Chapitre 7 : Destiny / Carolina

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Italie ~  Juin 1919

Je ne pouvais le croire. Cela avait recommencé. Pour combien de temps cette fois ?

J'observais mon environnement afin de pouvoir me situer alors que de nouveaux souvenirs m'assaillirent. Je n'étais plus dans la peau de Grace mais d'une certaine Carolina. Carolina Bianchi.

Je me trouvais dans un hôpital et je portais une tenue d'infirmière d'époque. J'avais une bassine d'eau claire entre les mains où trempait un torchon. Nous étions en mille neuf cent dix-neuf. La grippe espagnole faisait rage. Autour de moi, c'était le chaos. Tout le monde courait de lit en lit. Des patients, certains allongés à même le sol étaient inconscients. Pour ceux qui n'avaient pas cette chance, ils gémissaient de douleur à vous en arracher le cœur.

Toujours immobile au milieu de la grande salle, qui ressemblait à un gymnase, je pris conscience que j'étais infirmière à une des pires périodes épidémiques de l'histoire. Les yeux écarquillés de peur, je ne savais que faire. Cela était pourtant mon métier dans ma vraie vie mais mon cerveau eut un black-out durant quelques secondes.

- Carolina ? Carolina ? Aller, il faut que tu nous aides, s'écria une infirmière qui me poussa en avant doucement pour me faire réagir, je sais que c'est dur de voir cela mais ils ont besoin de nous.

Cela fut l'électrochoc dont j'avais besoin. Je me mis en marche vers un malade qui tendait les bras vers moi. Je m'agenouillais près de l'homme, essora la serviette en la sortant de l'eau puis lui passait sur le front, délicatement, les larmes aux yeux. L'homme transpirait abondamment. Cela était terrible. Il souffrait et je n'étais pas en mesure de l'aider. Je savais qu'avec notre technologie et nos médicaments, je pourrais leur assurer d'apaiser leurs souffrances mais voilà, je n'avais rien de tout cela. Je me contentais alors de passer le tissu sur le visage crispé sur le visage de l'homme afin de l'aider au mieux à réguler sa température. Dix minutes plus tard, l'homme s'était endormi avec une grimace douloureuse.

Je me levais et regardais autour de moi. Le visage de James me revint de plein fouet en mémoire. Je savais qu'il était impossible qu'il soit là. Il vivait au Kentucky et nous étions, vraisemblablement, en Italie. Il devait être encore en vie à cette époque. Je me surpris à prier pour qu'il ne soit pas toucher par cette effroyable épidémie. Je récupérais ma bassine puis parcourais les allées en continuant à supplier Dieu de l'épargner, ainsi que sa famille, quand mon souffle se coupa. Je lâchais ma bassine, terrifier, abasourdie et désespérée.

James se trouvait à cinq mètre de moi, allongé sur un lit de camp de l'hôpital de fortune. Incontrôlable, des larmes virent mouiller mes joues. Comment pouvait-il être là ?

Je perdis le contrôle de mes jambes qui s'avançaient d'elles-mêmes, en direction de celui qui me hantait.

- James, pleurais-je en me laissant tombant à genoux à côté de son lit.

Mes larmes étaient irrépressibles. Mon cœur, douloureux.

Je lui pris la main que je menais à mes lèvres.

- Non. Tu ne peux pas mourir, James, suppliais-je.

- Qui est ce James, mademoiselle ? murmura-t-il, les yeux fermés.

Je fronçais les sourcils.

- Je crois que vous vous trompez de patient,. Je m'appelle Fosco Alino, tentait-il, péniblement, de s'exprimer.

Il ouvrit les yeux et les posait sur moi. Son souffle, déjà faible, se coupa.

- Fosco Alino ? parlais-je pour moi-même, perdue, alors que je serrais davantage sa main entre les miennes.

- Oui. Ce James a beaucoup de chance, exprima-t-il difficilement en tournant la tête vers moi.

- Ce n'est pas mon petit ami. Il est marié à une très belle demoiselle, monsieur Alino... Comment vous sentez-vous ? m'inquiétais-je en reprenant mes esprits.

Combien de James allais-je rencontrer lors de ces fameux voyages si cela n'était pas le fruit de mon imagination ?

- J'ai mal partout, grimaça-t-il en tournant tout son corps de mon côté.

- Vous ne devriez pas bouger. Vous avez besoin de beaucoup de repos.

Je savais que mon expression devait montrer bien trop de sollicitude pour être professionnel mais je ne pouvais réagir autrement. J'avais réellement l'impression d'avoir affaire à James, tant mes émotions semblaient semblables. Je me sentais aspiré par la présence de cet homme, comme James m'avait fait éprouver. Je ne comprenais pas ce qui se passait. J'avais espéré ne plus vivre ces bizarreries. Je me trouvais, pourtant, en ces temps reculé, à nouveau, mais à une autre époque différente. Voir cet homme, éprouvant que douleur, me fit mal, si mal que j'en sentais mon cœur se briser. Je n'avais plus qu'une envie, rentrer chez moi.

- Mon esprit à aussi besoin de motivation à la guérison, vous ne pensez pas ?

Sa voix n'était qu'un souffle tant il semblait faible. Sa remarque me fit penser à cette méthode, peu orthodoxe, que j'avais entrepris avec certains de mes patients. La zoothérapie. J'avais fait expressément venir trois chiens formés accompagner un malade dans sa guérison, avec l'accord de leur psychiatre. Cela avait marché au-delà de mes espérances sur deux de mes malades souffrant de dépressions sévères. Suite à cela, ils avaient adopté, tous, un animal afin de poursuivre la thérapie de chez eux. Les animaux leur avaient apporté une sérénité qui leur avait fait défaut.

- C'est une très bonne méthode, monsieur Alino. Qu'est-ce qui vous donneraient cette motivation, approuvais-je sa démarche.

- La certitude que lorsque je guérirais, vous m'accorderez l'honneur de vous faire la cour.

Malgré les larmes qui continuaient à couler, je ne pus réprimer le rouge qui me montait aux joues.

- Guérissez et je serai plus qu'heureuse de vous laisser faire, assurais-je avec un aplomb que je ne me connaissais pas mais j'étais, viscéralement, convaincue qu'il serait plus fort de cet objectif.

Il eut un petit sourire qui sembla lui faire du mal et il leva la main. La force lui manquait, aussi elle retomba immédiatement. Je l'observais tristement, retenter l'expérience. Je desserrais alors ma prise sur celle que j'avais capturais et la menait à l'endroit qui était destinée à l'autre. Je la déposais sur ma joue et il caressa celle-ci doucement dans un regard reconnaissant.

- Je vais dormir maintenant. Il faut que je me remette le plus vite possible, plaisanta-t-il en se laissant retomber sur le dos et fermer les yeux.

Durant de longues minutes, je fus incapable de me détacher de lui. Je ne pensais pas vivre une chose aussi déstabilisante un jour. Me retrouver face à James m'avait grandement perturbé. Je ne m'attendais pas à me projeter, encore, et me retrouver devant un sosie de celui qui m'avait tant capturé, par son seul regard. James, Fosco... Ils étaient une seule personnes, dans différentes dates de l'histoire. Carolina était-elle mon double, également ?

Trop de questions. Trop de flou. Ma situation était peu commode et extrêmement perturbante. Je ne savais plus qu'en penser. Une chose était sûre... Tant que je pouvais profitais de ces moments auprès de cet homme, je voulais en profiter car je savais que lui et moi étions liés par un puissant lien invisible... 

The quest for DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant