de le toucher, de découvrir si ses mains étaient encore un peu rêches sous l'articulation du pouce, si tout cela s'était effacé aussi.
— J'ai toujours su que tu ferais de grandes choses, Hitomi. Ta mère... Ce n'était pas possible que tu grandisses autrement, pas sous sa garde.
— Où est-elle, papa ? demanda-t-elle d'une voix qui se serra un peu.
Elle ne souffrait pas dans cet espace hors du temps, pas comme elle avait souffert là-bas, agenouillée devant le corps de Kurenai. Un sourire infiniment triste se dessina sur les lèvres de Shikano. Il l'aimait toujours, réalisa instantanément sa fille. N'avait probablement jamais cessé de l'aimer.
VOUS LISEZ
Quelque chose s'achève, quelque chose commence - Partie 2 : Shippuden
FanfictionAprès sa mort, Hitomi se réveilla dans un monde où les conflits se règlaient à torrents de feu et mers de boues envoyés à la figure d'un adversaire. Puisqu'elle n'était alors, à ce moment-là, qu'un bébé, elle décida de profiter de cette période pour...