Chapitre 8 : Fosco Alino

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Italie ~ Juin 1919

La douleur était devenue une amie bienfaitrice, depuis deux semaines maintenant car tant que je la ressentais, cela voulait dire que j'étais en vie. La peur, qu'en à elle, était ma pire ennemie. Elle affaiblissait mon esprit de combattant.

Lorsque j'étais revenu de mission, avec mon unité d'enfanterie, j'avais eu l'espoir de profiter de ma famille avant de retourner en zone de combat avec mes frères d'armes. Mais voilà, que nous avions tous étaient touchés par ce virus implacable. Il nous avait, tous, mis à genoux.

Mon corps n'était que souffrance. Chacun de mes mouvements était lent et difficile. Je me devais, néanmoins, de garder le moral. Se laisser mourir n'était pas la bonne chose à faire. J'étais conditionné à me battre. J'étais un soldat. Aussi, je ne me laisserais pas emporter par la maladie sans lui livrer bataille.

De plus, j'avais une nouvelle raison de ne pas me laisser aller à la morosité. Plusieurs infirmières avaient intégré notre section, ce matin même, afin de remplacer les précédentes, exténuées. Cette belle jeune femme, aux traits délicats, avait pénétré la salle, bassine en main, dans son uniforme blanc immaculé pour me ravir le cœur au premier regard. Mon âme esseulée et fatiguée l'avait reconnu immédiatement comme sa moitié. Sans prétention aucune, j'étais sûr qu'il en était de même pour elle. Je n'avais pu garder bien longtemps les yeux ouverts, cependant. La fatigue qui m'étreignait constamment était difficile à occulter. Quelle fut ma surprise lorsque j'avais senti de petites mains enserrer les miennes. Les appels de désespoir qu'elle avait lancés avaient été plus douloureux que la maladie. Qui était ce James auquel elle semblait si attachée ?

Elle m'avait alors tout de suite rassuré. Cet homme n'était pas lié à son cœur. Cela me soulagea avec une puissance insoupçonnée. Je ne connaissais même pas son prénom et pourtant, elle avait déjà le contrôle sur mes humeurs. Cela ne trompait pas. J'étais un homme de croyance et d'intuition. Cela m'avait toujours servi lorsque je mettais trouver sur le champ de bataille. Cette infirmière m'était destinée. Mes instincts me hurlaient de ne pas l'ignorer.

Elle avait fini par se détacher de moi afin de s'occuper de la vingtaine d'autres malades dans cette section de l'hôpital. Tant de personnes au plus mal. Cela me prenait aux tripes de ne rien pouvoir faire pour eux. Je n'étais pas médecin et je le regrettais tant, à cet instant.

Je l'observais, discrètement, alors qu'elle déambulait dans la pièce et administrait les soins aux malades. Elle avait toujours un sourire, pour chaque personne qu'elle rencontrer. Elle prenait le temps de rassurer, discuter ou rire avec les patients jusqu'à s'asseoir au sol près d'un petit lit, sur lequel reposer une petite fille qui semblait s'étouffer dans sa toux. Elle la releva doucement, le regard inquiet, et tapota le dos de l'enfant. Lorsque la petite retrouva son souffle, l'infirmière porta un verre d'eau à la petite bouche de la fillette avant de la rallonger, avec un coussin supplémentaire dans le dos. Au lieu de se relever pour poursuivre ses soins, elle resta assise près d'elle et lui caressa la joue avec douceur en lui chuchotant à l'oreille des phrases qui semblaient faire rire la petite. Par cela, je pus voir la tendresse de la jeune femme.C'était sur cette image apaisante que je perdis pied et m'endormis.

Lorsque je me réveillais à nouveau, il faisait nuit noire. Je me sentais désorienté. La douleur était devenue presque insupportable. Je me savais fort mais les battements de mon cœur m'indiquaient que j'étais en mauvaise posture. J'hyperventilais. Je cherchais du regard ma bien-aimée mais ne la trouvait nulle part.

Je tentais alors de me relever, en position assise afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble malgré la souffrance que mes membres me faisaient endurer. Je devais la voir. J'en avais besoin. Il fallait que je lui parle, qu'elle sache que je l'avais reconnu. Une femme, d'une quarantaine d'année, s'approcha de moi, les mains en l'air.

- Non, monsieur. Il vous faut vous reposer, dit-elle en appuyant sur mes épaules pour me forcer à me rallonger.

Sans force, je n'avais d'autres choix que de la laisser faire alors qu'intérieurement je hurlais qu'on me mène à elle.

- Faites venir un médecin, vite. Il a besoin d'oxygène. Dépêchez-vous, petite idiote, cria-t-elle sur sa collègue plus jeune.

Elle ramena son attention sur moi et posa sa main sur mon front. Étrangement, son toucher me semblait indécent. Aussi, je tournais la tête sur ma droite en priant pour ne pas périr aussi lâchement. Cela n'était pas la mort dont je me destinais. Mourir pour son pays était mille fois plus gratifiant. Tristement, je tentais de prononcer, ce qui serait peut-être mes dernières paroles.

- Je vois voir l'infirmière brune aux yeux vert-bleu.

Ma phrase était décousue et haché mais j'avais dans l'espoir de mettre fait comprendre, ce qui fut le cas, lorsque la femme me répondit, l'air désolée.

- L'infirmière Bianchi est partie au repos, monsieur. Vous m'en voyez désolée. Il faudra vous contenter de moi.

Cela ne pouvait en être ainsi. J'étais sur ma fin. Je le savais. J'avais réellement besoin de lui adressaient mes derniers mots. Il fallait qu'elle sache que j'étais désolé de me montrer aussi faible, de ne pas être à la hauteur. Une larme coula le long de mon visage alors que je réalisais avoir eu la chance d'avoir pu entrevoir la personne merveilleuse qu'était mon âme-sœur.

Je ne pouvais plus sentir mon cœur battre. Mes paupières devenaient si lourdes. J'avais l'impression que ces deux semaines de lutte s'achevait-là. Je m'étais agrippé à la vie afin de retourner à la protection de mon pays. Faire ce pour quoi j'étais faits, sans savoir qu'autre chose m'attendais quelque part. Le regret était un sentiment amer. J'avais la sensation que la vie m'avait agité une confiserie sous le nez pour me dire, par la suite, que je ne l'obtiendrais jamais.

Son visage, ce sourire lumineux, teinter de tristesse, allait m'accompagner dans la mort. Je me disais que finalement, je n'étais pas plaindre car je n'étais pas de ceux qui perdraient la vie seuls. Beaucoup finissaient comme cela. Personne pour les pleurer car trop isolés.

J'allais abandonner ma famille. Ma mère. Mon père. Mon frère. Mes frères d'armes. Et l'infirmière Bianchi. J'avais deux demandes avant de partir à jamais. Je rassemblais mes dernières forces et ouvris les yeux pour scruter, difficilement, l'infirmière.

- Comment s'appelle-t-elle ?

Elle semblait hésiter avant de se décider.

- Carolina.

- Dites à mes parents de prendre soin d'elle, s'il vous plaît, prononçais-je dans un murmure d'épuisement.

Je ne pus entendre sa réponse car, déjà, mes yeux se refermèrent. Je me sentis mourir avant même que mon cœur cesse de battre et je fus aspirer hors de mon corps vers une lumière des plus réconfortantes.

The quest for DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant