Prologue

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Louisville ~ Novembre 2019

Il était deux heures du matin. J'étais épuisée. Tout mon être réclamait au moins dix heures de sommeil. Je venais d'être relevé d'une garde de dix-huit heures.

Je travaillais au «central state hospital» où j'y étais infirmière.

Bosser auprès de personnes souffrant de troubles psychiques pouvait être éprouvant pour l'esprit mais chacun de leurs sourires était pour moi, une victoire.

Je me trouvais dans les vestiaires, troquant ma blouse pour mon pull et mon manteau, quand Greta entra à son tour.

- Tu pars, enfin, ma belle ?

- Oui. Je vais aller hiberner, maintenant, plaisantais-je dans un soupire de soulagement.

- Profites-en bien, me souhaita-t-elle en attrapant son paquet de cigarettes ; je t'accompagne. J'ai besoin de m'en griller une, avant d'y retourner.

Je hochais la tête. Nous sortions de la pièce, après avoir récupéré mon sac à main et nous marchions en direction de l'accueil, côte à côte.

- Pourrais-tu jeter un coup d'œil, de temps en temps, sur Perry, s'il te plaît ?

- Tu crains une nouvelle tentative ?

Anxieuse pour ce patient qui ne cessait de se montrer ingénieux sur la façon de vouloir mettre un terme à sa vie, je hochais de nouveau la tête.

- Il m'a inquiété toute la journée. Je l'ai trouvé silencieux. Trop silencieux.

Elle acquiesça, compréhensive.

- Tu as fini ta garde. Cesse d'y penser et laisse-nous faire, me conseilla-t-elle.

Elle avait raison mais cela était plus facile à dire qu'à faire.

J'avais toujours voulu être infirmière, à défaut de devenir psychiatre, n'étant pas très tourné sur les longues études. Aider était une seconde nature pour moi et me tenait immensément à cœur. Je voulais effacer le malheur du monde. Sachant que cela n'était pas faisable, je m'employais à apporter ma contribution à la tâche. Je savais que certains de nos patients étaient des cas désespérés, qu'ils ne guériraient jamais, mais il était toujours possible de leur facilité la vie, grâce aux bons traitements et de l'attention.

Un sourire peut changer la journée maussade d'une personne, me disait toujours ma mère.

J'en avais fait un mantra.

Je tournais mon regard sur l'immense bâtisse, presque coupable d'être saine d'esprit et rentrer chez moi alors que beaucoup d'entre eux resteront en ces lieux pour le reste de leur vie, sans espoir de guérison. Deux petites mains s'agrippèrent à mes épaules pour me tourner en direction du parking.

- Cela suffit, Destiny. Rentre chez toi, décompresse, reposes-toi, vit mais ne pense plus au boulot jusqu'à lundi prochain et c'est un ordre, ordonna-t-elle gentiment.

Je lui fis une accolade puis me décider à l'écouter. Il était vrai que j'avais besoin de repos. Je tenais à peine sur mes jambes. Comment faire du bon travail dans ces conditions ?

Je lui fis un signe d'au revoir puis parti en direction de ma voiture. Il faisait sombres, malgré les lumières des lampadaires et j'eus du mal à trouver mes clés dans mon sac. Figée devant mon véhicule, je fouillais au fond de celui-ci quand je sentis un regard dans mon dos. Pensant que cela devait être Greta, je n'y prêtais pas attention avant de me tourner lorsque je trouvais mes clés. Elle n'était pas là. Elle avait dû retourner au travail, ce qui m'inquiétait car je sentais toujours ce fameux regard sur moi. Je me dépêchais de déverrouiller ma portière et entrais rapidement pour me mettre au volant. Retrouvant la raison, je pensais à la fatigue qui m'étreignait. Cela devait se jouer de mes sens car personne ne se trouvait dans les alentours.

Je démarrais et me mis en route. J'habitais à une bonne heure du sanatorium, je décidais alors d'allumer la radio afin qu'elle m'accompagne dans mon périple et empêche la fatigue de m'engloutir alors que j'étais au volant.

Une demi-heure de trajet et mon téléphone sonna. Personne ne m'appelait jamais à cette heure-ci. Cela ne pouvait être qu'une urgence. Je décidais de me garer, rapidement, sur le bas côté afin de répondre. J'avais de toute manière besoin de prendre l'air frais car le sommeil commençait à obscurcir ma vision.

Je choppais mon sac et sorti de la voiture en attrapant mon téléphone portable dans la petite poche intérieure de mon sac. L'appel provenait de l'hôpital. Redoutant une mauvaise nouvelle, je me dépêchais de rappeler. Je n'attendis que cinq seconde avant d'entendre la voix sanglotante de Greta.

- Destiny... Destiny, je suis vraiment désolée... pleura-t-elle.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? m'affolais-je

- C'est Perry... Il est...

- Il est quoi, Greta ? demandais-je tout en sachant ce qu'elle allait me dire sur le patient que je suivais depuis mes débuts dans cette institution.

Je m'étais grandement attaché à son cas. Perry était un homme dans la trentaine qui avait subi violence et viol de la part de son père tout au long de son enfance. Il en était détruit. Il ne parvenait plus à trouver la joie de vivre. Toutes ses atrocités tournaient en permanence dans son esprit. Il en était piégé. Je m'étais prise d'affection pour lui dès le premier jour, voulant lui apporter un peu de bonheur mais je n'y étais jamais réellement parvenu. Tout mes collègues de travail connaissaient mon attachement pour cet homme et me voyait comme l'ange gardien de Perry. Cela ne me dérangeait pas tant que le directeur n'en avait pas vent. Il était interdit de s'investir trop en avant auprès des malades. Si cela se produisait, il nous retirait le patient pour nous affecter à un nouveau. Je n'avais jamais été trahi. Ils m'avaient laissé m'attendrir pour ce garçon, perdu dans son esprit tortueux, et je ne les remercierais jamais assez pour cela.

Des larmes commencèrent à se déverser de mes yeux. La souffrance de ce qu'elle s'apprêtait à me dire me coupa les jambes. Mes genoux me réceptionnèrent douloureusement. Je n'y prêtais guerre attention.

- Greta... Je t'en prie... non, pleurais-je franchement à présent.

Tout d'un coup, ses pleurs ne me parvinrent plus. Au lieu de sa douce voix implorante, ce fut un coup de klaxon ainsi que des pneus crissants qui vinrent m'alerter. Toujours à genoux, je me tournais vers un faisceau de lumière qui m'obligea à fermer à moitié les yeux. Une voiture fonçait droit sur moi. J'eus le temps de me relever mais il était trop tard pour m'esquiver de sa trajectoire. Elle allait me percuter de plein fouet.

La seule pensée qui me traversa fut pour mes parents. Ils allaient être bouleversés par la tragédie qui était sur le point de se produire. Incapable du moindre mouvement, je gardais les bras baissés, les yeux écarquillés, encore larmoyants, de terreur alors que la voiture me percutait laissant dans son sillage des traînées sur l'asphalte, faisant naître dans mon abdomen, une douleur fulgurante avant que le noir envahisse l'horizon et que la souffrance de l'impact s'efface pour laisser place au doux pouvoir de l'inconscience.

The quest for DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant