Chapitre 34 : Ryan / Henry

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Paris ~ Juillet 1793

Quelle cruauté pouvait faire preuve ces hommes. Une femme, incapable de se défendre, derrière une porte scellée, qui attendait son heure. N'avaient-ils donc aucune valeur ?

J'occultais leur ressentiment et me tournais face à la jeune femme qui m'observait, les yeux écarquillés.

- Vous ne devriez pas faire cela, gentilhomme. Cela pourrait vous porter préjudice.

Je fermais les yeux face au visage et la voix que je connaissais si bien, pour qu'elle continue à me hanter profondément durant le reste de ma vie. Je me trouvais face à une Megan blonde, aux cheveux si longs que je n'en voyais pas le bout. Ses yeux n'étaient plus vert mais bleus mais c'était bien elle. Elle semblait résigner à son sort mais un souffle de vie me poussa à réfléchir vite. Je ne pouvais pas la laisser mourir. Pas elle. Elle dut sentir ma panique car elle passa sa main, presque instinctivement, entre les barreaux pour me caresser la joue.

- Pars, mon ami... se résigna-t-elle à ma place avant de rajouter. Pardonne-moi pour cela.

Je ne compris pas immédiatement ce qu'elle voulait dire avant que je ressente la brûlure de sa main percutant ma joue.

- Jamais je ne vous laisserai m'accabler davantage, là où j'ai vendu mon âme au diable pour vous protéger, hurla-t-elle à pleins poumons.

L'ami de Paul entra en trombe, l'air paniqué et mécontent.

- Je vous accorde une faveur et vous mettez en péril mon poste ? Je vous avais prévenu de ne pas l'approcher, gueula-t-il.

- Mais... commença Thierry.

- Suffit. Sortez d'ici. Immédiatement avant de je vous mette aussi derrière une de ces portes.

Des pas traînants me parvinrent alors que mon frère et ses amis étaient poussés vers la sortie. Je me retournais une dernière fois pour la voir le dos courber sur un lit de fortune. Elle releva la tête, s'autorisant à montrer sa faiblesse un petit instant, et me sourit tristement.

- Je suis désolée.

- Henry ?

Mon frère m'appelait. Il fallait que je parte. Elle ne voulait pas être sauvée. Pourquoi avait-elle tué celui qu'on appelait « l'ami du peuple» ?

Je ne parvenais pas à bouger. La laisser là, attendant la mort, me broyait de l'intérieur. Comment pouvais-je rester passif lorsque la femme qui m'était destinée allait se faire décapiter aux regards de tous, qui s'en réjouiraient. Ses yeux brillants de larmes me supplièrent de partir. Elle avait peur que les gens pensent que je suis de son côté et m'emprisonne à mon tour. Cela se passerait certainement de cette manière mais je ne pouvais pas rester sans agir.

- Pars. Vis. Pour nous deux, mon ami.

- Je ne peux pas, soufflais-je en me tournant complètement vers elle. Je m'approchais des barreaux et les empoignais.

- Il doit y avoir une solution...

Elle se leva pour me faire face, en secouant la tête.

- Non. Il n'y en a pas. Cela était écrit. Je devais le faire en espérant que mon acte profite à tous.

- Que veux-tu dire ? Cet homme était une bénédiction pour nous tous.

- Tu portes aussi des œillères... se désola-t-elle en secouant la tête tristement.

Elle se retourna puis revint avec une enveloppe qu'elle me tendit.

- Prends. Garde-la. Lorsque tes yeux seront grands ouverts, lit la, tu comprendras enfin mon geste.

- Monsieur. Il vous faut partir. Ils vont arrivé pour la préparer. C'est l'heure, insista le garde avec empressement.

La panique me fit presque chuter à genoux. Il fallait que je trouve une solution pour la sortir de là mais je savais que cela était irréalisable. Je passais alors ma main à travers les barreaux, caresser sa joue tendrement avec l'impression de manquer d'air et me retourner rapidement, la laissant au destin qu'elle s'était choisi. Je pouvais entendre un sanglot étouffer accompagnant la larme que je n'avais pas réussie à contenir alors que la colère commençait à m'habiter face à ce système barbare que la révolution avait engendré, punissant toute personne sans forme de procès.

Je m'écartais du groupe, les abandonnant à leur sauterie, et m'isolais. J'allais trahir sa parole en ouvrant sa lettre. Il fallait que je sache. Avait-elle des informations qu'aucun de nous avait qui me permettrait de l'absoudre ?

Sa fine écriture à l'encre m'apparut et mon cœur se comprima si durement que je crus faire une attaque. Pourquoi avais-je atterri ici ? Pourquoi devais-je me confronter à ce bonheur déjà perdu ? Henry était dévasté. J'étais meurtri. Nous ne faisions plus qu'un dans une douleur mortelle. J'avais l'impression de mourir de l'intérieur, incapable de sauver la jeune femme.

La lettre expliquait les raisons de geste en détail mais rien dans celle-ci ne m'aurait permis de la sortir de ce bourbier à mon plus grand désespoir.

À quelques mètres de moi, la foule se mit soudain à hurler, signe qu'il était l'heure pour elle de prier pour la dernière fois, la tête positionner sur le billot. L'air ne me parvenait plus alors que je me faufilais à travers la foule, au paroxysme de l'angoisse. Je poussais les badauds afin d'accéder au-devant de la foule. Je ne voulais pas qu'elle se sente seule. Je voulais qu'elle puisse lire sur mon visage qu'il n'y avait pas que des gens qui la haïssaient. Je voulais qu'elle voit l'urgence de mon amour dans mon regard. Mes larmes à sa perte même si cela devait passer pour de la traîtrise. Je n'en avais que faire. Ce peuple pour lequel j'ai combattu, suivit les idées de cet homme, allait m'enlever la seule personne qui aurait pu me rendre heureux.

Tous hurlaient à la mort de la jeune femme alors qu'elle montait les marches qui la conduisaient à la mort, la tête haute. Elle n'affichait ni peur, ni ressentiment. Elle acceptait tout simplement. Le bourreau l'obligeait à s'agenouiller et positionna sa tête de côté, si bien que son regard se posa directement sur moi. Ses yeux s'écarquillèrent avant de laisser transparaître la peine qu'elle ressentait. Elle reprit une expression neutre, se rendant compte qu'elle s'était allé, durant une seconde, et m'offrit un sourire qu'elle voulait serein puis détourna la tête après avoir dit du bout des lèvres.

- Ne regarde pas.

Elle ne me regardait plus. Je ne parvenais plus à distinguer quoi que ce soit à cause de mes larmes, aussi je fermais les yeux. Je ne pouvais pas. Cela m'était impossible. Mon corps tremblait de part en part. Mes jambes cédèrent, si bien que je me retrouvais à genoux face à la guillotine, dans la même position qu'elle. Mes sanglots étaient incontrôlables puis le silence fut, plus assourdissant que jamais.

Lorsque j'ouvris les yeux, mes parents se tenaient devant moi, le regard inquiet, alors que je ne parvenais pas à cesser mes pleurs incontrôlables.

The quest for DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant