Chapitre 15 : Destiny

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Louisville ~ Decembre 2020

Le soleil se couchait lorsque j'ouvris les yeux. J'avais dormi toute l'après-midi. Cela était devenue mon quotidien depuis mon retour de chez mes parents. J'avais pris la décision de stopper tout ce qui constituait ma vie pour me concentrer uniquement sur l'étrangeté de ce don. J'avais eu la visite de Brooke, la veille, et elle n'en démordait pas. Elle tenait à faire toutes les recherches possible sur le sujet. Je ne lui avais toujours pas parler de ma rencontre avec Dalton et Cora. J'hésitais à lui en faire part car cela deviendrait concret. J'étais prête à accepter, en théorie, que je pouvais traverser le temps mais voir la compréhension et l'avidité d'information dans le regard de mon amie était autre chose. Elle ne me parlait, déjà, que de ça, si elle venait à avoir ses informations, cela virerait à l'obsession.

Je m'étais attendu à faire un nouveau voyage trois jours plus tôt, ayant estimé mes départs à tous les deux jours, mais cela faisait cinq jours que je squattais mon canapé sans que rien ne se passe. Cela était-il fini ?

Cela était le plus difficile, en mon sens. L'attente. La surprise de l'époque et du lieu, n'importait plus à côté de l'attente. Je m'empêchais de vivre de peur que cela advienne en société. Je ne voulais pas être regardé comme une étrangeté, une folle. J'avais prévu de contacter le couple afin de connaître leur ressenti lorsque cela leur était arrivé parce que, personnellement, je ne savais, absolument, pas le gérer.

J'avais longtemps hésité à les contacter, ne voulant pas discuter de tout ça, préférant occulter le sujet. J'étais en permanence fatiguée alors que je passais mon temps à dormir, manger et regarder la télé. Je savais ce que cela pressentait. Une petite déprime, due à tous les événements passer, cette dernière année. Il fallait que je cesse de me leurrer et que j'agisse, au lieu de me laisser sombrer par ces traversés qui ne m'apporter que déchirement. J'avais l'impression qu'à chaque voyage, on m'arrachait un bout de ma personne.

Je tendais le bras pour attraper mon téléphone portable, poser sur la table basse et naviguais dans mes contacts jusqu'à tomber sur le numéro de téléphone de Cora. J'appuyais sur le bouton «appel» et portais l'objet à mon oreille. La tonalité répétitive grésilla fortement contre mon tympan, à l'unisson avec les battements de mon cœur.

- Allo ? me parvient la voix joyeuse de la jeune femme.

- Cora ? C'est Destiny...

- J'attendais ton appel bien plus tôt, se réjouissait-elle.

- Je suppose que j'aurais dû t'appeler bien avant... Pourrions-nous nous voir, s'il te plaît ? J'ai besoin d'aide, quémandais-je dans un soupir.

- Tu n'as pas l'air d'aller bien, constata-t-elle en retrouvant son sérieux. Nous pourrions nous voir tout de suite si tu le souhaites.

- Je ne veux pas te déranger...

- Tu me déranges aucunement. Donne-moi ton adresse. J'arrive.

Je lui transmettais, alors, mon adresse avec reconnaissance et nous raccrochions. J'avais dans l'espoir d'avoir le réconfort de cette femme qui avait vécu les mêmes éprouvantes situations que moi. Elle saurait certainement me rassurer et me comprendre. Elle m'apporterait des éléments de réponse et saurait effacer mes doutes. Peut-être apaiser mes peines. Comment avait-elle géré ces déchirements lorsqu'il fallait quitter son Dalton, dans chacune des vies qu'elle avait visitée ? Comment faisait-elle face aux femmes de celui-ci sans que le sentiment de trahison l'étouffe de tristesse ?

Je n'eus pas à attendre trop longtemps avant que des coups résonnent à ma porte d'entrée. Je me levais précipitamment du canapé, où j'étais allongée telle une baleine échouée, et allais ouvrir avant qu'elle ne porte le troisième coup. Je la trouvais, le poing en l'air, les yeux grands ouverts par la surprise avant qu'un sourire prenne place sur son petit visage enfantin.

- Je suis désolée de t'avoir surprise, m'excusais-je.

- Tu étais pressée de me voir, ironisa-t-elle.

- J'ai grandement besoin de tes lumières ou je crois que je vais devenir folle.

Une lueur de tristesse passa dans son regard, une petite seconde. Elle ouvrit les bras en grand.

- Tu me laisses entrer ?

- Oh, pardon. Bien sûr, tu peux entrer, dis-je en me déplaçant pour la laisser passer.

Elle jeta un regard circulaire à mon salon. J'en fis de même et j'eus honte de mettre laisser aller à ce point. Des vêtements jonchaient le sol, des assiettes investissaient la table basse et pour couronner le tout, la pièce sentait le renfermer. J'étais devenue, en cinq jours, une loque humaine. Je me faisais honte.

- Je suis désolée...

- Non. Ne t'excuse pas, me coupa-t-elle, je suis passée par là, moi aussi.

Sa compréhension me fit chaud au cœur. Je me sentais moins seule en sa présence. Elle était la seule personne à m'inspirer cela.

- Veux-tu que je t'aide à ranger ? Parce-qu'après cette conversation, je veux que tu te reprennes et pour ça, je vais t'aider. Tu n'es pas seule, Destiny. Je connais ce que tu traverses. C'est difficile, contraignant, fatiguant pour l'esprit. Tu n'arrives pas à voir le positif dans tout ça mais je t'assure que ça en vaut la peine. Alors premièrement, nous allons mettre de l'ordre dans ton espace personnel, ensuite nous mettrons de l'ordre dans ton esprit et dans ton petit cœur. Qu'en dis-tu ?

Cette femme était formidable. Une larme coula le long de ma joue. Je voulais tellement que tout redevienne comme avant, mais je savais cela impossible alors autant le vivre auprès d'une femme aussi incroyablement positive qu'elle.

Elle approcha sa main de mon visage, essuya ma joue et m'offrit un petit sourire.

- Je suis heureuse de t'avoir rencontré, ce jour-là, Cora.

- Moi aussi, belle Destiny, moi aussi. Je serais présente à tes côtés tout le long de ta quête pour t'apporter soutien et réconfort lorsque cela sera nécessaire et cela débute maintenant, déclara-t-elle en tapant dans ses mains et s'avançant vers mon salon pour débarrasser la table encombrer de restes de nourriture.

Je suivis le chemin de sa pétillante et apaisante présence, sachant que la bonne chose à faire était de me nourrir de ses connaissances et de son expérience afin de mieux vivre cette situation. Le moral en berne depuis plusieurs jours, elle avait réussi en quelques paroles, à me redonner l'espoir d'une fin heureuse à tous ceux-ci.

The quest for DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant