Chapitre 2 : James Richardson

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Louisville ~ Mars 1859

- Père, pourrais-je avoir un sucre d'orge lorsque nous serons arrivé à la maison ?

- Après que tu m'es aidé à semer, fils, acquiesçais-je.

- Et moi ? réclama à son tour ma fille.

- Aide ta mère dans ses tâches et tu pourras en avoir aussi.

La route avait été longue depuis Lexington. Je n'avais qu'une hâte, aller voir comment aller mes bêtes et commencer à semer mes récoltes. Je devais nous mettre à l'abri de la faim avant l'hiver. Cela était ma préoccupation première. Martha se tourna vers les enfants afin de leur remettre leurs cahiers d'école.

- Travailler un petit peu vos leçons. Vous verrez, le temps passera beaucoup plus vite.

Nous avions la chance d'avoir des enfants calmes et obéissants. Aussi, ils se mirent au travail. Peter avait de la lecture. Mary quant à elle, devait travailler son alphabet. Nous n'avions pas une vie des plus faciles, n'étant pas très fortuné, mais nous possédions, tout de même, la richesse. Nous étions riches de l'amour que nous nous portions tous les quatre et je n'échangerais cela pour rien au monde. Nous avions une petite maison, tout à fait confortable, ainsi que de la terre cultivable. Nous n'étions pas à plaindre même si certain hiver se faisait difficile.

- As-tu pu négocier avec monsieur Freedman ? chuchota-t-elle afin de ne pas être entendu des enfants.

- Il était prompt à me rencontrer, cela était déjà beaucoup pour un homme aussi occuper.

- Oh...

- Ne t'en fais pas. Je vais trouver une solution, la rassurais-je de mon mieux en lui serrant la main.

Elle hocha la tête, l'air soucieux. Cela me déplaisait qu'elle s'inquiète autant pour des affaires qui ne concernaient que le chef de famille. Je me surpris à penser être un mauvais mari pour elle. Elle était d'une nature si anxieuse.

Monsieur Freedman était un créancier des plus immorales. Il s'assurait toujours d'être payé en temps et en heure. Aussi, lui demander un délai de paiement n'avait pas eu l'effet escompter. J'avais alors dû lui donner nos dernières économies. La vie allait être plus difficile jusqu'à la prochaine récolte. Je ne m'inquiétais, cependant, pas. Certains villageois de la ville cherchaient toujours de la main-d'œuvre pour quelques réparations. Je me rendrais simplement disponible, en plus de semer mes terres.

Martha et moi, nous nous connaissions depuis notre plus tendre enfance. Aussi, lorsque ses parents ont voulu la marier à ses dix-sept ans, il en venait de soi que je me présente à la porte de son père afin de faire une demande en bonne et du forme. Monsieur Harrys m'avait toujours apprécié. Il m'avait même avoué espérer que je prenne la décision de venir le voir afin d'en discuter.

Deux semaines plus tard, nous convolions en tant qu'époux.

Je devais avouer n'avoir jamais eu de sentiments romantiques envers Martha avant notre mariage. Elle était ma meilleure amie, rien de plus. Seulement lorsque Robert Spenson avait fait valoir son droit à tenter sa chance, je ne pus en faire autrement. Robert était un garçon vil, sujet à la fourberie et la luxure. Martha en avait toujours eu peur. Je ne pouvais cautionner cela. Ainsi, nous voilà mariés depuis onze ans. Martha était une femme bien, gentille et compréhensive. Je m'estimais chanceux de l'avoir pour épouse.

Perdu dans mes pensées, je ne sentis pas immédiatement les coups de coudes que Martha m'octroyait.

- Regarde sur la route, devant nous. N'est-ce pas une jeune femme ?

- Ou cela, mère ? s'écria les enfants en chœur, en oubliant leurs devoirs.

Je plissais les yeux pour parfaire ma vision et vu, effectivement, une jeune femme, à cinq cent mètres de nous, portant une robe grise.

- Que fait-elle sous cette chaleur en pleine après-midi ? s'interrogea Martha.

- Je n'en sais rien mais nous n'allons pas tarder à le découvrir, dis-je en pressant les chevaux.

Nous n'étions plus qu'à deux mètres de la mystérieuse femme lorsqu'elle leva les yeux sur nous. Elle était assis aux creux d'un arbre, recroqueviller sur elle-même. Était-elle folle ? Cela était-il une bonne idée de nous arrêter afin de l'aider ? Pouvait-elle être un danger pour Martha et les enfants ?

Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'ils se posèrent sur nos chevaux et moi, j'en oubliais de respirer. Elle possédait les plus beaux yeux que je n'avais jamais vu^s. Si clair que le soleil en effaçait, presque, leur couleur. Mon regard parcourut son visage, dans son ensemble et je fus époustoufler par sa beauté.

Mary possédait une poupée de porcelaine aux yeux vert clair et aux cheveux noir de jais. Je pourrais, contre toute attente, jurer que cette jeune femme avait été la muse du créateur de cette frivolité. Incapable de détacher mes yeux de cette inconnue, je faillis lui passer devant, sans m'arrêter. Je tirais sur les rênes afin d'indiquer aux chevaux d'arrêter leurs marches. La femme avait toujours les yeux rivés sur nos bêtes. Elle semblait surprise et quelque peu perdue. Lorsqu'elle se détourna d'eux cela fut pour me fixer. Son souffle se coupa subitement et mon cœur fit un bon dans ma poitrine.

«Cette femme m'est destiné».

Cela fut la seule pensée qui me traversa en cet instant. Je me sentis honteux. Martha était ma femme. Cela était elle qui m'était destinée. Ses yeux se remplirent de larmes, qu'elle cherchait à contenir et je ne pus réprimer mon envie de l'enlacer afin de faire taire toutes ses peines. Je m'abstenais, néanmoins.

Je descendis du chariot pour me présenter, en ordonnant à ma famille de ne pas me suivre. L'inconnue était certes belle et m'inspirait de la tendresse mais il n'en restait qu'elle était une inconnue. Je devais être un mari et un père exemplaire et protéger ma famille.

Je m'immobilisais devant elle, hypnotiser par sa personne. Ma respiration s'accéléra lorsque son parfum me parvint aux narines. Je tentais d'endiguer au mieux les émotions qui m'assaillaient par la présence de cette femme. Je mis mes mains dans mes poches.

- Bonjour, je me nomme James Richardson. Êtes-vous perdue, jeune demoiselle ? Pouvons-nous vous aider d'une quelconque manière ?

Elle continuait à me regarder comme si elle voyait un fantôme mais ne répondait toujours pas. J'insistais.

- Mademoiselle. Vous allez bien ?

Elle secoua la tête avant de porter son regard sur ma famille. Une étincelle de tristesse jaillit dans ses yeux lorsqu'ils se reposèrent sur moi, m'offrant un pitoyable sourire triste qui me comprima la poitrine.

- Je ne sais pas...

The quest for DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant